Depuis une dizaine d’années, le Chili est régulièrement secoué par des détonations dont le point d’origine se situe à Temuco, mais dont les échos font trembler la grande Santiago, située à plus de six-cents kilomètres. Ces détonations sont en effet assourdissantes, mais symbolisent merveilleusement bien la colère des peuples à travers le monde, ces citoyens qui en ont plus qu’assez d’être pris pour des cèpes et des vaches à lait. Et quel meilleur vecteur d’expression que la musique pour hurler sa rage, et pointer du doigt un système criminel qui use de la théorie du ruissèlement pour favoriser les classes les plus riches.
Et justement, Sistema Criminal est le dernier cri en date de ces expertes en explosifs que sont les quatre DERRUMBANDO DEFENSAS. Pour l’anecdote, sachez que le groupe est constitué de quatre musiciennes enragées, qui depuis 2009 secouent le cocotier de l’injustice pour en faire tomber les noix de la haine.
Se plaçant dans un contexte de Hardcore métallique, les quatre chiliennes nous proposent donc via cet EP/LP une solide continuité avec le reste de leur œuvre, et certainement l’un des albums de Hardcore les plus féroces de cette fin d’année 2022, même si l’objet en question est sorti il y a déjà quelques mois. Maritza Aguayo (chant), Mónica Torres (guitare), Carolina Vera (basse) et María Constanza Fernández (batterie) se veulent évidemment féministes, antispécistes et antifascistes, ce qui se traduit évidemment dans les textes de Maritza Aguayo, qu’elle prend un malin plaisir à éructer d’une voix grave passée au papier de verre.
D’une technique simple mais d’une redoutable franchise, Sistema Criminal profite d’un excellent travail fourni par l’omnipotent Felipe Arenas, qui a enregistré, mixé et masterisé ce jet de bile, et du graphisme morbide de Subhuman Illustrations qui accroche méchamment l’œil. Musicalement, le groupe se situe dans une veine lourde de Hardcore très métallisé, soit une base assez classique, mais relevée des exhortations d’une chanteuse dans sa langue maternelle, qui permet de démultiplier une puissance déjà remarquable.
Le but de DERRUMBANDO DEFENSAS n’a jamais été de révolutionner le petit monde du Hardcore sud-américain, l’un des plus denses et actifs du monde, mais bien d’y greffer sa propre signature, que « Alza Tu Voz » souligne de ses accents violents et de ses chœurs virulents. Dès les premières secondes, le groupe nous prend à la gorge pour ne plus desserrer son étreinte, nous obligeant à voir la réalité blafarde en face et à envisager les maigres options qui nous restent.
On notera évidemment immédiatement l’épaisseur de la guitare, et le brillant d’une basse qui claque comme aux grandes heures de Brooklyn. Traditionnel dans le fond et la forme, le groupe joue un Hardcore vraiment sombre et qui laisse de sales émanations dans les naseaux, un truc compact qu’on se prend en pleine tronche au coin d’une rue de Temuco.
Très professionnel, ce nouvel album peut se jouer plusieurs fois d’affilée sans que la patience n’en soit effritée, et avec des morceaux aussi méchants que « Latinoamérica » ou « Industria Asesina », le groupe joue sur de l’acier trempé en pleine usine abandonnée.
Et les musiciennes ne ménagent pas leurs petits effets. On se laisse happer par le vortex de déprime de la transition « Devastación » qui rappelle les passages Ambient les plus crus de NAPALM ou les ressorts industriels de GODFLESH, et les hispanophones se délecteront de textes bien sentis, en majeur tendu à la face de la politique et de l’immoralité ambiante.
Ni trop rapide ni trop lent, dans un juste milieu savoureux, Sistema Criminal s’attaque à toutes les problématiques, dénonce les industries polluantes, l’esclavage moderne, les inégalités, et les massacres organisés par des systèmes politiques véreux et obsolètes.
Quelques effets sur le chant, une guitariste qui riffe dru, une batteuse qui ne reprend pas son souffle, et une bassiste qui fait vibrer ses cordes, un sens du groove manifeste (« 87 Disparos »), une bonne utilisation des décélérations Heavy, pour un vocabulaire Hardcore manié avec dextérité et pertinence. On pourra à la rigueur déplorer l’absence d’un titre vraiment rapide en tant qu’exutoire fatal, mais l’album tient très bien la route, et se place dans le haut du panier de la production Core de cette fin d’année.
En attendant de rencontrer 2023, qui sera à n’en point douter encore plus impitoyable que ses grandes sœurs.
Titres de l’album :
01. Alza Tu Voz
02. Latinoamérica
03. Industria Asesina
04. Devastación
05. Esclavitud Moderna
06. 87 Disparos
07. No Me Representas
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49