Je sais, vous allez me reprocher de mettre en avant ce que je condamne. Mais s’il est vrai que je pointe du doigt la fâcheuse tendance des groupes à piller le passer pour alimenter les coffres du présent, ça ne m’empêche pas de savoir reconnaître les gentils des méchants, et les bons des mécréants. Oui, la vague vintage commence à nous les briser menu, qu’elle soit Hard, Heavy, Thrash ou AOR, oui, j’aimerais que parfois les musiciens se montrent plus culotés qu’appliqués, mais lorsque l’hommage rendu est à la hauteur du statut, alors j’apprécie, comme tout un chacun. Et c’est bien évidemment le cas des CAVADOR, qui malgré un patronyme et une imagerie classiques s’ingénient depuis plus d’une décade à prouver leur sincérité. Car loin d’être un simple tribute band destiné à flatter l’ego des James, Lars, Dave, Scott, Schmier ou autres Mike, CAVADOR est une entité Thrash prophète en son pays et bien au-delà de ses frontières, par la seule force de sa musique pour le moins particulière. Car si le concept utilise des formules déjà mises au point il y a trente ans, il a le mérite de les détourner de leur fonction primale, pour ne pas se contenter d’un pauvre Thrash déjà éculé avant d’avoir été épluché, et se rapproche même de l’école allemande la plus absconse des années charnières 88/90. En fait, et c’est quasiment un miracle, ils parviennent même à unir dans un même creuset la folie débridée de l’école sud-américaine et la rigueur sombre des enseignements germains, pour finalement nous proposer un nouvel EP aux ambiances travaillées, modulées, qui risque fort de s’imposer dans la production pléthorique.
Fondé en 2003, le groupe n’a pas vraiment chômé, et se trouve aujourd’hui à la tête d’un capital de production assez conséquent. Après avoir entamé les hostilités d’un EP éponyme en 2006, les originaires de Buenos Aires ont ensuite patienté trois ans avant de balancer leur premier LP, …De Tumbas, qui lui-même anticipait sans le savoir, et cinq ans à l’avance le second, Soldado Argentino Solo Conocido Por Dios. Deux EP consécutifs ensuite (A Lesson in Violence - The Conjuring en 2014 et Prohibido Nacer en 2015), un live pour patienter, et ce nouveau longue-durée qui n’en est pas vraiment un, puisqu’il ne franchit pas la barre de la demi-heure. Une sorte de néo Reign In Blood argentin ? Vous avez tout faux, même si les deux travaux partagent un gout prononcé pour l’intensité. Mais si chez SLAYER elle se manifestait par une vitesse et une vilénie constante, chez les CAVADOR, elle s’incarne autour d’une gravité de ton assez prenante, et par des changements de rythme et de direction assez troublants. Sans vraiment changer d’optique, les argentins se rapprochent des valeurs sûres d’un circuit fermé, celui du Techno-Thrash allemand de la fin des années 80, en laissant de côté les ambitions trop démonstratives. On se voit alors opposé une fin de non-recevoir de violence brute pour signer une décharge de brutalité vicieuse, qui met en avant un chant vraiment atypique, des constructions parfois épiques, mais aussi beaucoup d’envie, spécialement celle de sonner autrement qu’un simple old-school band trop scolaire pour se faire remarquer.
Mais plutôt que de groupe, il faudrait presque parler d’individualité, puisqu’on ne retrouve aux commandes de ce Sin Culto a Los Muertos qu’un seul homme, Emanuel Salgado, qui a donc pris en charge la quasi intégralité de l’instrumentation. En s’arrogeant la guitare rythmique, la basse, le chant et la programmation, l’homme signe un tour de force remarquable, et a pu compter sur l’aide de quelques companeros pour distiller quelques soli (Ezequiel Catalano, Horacio Castro, Daniel Lescano, Fer Echegoyen & Nico Hernández), afin de remettre un produit vraiment fini. Et ce troisième LP est une sorte d’épiphanie, et surtout, une façon de décentrer l’action pour la rapprocher d’une époque en demi-teinte, que tous les connaisseurs apprécient depuis trente ans. Pour être franc, je n’avais pas éprouvé telle sensation de satisfaction sadique depuis le séminal et terrifiant Protected From Reality des LIVING DEATH, dont ce Sin Culto a Los Muertos s’inspire en plus d’une occurrence. On y retrouve la même franchise bafouée de riffs qui n’osent pas la vérité, la même envie de souiller toutes les mélodies qu’on approche, la même roublardise qui vous perd dans les dédales d’une imagination malsaine, et surtout, la même fausse efficacité qui exige plusieurs écoutes pour s’imposer. Un travail étrange donc, rendu encore plus bizarre par la voix du maestro, hurlée, vociférée, et qui prend de faux airs des récriminations cacochymes de Thorsten « Toto » Bergmann, qui s’époumonait comme une vieille sorcière enfermée sur le troisième LP de son groupe damné. Mais si vous ajoutez à ce bilan quelques touches du HOLY MOSES période Lichtenstein, et que vous imposez le tout à un VIO-LENCE un peu fatigué d’avoir trimé comme un dératé toutes ces années, vous obtenez le cocktail enivrant qu’est Sin Culto a Los Muertos. Et en étant un poil cultivé, vous pourrez même parfois y associer le souvenir du TOURNIQUET le plus déviant (« Cortejo Funebre »pour peindre un tableau exhaustif.)
Et si vous doutez de mes paroles, et pensez que je me laisse emporter par mon enthousiasme, envoyez-vous à titre préventif le monstrueux « Cadaver sin Tumba » qui sonne plus LIVING DEATH qu’une zone industrielle de la Ruhr. Tout y est, le compte est bon, les riffs nauséeux, les accélérations subites, le chant complètement halluciné, les guitares soudainement ténébreuses, et même cette évolution en crescendo heurté qu’on appréciait tant sur le troisième album des allemands. Non que CAVADOR n’en soit qu’un pâle fac-similé, mais plutôt un digne héritier, qui n’a sans doute pas fait exprès de pousser le mimétisme dans ses derniers retranchements. Mais loin de se contenter du rôle de doublure d’une légende de la série B, le concept argentin pousse les choses plus loin, et semble se poser en synthèse idéale des combos européens de la fin des années 80, ces DEATHROW, HOLY MOSES et autres qui commençaient alors à comprendre (un peu tard…), que Thrash ne rimait pas forcément avec violence qui tâche et vélocité qui fâche. Alors, Emanuel Salgado, des idées accumulées plein sa musette passe en revue le haut du panier d’un style qui se voyait alors obligé de proposer autre chose pour ne pas être oublié. On verse alors dans la quintessence intelligente d’une agression sauvage mais calibrée, et « Intentando la Muerte » d’opposer des guitares mélodiques à des riffs supersoniques, le tout calé sur une rythmique inventive, mettant en exergue des lignes vocales toujours aussi hystériques. Et les morceaux, écoute après écoute s’incrustent en vous, et squattent votre mémoire, sans user d’artifices d’arrangements propices, mais en se basant sur une véritable science de composition, qui accepte les arpèges vénéneux à la Mustaine (« Conversando con el Diablo »), tout en osant le martèlement d’une marche lourde comme le poids des années (« Generación Destruida », glauque, oppressant, mais gluant et attirant dans sa dualité de temps)
Alors, oui, je condamne. Je condamne dorénavant les groupes dit « old-school » à se triturer un peu plus la tête pour nous offrir des albums de cette trempe. Car les CAVADOR avec Sin Culto a Los Muertos viennent de déterrer l’un des cadavres les moins frais du cimetière Thrash, pour le ramener à la vie l’espace d’une petite demi-heure.
Titres de l'album :
1.Cadaver sin Tumba
2.Intentando la Muerte
3.Edad Nuclear
4.Generación Destruida
5.Conversando con el Diablo
6.Cortejo Funebre
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