Deux dates essentielles : l’été 1990 à La Roche/Yon avec des potes, et 2008, tout seul face à mon ordinateur. La première date correspond à la découverte du monumental Extreme II : Pornograffitti (A Funked Up Fairytale) en vacances côtières, la seconde, à ma chronique de Saudades De Rock il y a quinze ans. Entre les deux, dix-huit ans d’une vie de passion, et de fascination pour un groupe qui avait tout pour devenir le VAN HALEN des nineties, avec ce petit plus PARLIAMENT/FUNKADELIC, avant de se saborder dans les grandes largeurs avec un album trop ambitieux et maqué par les BEATLES et QUEEN, et une suite sans importance qui fonctionnait comme un avis de décès.
Je n’avais guère l’intention de me pencher de nouveau sur le cas EXTREME, subtilement refroidi par ce fameux disque lâché en 2008 sur Frontiers. J’avais déjà perdu pas mal de temps à en parler dans les colonnes de Metal Impact, négativement à mon grand dam, pour cause de non inspiration totale. Mais à force de voir le faciès simiesque de Pake Nuga sur les réseaux sociaux, je me suis résolu à me faire violence le temps d’une petite heure de découverte d’un disque qui est resté sur les étagères de l’imagination pendant une décennie. Le concert de louanges célébrant sa qualité m’avait finalement forcé à lui confier mes oreilles, certain d’être déçu, une fois de plus, à la manière d’un SKIDROW post-Sebastian Bach qui accumulait les contre-performances. Mais si même SKIDROW est parvenu à redresser la barre avec son dernier effort, alors peut-être qu’EXTREME en était capable aussi.
Six, sobrement baptisé, nous présente le même line-up que le fâcheux Saudades De Rock. Les soldats du Rock sont donc toujours les mêmes, avec Gary Cherone au chant, Pat Badger à la basse, Kevin Figueiredo à la batterie, et l’incontournable héros Nuno Bettencourt à la guitare, au chant, et à la production. Une affaire de famille donc, une entreprise qui fonctionne en interne, et qui essaie au mieux de se rapprocher d’une version moderne de son passé, sans oublier ses hauts-faits, mais sans les porter comme un fardeau non plus. Pornograffitti accusant plus de trente ans d’âge, il est inutile de s’y référer pour parler du travail contemporain du quatuor. Qui une fois encore fait ce qu’il peut pour se montrer à la hauteur des attentes.
Je l’avoue, il m’a fallu trois morceaux consécutifs pour enfin m’intéresser à Six. Les trois premiers singles, modernes, se voulant catchy et décomplexés n’ont pas vraiment stimulé mon affect, trop génériques, avec un Cherone qui déguise sa voix comme s’il était embarrassé par son talent, et un Nuno B. lâchant des riffs se voulant percussifs, mais sonnant dans le vide comme une tentative désespérée de s’accrocher à la locomotive Alt Rock en vain.
C’est donc « Other Side Of The Rainbow » qui a entamé les hostilités, avec sa mélodie classique mais séduisante, son tempo raide et son acoustique humble qui m’a fait entrer de plein pied dans ce comeback, comme si l’intimité du groupe était sa facette la plus intéressante. Et ce sont en effet les titres les plus doux et ouverts qui se montrent les plus attachants, le quatuor retrouvant sa magie d’antan en adoptant des postures sensibles et empathiques. Ainsi, « Small Town Beautiful » évoque ces vendredis soirs dans une petite ville des Etats-Unis, quelque part entre Boston et New Bedford. Cette mélodie pastorale, cette nostalgie dans les lignes vocales, cette sincérité dans les chœurs qui s’envolent comme des papillons au-dessus d’un champ de fleurs sauvages, nous ramènent tout droit à l’ambitieux III Sides to Every Story et son chapitre Yours, voyage dans le temps qui sent bon les années qui passent et ne reviennent jamais.
Admettons donc que les trois singles proposés par le groupe en amont de son retour sont les talons d’Achille d’un disque sensible, honnête, qui réserve de superbes surprises, entre Rock généraliste, Classic pour les radios, ou Pop déguisée en Hard bubble-gum à l’image de « The Mask » qui dodeline du chef comme un AEROSMITH tapant le carton avec David Lee Roth. Le groove est là, le riff pique le thème du « Beautiful People » du vilain MANSON, avant que le refrain ne nous explose au visage comme une piñata cognée un peu trop fort.
Il faut dire qu’EXTREME a largement eu le temps de peaufiner ce disque, qui se devait de corriger les erreurs impardonnables du passé, y compris le passage éclair de Gary au sein d’un VAN HALEN en perdition. On regrettera évidemment le Funk torride de l’heure de gloire en découvrant le presque Indus « Thicker Than Blood », qui s’agite dans sa cage comme un SHOTGUN MESSIAH réveillé du royaume des morts, mais on se souviendra du boulot en solo du sieur Bettencourt, touche à tout de génie capable de passer d’un style à l’autre sans perdre le sien.
Alors, certes, les gros riffs le sont, mais ils sont tellement impersonnels qu’on ne peut s’y attacher. Heureusement, ils sont souvent modulés d’une impulsion vocale de génie, ou d’arrangements finauds pour fanbase en perfusion d’amour.
Je garde donc en analyse la passion d’une moitié d’album consacrée à l’émotion et toutes ses ramifications, la fragilité acoustique d’un « Hurricane » et ses harmonies vocales à la EAGLES/QUEEN, et puis pourquoi pas la modernité d’un « X Out », qui balance sévère et qui nous replonge dans les années 90, lorsque le Hard-Rock s’est assombri pendant quelques années, acceptant même le synthétisme des machines pour survivre.
Mais ce qui fait vraiment plaisir, c’est cette diversité retrouvée, qui permet même de faire passer la pilule du très léger « Beautiful Girls » que les BEACH BOYS auraient pu emprunter aux GIRLS ALOUD. On sent que le quatuor a voulu proposer un résumé de carrière complet, ou presque, puisque nous ne retrouvons pas ici la Fusion géniale des premières années de carrière.
Six se termine même sur un dernier baiser, via la caresse de « Here’s To The Losers », dernière balade main dans la main avant l’au-revoir de rigueur. Gary n’a pas perdu de sa pureté, Nuno s’est souvenu de son génie, Pat est toujours aussi fidèle et solide, et la frappe de Kévin puissante et stable. EXTREME n’est plus le messie, encore moins le sauveur, mais il reste un groupe attachant, authentique, qui se contente aujourd’hui de faire ce qui lui plait sans penser à ce dont le Hard-Rock à besoin.
Parce qu’on a parfois plus besoin d’un ami avisé qu’un Avenger testostéroné.
Titres de l’album:
01. Rise
02. #rebel
03. Banshee
04. Other Side Of The Rainbow
05. Small Town Beautiful
06. The Mask
07. Thicker Than Blood
08. Save Me
09. Hurricane
10. X Out
11. Beautiful Girls
12. Here’s To The Losers
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