Il n’y a pas si longtemps que ça, l’année dernière plus précisément, je m’attardais quelques heures sur le long d’un groupe bien de chez nous, découvrant ainsi un univers moite, glauque, aux tonalités aussi sombres que l’humeur. J’en constatais la vilénie, et assimilais le tout à une scène nationale underground aussi fertile qu’un corps en décomposition dans une vieille fosse commune, et savourait avec joie les ambitions drastiquement négatives à notre égard. Je suis très heureux de constater aujourd’hui, plus d’un an après que ces dites ambitions ne sont pas devenues plus complaisantes, et retrouve donc ces héros de la misanthropie harmonique dans leurs nouvelles aventures asociales, via leur dernier long, Slaves & Snakes. Et puisqu’il faut bien les nommer, citons donc les immondes NUISIBLE qui nous en reviennent d’Evreux, Normandie, avec de nouvelles histoires d’amour dans la musette, qu’ils ont évidemment pris soin d’oublier chez eux. Dans la plus droite lignée de leur précédent effort, Inter Feces et Urinam Nascimur, déjà distribué par Deadlight Entertainment, Slaves & Snakes continue l’ignoble travail de perversion de l’extrême, pour soumettre à notre jugement imparable et impartial une nouvelle conclusion en nihilisme, mais cette fois, sévèrement teintée de notions Death scandinaves mâtinées d’impulsions Crust typiquement anglaises. En gros, croisez le chemin le même jour d’ENTOMBED, DISMEMBER, DISCHARGE et SIEGE, et vous obtiendrez des roustes verbales approchant de près les vérités émises sur ce nouvel LP. Pas vraiment décidés à se montrer plus abordables, les normands enfoncent le clou encore plus profond dans le cercueil des illusions mélodiques, et se montrent - pas si étonnamment - que ça encore plus efficaces et grognons qu’avant. Sous le couvert de la dérision, il ne faut pas voir une quelconque ironie dans mes propos, juste une gêne occasionnée par la puissance dévastatrice de ce disque, qui m’a laissé coi sans me demander pourquoi.
Inter Feces et Urinam Nascimurn en l’état, n’était déjà pas vraiment un concentré de bienveillance et de joie de vivre. Mais il multipliait les pistes, en traçant Hardcore entre des chemins Crust, sans se départir d’une gigantesque énergie sourde et diffuse. Mais après l’étape de la naissance dans les déjections, les NUISIBLE abordent aujourd’hui le cas des esclaves et des serpents, du diable, des bigots, de la lumière et des ténèbres. La vie donc, sous ses aspects les moins plaisants, pour une musique qui prend un malin plaisir à emprunter au Death scandinave ses réflexes les plus douloureux, pour les assimiler à une gestuelle Crust/Grind à la lisière d’un BM pas forcément assumé, mais partiellement restitué. Et dès l’intro maousse de « Slaves… », on comprend que l’on ne va pas beaucoup s’amuser, mais qu’on risque de prendre du plaisir dans la souffrance, par procuration. Digne d’une adaptation libre du séminal Left Hand Path d’ENTOMBED, dans une édition revue et corrigée par les NAILS ou DEAFHEAVEN, Slaves & Snakes s’apparente à un contrat tacite passé entre le proverbial serpent et Adam, le transformant en esclave de ses désirs sordides, incapable d’empathie, et bien décidé à guider l’homme dans ses pas pervers. Il n’est pas forcément aisé de décrire une musique qui ne cherche que les approches les plus frontales et repoussantes pour souiller ce qui nous reste de pureté, et les mots peinent à se coucher sur une musique parfaitement vomitive, qui n’utilise la lourdeur que pour écœurer, et la vitesse pour étourdir sans respirer. Mais l’un dans l’autre, et avec les quelques références citées, on parvient quand même à cerner le but de musiciens qui sont parvenus à extirper le Black Crust de son carcan paillard pour le transformer en art consommé du contrepied Death sadique.
Bourreaux les NUISIBLE? Oui, mais sadiques, puisqu’ils ne font pas tomber la lame rapidement. Ils prennent leur temps pour nous caresser la nuque du métal aiguisé, baladant la lame sur notre peau, avant d’attendre une grosse demi-heure pour nous étêter. Pendant ces trente minutes, ils passent en revue toutes leurs névroses les moins avouables, cédant un pouce de terrain Grind pour mieux avancer des arguments scandinaves, sans perdre leur identité propre en route. Disposant d’une énorme production aux graves ronflants, mettant pour une fois le chant agressif en avant, ce nouvel effort est un champ de mines qu’on traverse la mine grise, balayé d’un vent puissant qui risque de nous faire chanceler à tout moment. D’ailleurs, on sent la brise puissante dès « …And Snakes », qui développe un riff épais comme un brouillard d’hiver pendant la guerre, se lancinant d’une rythmique poussive, avant de nous bousculer d’un geste vif pour nous faire choir. Blackened Death ? Non, l’appellation est décidément trop vulgaire pour leur être appliquée, même si on a à ce moment-là, le sentiment que Lars Goran Petrov a déposé ses valises chez les DARKTHRONE pour un séjour en pension complète.
Malgré des morceaux qui osent passer la rampe des quatre minutes, les idées ne manquent pas pour vous en filer des noires, et l’énergie du désespoir s’amplifie avec le temps qui passe, et les espoirs qui trépassent. Jamais avares d’un break typiquement Hardcore, les normands capitalisent sur leur passé pour se projeter vers un avenir noir comme le jais, et étouffant comme la poix. Aucune concession n’est faite, tout en évitant la redite de plans s’entremêlant en linéarité, et chaque morceau possédant son propre poison, votre organisme se tétanise progressivement pour vous laisser dans un état catatonique. Si les plus pointilleux argueront du fait que l’ombre d’ENTOMBED plane un peu bas au-dessus des cieux ténébreux des NUISIBLE, les plus pertinents penseront que le groupe a justement réussi à adapter des standards d’autrefois dans un vocable occulte actuel, sans perdre de son réalisme moribond. En inventant une sorte de Hardcore laxatif et diurétique par l’adjonction d’éléments Death, mais sans verser dans le Deathcore ni le Blackened Core, nos musiciens/thérapeutes gagnent le pari haut la main, sans abuser du feedback et des effets de manche à deux sous. Et si « Death Legacy », traîne la patte comme un inédit de HELLHAMMER repris par les NAILS, si « Swarm As Kings » nous écrase de sa double grosse caisse aux résonances du FROST et de DARKTHRONE, et si « Blur The Light » termine façon pachyderme qui cherche le cimetière des éléphants sans défenses, le bilan global est éprouvant, mais judicieux. Créatifs dans l’horreur, fidèles et persévérants, les NUISIBLE nous offrent avec ce Slaves & Snakes une démonstration de méchanceté absolue, et se posent en représentants de leur propre chapelle. Il est certain que de nouveaux fidèles risquent d’y affluer, en acceptant de perdre leur libre arbitre. Mais si vous cherchez un album qui ne vous propose qu’une réalité blafarde et une violence déprimante, Slaves & Snakes est le maître dont vous deviendrez l’esclave.
Titres de l'album :
1.Slaves...
2.... And Snakes
3.Evil Still
4.Death Legacy
5.Vengeful Blood
6.Pervert Biggot
7.Swarm As King
8.Two-sided Integrity
9.Burning Embers
10.Blind Paradox
11.Blur The Light
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49