Le nom de Mariana SEMKINA ne vous dira peut-être pas grand-chose. Pas plus si j’ajoute qu’elle est une des deux moitiés créatives du duo IAMTHEMORNING de Saint Petersburg. Il faut dire que ce nom n’est pas forcément associé à la scène Metal, loin de là, mais qu’il fait pourtant partie du paysage Rock depuis bientôt une décennie, avec quatre superbes albums à la clé, mais certainement différente de celles que vous utilisez pour ouvrir vos donjons musicaux. IAMTHEMORNING n’est en effet pas une sensation forte de la scène extrême russe, mais bien l’un de ses représentants Rock les plus recherchés, et pour cause. Avec une musique tenant tout autant du Progressif, de la Chamber Pop, que de la recherche acoustique, ses liens avec le classique de l’Est, ses délicates harmonies et ses textures fines, le duo n’est pas vraiment à sa place dans les colonnes d’un webzine Metal mais n’en mérite pas moins une attention particulière. Et si vous avez le temps - ce qui n’est pas le propos de cette chronique - je ne saurais que trop vous engager à tendre une oreille sur des albums comme Benighted, Ocean Sounds ou The Bell. Mais aujourd’hui, IAMTHEMORNING n’est pas entièrement à l’affiche, mais à moitié, via sa représentante féminine, pour la première fois séparée de son compagnon de route Gleb Kolyadin. Mariana SEMKINA aura donc attendu près de dix ans avant de sa lancer en solo, elle qui écrit, compose, envisage, visualise tant de choses dans son contexte habituel. Alors, pourquoi au bout de dix ans la chanteuse s’est-elle décidée à se lancer en solitaire ? Rien de mystérieux à ça, ni de conceptuel, juste une envie de signer des chansons sous son propre nom, sans le contexte rassurant d’un groupe, soit la prise de risque absolue pour un artiste longtemps caché dans l’ombre d’un collectif aussi réduit soit-il.
Marina explique d’ailleurs son geste et son envie sans complexes, ni faire grand cas de son acte. « Je n’avais aucunement l’intention d’inscrire Sleepwalking dans une démarche particulière, son but était purement thérapeutique. Ce projet devait m’aider à traverser une période difficile, mais lorsqu’il fut terminé, je me suis retrouvé moi-même, mais j’avais aussi accumulé un certain nombre de chansons qui étaient trop personnelles pour être sorties sous un autre nom que le mien ». C’est donc pour cette raison que Sleepwalking n’a pas été flanqué du nom IAMTHEMORNING, puisque les textes de ces onze morceaux touchaient Marina d’un peu trop près pour qu’elle ne les associe à son acolyte artistique Gleb Kolyadin. Et si ces titres auraient très bien pu coller à l’éthique du duo, ils n’en sont pas moins différents de l’approche habituelle, avec des atmosphères plus confinées, des directions différentes, et des liens plus ténus avec la scène Néo-Folk de ces dix dernières années. Si les critiques ont eu beau jeu de comparer Marina à Kate Bush, la comparaison n’est pas forcément viable, puisque d’autres artistes viennent plus facilement en tête. Je pense notamment à Charlotte MARTIN, Tori AMOS, Anna VON HAUSSWOLFF (en moins sombre s’entend), Emilie AUTUMN et même Maria MCKEE lorsque la pureté vocale est débarrassée de tout arrangement superflu. Sans vouloir affirmer que Sleepwalking est trop chargé, loin de là, mais il faut reconnaître qu’il a souvent tendance à tomber dans les travers habituels de la Chamber Pop, avec ces nappes de cordes qui soulignent les inflexions vocales. Nonobstant cette remarque qui ne tient pas de la critique, ce premier album solo de l’auteure/compositrice/interprète est de toute beauté, atteignant parfois les moments les plus tragiques de pathos de Tori AMOS, lorsque l’orchestration se met au diapason de la passion (« How to be Alone », le plus court, mais intense de l’ensemble).
« Je voulais utiliser Sleepwalking pour traduire des émotions de la façon la plus sincère et spontanée. Sans enrobage, sans filtre, juste une réflexion créative honnête. Transformer cette période difficile et ces sentiments en pure énergie créative, en quelque chose de beau, quelque chose qui ait un but ». Et c’est exactement ce qu’on ressent lorsque nos oreilles se posent sur le fragile « Dark Matter », introduction parfaite à l’univers de Mariana, présentations de ses traumas en poésie musicale délicate. Pour parvenir à ce résultat, il lui fallait donc s’éloigner de son contexte habituel, ce qui n’imposait pas un travail complet en solo. En effet, l’artiste a su s’entourer pour ce projet, en s’assurant l’aide de musiciens confirmés. Nous retrouvons donc le grand Jordan Rudess de DREAM THEATER aux claviers, mais aussi Craig Blundell et Nick Beggs, d’ordinaire seconds de Steven WILSON pour assister la diaphane interprète dans sa mission de retranscription, et le travail accompli par ces guests de luxe à l’élégance de leur classe naturelle. Jordan tisse donc des nappes de claviers très discrètes, la plupart du temps en support de la voix et non en assise, ce qui permet au timbre éthéré de la chanteuse d’officier en toute quiétude. La plupart des morceaux reposent d’ailleurs sur les mots de Marina et ses volutes vocales, même si l’ambiance cotonneuse supporte très bien une multitude d’overdubs vocaux. « Am I Sleeping Or Am I Dead » témoigne de cette volonté de créer des couches de chant superposées, ce qui n’empêche nullement l’album de s’éloigner parfois de sa zone de confort pour taquiner un Rock plus traditionnel, notamment grâce à l’énergique « Turn Back Time ». Violons, piano, chant, rythmique souple mais ferme, le tableau dépeint très bien les différentes étapes d’un processus personnel, mais la musique sait garder cette pertinence et cette accroche qui a fait d’IAMTHEMORNING l’un des groupes les plus fondamentaux de sa génération.
Pas de grosse surprise donc à l’écoute de Sleepwalking, mais beaucoup de beauté, de poésie, des références lettrées, qui ne jouent toutefois pas l’élitisme. Mais on tombe complètement sous le charme de moments de grâce pure, lorsque les notes évanescentes de « Ars Longa Vita Brevis » s’évanouissent dans l’air, utilisant avec beaucoup de pudeur les silences. Habile mélange de modernité et de tradition, désir de se rapprocher d’artistes comme Marissa NADLER, et surtout, une très belle collaboration avec le St Petersburg Orchestra 1730, qui parvient avec beaucoup de discrétion à soutenir la chanteuse dans son travail de recherche d’elle-même. Certes, la démarche est assez éloignée de nos obsessions habituelles, mais on ne peut que s’incliner face à la superbe d’un morceau acoustique comme « Lost at Sea », qui évoque Nick Drake et sa nostalgie, ou face à la sobre tristesse de « Mermaid Song » qui retrouve les envolées lyriques de Tori AMOS. Et loin d’être une introspection pénible et narcissique, Sleepwalking s’avère d’une légèreté incroyable et d’une profondeur indéniable, comme ces gouttes d’eau que l’on reçoit sur le visage après qu’une gigantesque vague se soit écrasée sur la grève.
Titres de l’album :
01. Dark Matter
02. Am I Sleeping Or Am I Dead
03. Turn Back Time
04. Ars Longa Vita Brevis
05. Invisible
06. Lost at Sea
07. Skin
08. How to be Alone
09. Everything Burns
10. Mermaid Song
11. Still Life
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