Il fallait confirmer, c’est fait. DEMISER aura pris son temps, mais aura finalement donné un successeur à l’infâme Through the Gate Eternal, qui avait mis le feu aux poudres en 2021. Le groupe de Caroline du Sud n’a pas eu le bras qui tremble au moment d’enregistrer cette suite, qui se présente sous la forme de neuf nouveaux morceaux…qu’on croirait tout droit sortis des cryptes eighties.
La nostalgie, ma bonne dame, toujours la nostalgie. Celle d’une époque barbare où tout était encore possible en termes de cruauté, lorsque les musiciens brésiliens explosaient à la face de l’underground dans d’énormes gerbes d’étincelles et de bile. Plus crus, plus sauvages, plus impolis, plus rustres, les sud-américains ont depuis fait école, et le nord du continent les a imités de près, à tel point qu’il est difficile aujourd’hui de savoir au jugé de la musique si nous avons affaire à des californiens ou à des natifs de Rio.
Et puis, DEMISER, le groupe ultime, la créature ignoble, mal dégrossie, apparue presque au hasard il y a trois ans sur un label à tirage confidentiel. Depuis, le quintet a gagné en confiance, a pris conscience de son talent, et a resserré les rangs pour devenir une tête d’affiche, de celles qui piétinent une scène et un public avec une morgue tout à fait justifiée. Et dès les premières mesures rythmiques de « Feast », la fête s’annonce folle et les fesses molles. Il faut dire qu’il y a de quoi claquer du joufflu quand on se prend une rouste aussi velue.
Les pseudos sont toujours là, et c’est tant mieux. Defiler (basse), Demiser the Demiser (chant), Infestor (batterie), Gravepisser & Phalomancer (guitares) n’ont pas appris le bon goût depuis leur mauvais coup, et n’ont pas non plus racheté leur âme au grand Malin qui se satisfait très bien du contrat signé. Si le résultat est évidemment aussi prévisible qu’un « aaaaaargh !!! » braillé par Cronos, il n’en est pas moins totalement jouissif, avec toujours ce contraste entre furie et mélodies, qui s’insèrent sans lubrifiant entre deux plans.
Et des plans, il y en a. Parce qu’il faut bien meubler les quarante minutes sans trop se répéter, et avec l’ombre de DESTRUCTION qui plane toujours aussi bas, la mission est accomplie. Le moindre détail a été vu et revu, tout a été contrôlé, et le bilan est sans appel. La bestialité du quintet est chirurgicale, professionnelle, et d’un niveau remarquable. A tel point que les acolytes se permettent des choses plus exotiques, comme cet interlude hispanique fragile sur « Interlude », qui coupe intelligemment Slave to the Scythe en deux parties presque égales.
La première, raisonnable mais conséquente, se complimente elle-même de ces brulots que seuls les américains savent allumer. « Slave to the Scythe », title-track dans toute la noblesse du terme, « Carbureted Speed » qui semble vouloir justifier son titre à chaque mesure, et le très grossier « Phallomancer the Phallomancer » qui en dit plus long qu’il n’y paraît forment une symphonie en hommage à l’outrance hédoniste et potache, jouée par des musiciens beaucoup plus fins qu’il n’y parait.
Et alors que le chacal hurle de plaisir sur le démembré « Total Demise », la joie est de taille et on surprend à dodeliner du chef sans vraiment le vouloir. Il faut dire que les riffs pondus par la paire Gravepisser & Phalomancer baignent dans leur jus, et qu’ils rendent hommage aux grandes figures que furent RAZOR, BATHORY, mais aussi aux acteurs de la NWOBHM, ainsi qu’aux héros de la Bay-Area. Un joli fourre-tout donc, pour un résultat qui plaira à tout le monde sans être consensuel.
On aime ces blasts qui sortent de nulle part et qui affolent la concierge, tout comme ces passages en mid qui temporisent, mais ne faiblissent pas. L’équilibre est très stable, les clous flambant neufs, et le cuir brillant au feu d’un bûcher tout frais. La chasse aux sorcières est donc amicale, les bestiaux cherchant à grossir leurs rangs avec quelques blasphématrices de métier.
SI les évidences sonnent comme telles, et si les réflexes changent parfois de braquet, c’est pour mieux nous surprendre d’un travail ouvragé, comme le souligne avec beaucoup de finesse l’intro du démoniaque « Hell Is Full of Fire » (qui ne ménage pas ses cris et qui aurait largement eu sa place sur Infernal Overkill). Il est aussi possible de voir en DEMISER un cousin très éloigné de SODOM et MOTORHEAD, comme si WARFARE avait couché avec TANK pour enfanter d’un petit monstre torturant de jeunes animaux.
Et si les morceaux restent gentiment sous la barre fatidique des quatre minutes, le grand final s’autorise une incartade sympathique en terre « progressive ». Je mets le terme entre guillemets, pour évidemment relativiser, DEMISER n’ayant pas la prétention d’être le RUSH du Blackened Thrash. Mais ils ne peuvent pas non plus cacher leurs ambitions, qui la plupart du temps s’articulent autour d’idées riches et plus nourrissantes qu’un vieux ragoût satanique à peine réchauffé.
Slave to the Scythe est une énergie fossile qui réchauffe la planète encore plus méchamment que l’Icon of the Seas, le plus gros paquebot du monde. Mais ici, le seul luxe est celui de l’impolitesse, qui permet de faire passer des musiciens capables pour des illettrés consanguins. Ne vous y trompez pas, les DEMISER assument leur statut, et roulent tranquillement vers un Enfer bien mérité.
Titres de l’album :
01. Feast
02. Slave to the Scythe
03. Carbureted Speed
04. Phallomancer the Phallomancer
05. Interlude
06. Total Demise
07. Hell Is Full of Fire
08. Infernal Bust
09. In Nomine Baphomet
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