Deux choses importantes :
Avec son quatrième album, THE LION'S DAUGHTER remplit facilement ces deux conditions, et pour cause. Leur art a été porté à un pinacle, est parvenu à maturation, et incarne aujourd’hui une quintessence d’originalité qui a de quoi laisser admiratif. On savait les originaires de St. Louis, Missouri, capables d’atteindre des hauteurs où l’oxygène artistique se fait rare, mais nul n’aurait pu prévoir une telle évolution en seulement trois années de silence. Les trois années qui nous séparent de Future Cult, dont le titre était méchamment prémonitoire : un nouveau culte est en effet sur le point de voir le jour dans des proportions épiques, de quoi renvoyer Jim Jones dans les limbes de l’oubli. Et en plus, cette secte-là ne vous veut que du bien, et dispense son savoir pour une somme modique. Depuis treize ans, et plus précisément neuf ans, les américains n’ont eu de cesse de gravir les échelons pour incarner un futur de l’extrême qu’ils illustrent avec panache aujourd’hui. Car de débuts un peu gauches et encore trop portés sur les systématismes de lourdeur et d’oppression, ils ont évolué vers un pic en 2021 avec cet étonnant Skin Show, qui leur colle à la peau comme un spandex porté avec fierté par un fan de synthés des années 80.
Skin Show pourrait-être la bande-son du Times Square des années 70, l’épicentre du péché et des comportements salaces. Un havre de sexe, de drogues, de crimes caché sous l’épaisse couche de néons pendant des devantures de sex-shops. Un endroit où les anges ne s’aventurent pas. Le rythme de synthés sinistres qui préfigurent ce couteau placé sous la gorge d’un Death/Doom/Black insistant, est une approche familière de ceux qui ont été exposés à la déviance de Future Cult.
C’est ainsi que les américains de THE LION'S DAUGHTER définissent l’ambiance de leur quatrième album, le plus poussé, le plus vicié, le plus vicieux et le plus dangereux à ce jour. Une sorte de traitement à la Moroder par les TERRA TENEBROSA, une plongée dans le vice et la non-vertu, et surtout, un voyage sans retour dans les bandes-originales de films en super 8 qu’on matait pour quelques cents dans les boutiques interlopes tâchées de semence. L’univers développé par les dix morceaux de Skin Show est un peep-show cheap et choc, avec des danseuses fatiguées, des pimps aux bagues en or qui commencent à ternir, et la vision d’un avenir qui n’a rien de rassurant. A l’image d’un Jan Hammer totalement hors du coup pour cause de consommation de stupéfiants un peu trop conséquente, ce nouvel album fait la part belle aux parias, qui ont le pas lourd comme une basse qui traine sa déprime (« Dead In Dreams »), mais qui connaissent soudainement une montée d’adrénaline en speed pris avec un peu trop de constance et de désinvolture (« Werewolf Hospital »). Ce retour symbolise l’ère de la capote auditive, qu’on enfile pour éviter que nos tympans ne chopent une saloperie, qu’ils se contaminent aux sons étranges qui se télescopent comme la faune arpentant la 42ème. Une sorte de trafic des années 72/73 transposé dans un futur dystopien, et une vision du passé qui transforme le futur en décharge humaine à ciel ouvert. Dès les premières notes de « Become The Night » on sent que la nuit sale à tous les pouvoirs, et les synthés déprimants soulignent l’épaisseur glauque de riffs plus sombres qu’un deal foireux. « Become The Night », avertit d’un grand panneau qu’on ne peut pas ne pas voir, et les premiers blasts raisonnables nous préviennent de la dangerosité de cette vie de vice : à force de trop regarder dans le vide, c’est le vide qui…bla, bla, bla.
Produit comme un objet musical non identifié à la frontière du Disco et du Sludge poisseux, Skin Show aurait facilement pu être baptisé sick show. Car c’est un album viscéralement malade, aux tripes moisies et à l’humeur maussade. En stade terminal d’espoir mais au pic de leur art, les trois musiciens (Rick Giordano - guitare/chant/synthés, Erik Ramsier - batterie et Scott Fogelbach - basse/chant) se lâchent dans une soirée tout sauf fraîche et bon enfant, et nous racontent l’histoire la plus plombante de leur carrière. Si évidemment, les liens avec Future Cult sont serrés et apparents, la distance prise est évidente. Le camp est choisi, et il est celui des aventuriers nocturnes qui explorent les recoins les moins recommandables de l’humanité d’en bas. Si l’intro de « Curtains » prouve de son efficacité en dissonance que le trio n’a rien perdu en efficacité ce qu’il a gagné en nausée, « Neon Teeth » incruste les GOBLIN dans un univers à la suédoise, lorsque la nuit tombe pendant six mois et que le soleil n’est qu’un lointain souvenir. Aussi Pop qu’il n’est inaccessible pour un public non averti, ce nouveau pamphlet pas vraiment réjouissant nous entraîne à la dérive des sentiments, et fait ressortir nos côtés les moins reluisants.
On danse, mais l’aiguille encore plantée dans le bras et la larme séchée à l’œil. On se laisse aller aux pires pratiques sexuelles comme si elles étaient des preuves de romantisme avant la mort (« Sex Trap »). Ici, rien n’est un gimmick facile, les synthés ne sont pas des ornements à la tristesse ambiante, mais des narrateurs essentiels d’une dérive programmée. Les guitares sont autant de coups de poignards portés à l’estomac, vous laissant en sang sur un trottoir passant. La rythmique pulse ou ralentit, et se cale sur les battements cardiaques d’un touriste du soir qui cherche sa dope. Tout est étrangement beau dans la décadence, et laid dans le vice. Les notes plaquées de « Snakeface », arrachées au rêve par un énorme riff redondant lucide, nous font piger que quoi qu’il arrive, tout ça finira mal. Très mal.
Je ne vais pas romancer plus qu’il ne le faut ce qui vous attend sur Skin Show. Entre EBM vicieux, Synthwave maladive, Death futuriste, THE LION'S DAUGHTER rend hommage aux marginaux, et trouve sa voie. KILLING JOKE, BILE, SAMAEL, et quelques autres, mais portés à ébullition. Et un album qui empeste les chambres d’hôtels miteux et le désespoir de savoir que demain sera encore plus sombre qu’aujourd’hui. Et peut-être le dernier lendemain.
Titres de l’album:
01. Become The Night
02. Curtains
03. Neon Teeth
04. Dead In Dreams
05. Werewolf Hospital
06. Sex Trap
07. Snakeface
08. All Hell Is Mine
09. Skin Show
10. The Chemist
Un peu de mal à entendre le côté dope et décadence dans la musique du groupe, même si je trouve le disque particulièrement emballant et entraînant ! Ca me rappelle un peu le groupe norvégien Red Harvest ! Merci pour la découverte ! En plus du dernier Tau Cross, tu orientes bien mes esgourdes, Mortne2001 !
@totoro : alors j'en suis ravi
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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