Au vu de l’époque troublée que nous traversons, le choix d’un « Dystopian Rock » semble assez judicieux. En effet, alors que le spectre de la démocratie courbe l’échine sous les gaz, les coups de matraque, que la carte mondiale se redessine autour des extrêmes, et que le monde connaît une pandémie déclenchant la paranoïa mais aussi l’irresponsabilité, le projet MORNING BELL se retrouve terriblement bien ancré dans son époque et surtout, d’une pertinence effrayante. Ce projet, c’est celui d’Ole Grarup, danois au chapeau vissé sur la tête et à la guitare fermement maintenue, sorte d’hybride entre Michael Stipe et un redneck nordique sous-alimenté et bombardé de concepts religieux. Mais ne nous fions pas aux apparences qui sont souvent trompeuses, et intéressons-nous à ce que l’homme a à dire musicalement et philosophiquement. Son Rock dystopien est justement assez étrange pour qu’on y consacre vingt minutes, la durée de ce premier EP, qui fait suite à un double single paru l’année dernière. Ole Grarup via son médium MORNING BELL s’intéresse à la façon dont les choses matérielles sont produites et échangées dans la société, mais aussi aux moyens modernes de communication qui semblent repousser notre société dans les cordes du fascisme. Ole se questionne aussi sur la conscience qu’ont les gens des responsabilités entraînées par les privilèges, et si l’ensemble sent bon le questionnement philosophie moderne, la musique elle emprunte des chemins de traverse pour se poser en jonction des époques. Il est d’ailleurs très difficile de labelliser cette musique sans tomber dans le piège de l’étiquette généraliste du Rock nordique, toujours très à cheval sur des principes de métissage. L’homme avoue une passion pour le Rock progressif, la Pop alternative des années 70 mais aussi le Metal de décennie suivante, ce qui a le don de produire un résultat assez unique et des chansons atypiques.
Il ne prend d’ailleurs même pas la peine de nommer ses influences, tant celles-ci doivent être multiples. On sent pourtant des accointances pointer le bout de leur nez, avec pas mal de Steven Wilson pour cette façon de vulgariser le Rock progressif sans le brader, un brin de Rock d’Athens, avec ces guitares carillonnantes typiques de la Power Pop ou du Rock adulte des college radios de REM, des clins d’œil aux voisins suédois et norvégiens, du SHINING, un peu de RADIOHEAD, et en somme, un spectre large qui interdit toute étiquette trop fermement collée. Mais l’effet produit est méchamment séduisant, et ce, dès « Wide Awake », qui après une intro pomp en clavier dévale les escaliers d’un tempo purement Crust, ce qui a le don de produire un contraste fascinant entre la légèreté mélodique et la puissance rythmique. Tout ceci est assez abscons, ressemble à du Rock des seventies joué par un groupe de Hardcore des années 80, et le chant très léger ne fait rien pour atténuer le décalage. On est pris par surprise par cette chanson qui ne ressemble pas à grand-chose de connu, empruntant les inflexions grandiloquentes de l’orgue Hammond 70’s pour peser dans une balance Rock presque Punk, sans perdre de vue des mélodies plus ancrées dans notre époque. Habile compositeur, mais créatif roublard, Ole Grarup tient à échapper à tout carcan, et ose toutes les pistes, sans perdre de vue l’essentiel : que chaque morceau soit viable et qu’il possède une identité forte. La production, incroyablement dense mais claire ajoute à la mystique ambiante, et on se retrouve perdu dans les couloirs du temps, ne sachant plus vraiment quelle date lire sur le calendrier.
Avec des couplets inventifs et des refrains solides, le danois nous prend au piège de sa propre folie, mais tente quand même de calmer le jeu sans trop faire de concessions. C’est ainsi que le mid tempo plus raide et Rock de « She Loathes You » n’évoque pas les BEATLES, mais plutôt les PIXIES, les NERVES, PORCUPINE TREE, et pas mal d’autres esprits affranchis ayant depuis longtemps compris que le Rock et la Pop sont fait pour valser ensemble. Les riffs du bonhomme sont très accrocheurs, et les nappes d’orgue en arrière-plan décalent le temps, produisant un effet de profondeur assez remarquable. On aime beaucoup ces chœurs qui discrètement, tissent leur toile, mais ce qu’on apprécie par-dessus tout, c’est cette variété dans les thèmes, ces accalmies, ces cassures, et cette rupture dans la continuité, qui évoque tout autant la scène alternative des années 90 que le Rock plus Indie de la décennie suivante. Les WHITE STRIPES pourraient être évoqués, dans une version plus intellectuelle mais pas roborative, mais on pense plus à une digression simplifiée de Steven Wilson, d’autant que le timbre de voix s’en approche beaucoup. « Slide Back Into Misery », tube Pop transformé en machine Rock implacable continue de convaincre, alors que « Reaper » ralentit un peu la machine pour se lover au creux d’une Pop puissante et indépendante, mais toujours reliée au Rock. Mixé et masterisé par Jeppe Anderson et emballé dans un artwork de Morten Grønnegaard (RISING), Slide Back into Misery est donc une belle curiosité, qui se termine même en allemand via la clôture « Das War Die Welt », offrant un point de jonction entre KRAFTWERK, TELEX, et Neal MORSE, pour une nouvelle démonstration d’ouverture d’esprit.
Un EP vraiment frais et novateur, pour une description euphorique d’un futur inquiétant, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Une belle entrée en matière pour MORNING BELL, qui loin d’être irritant comme un réveil matinal trop brutal, nous éveille en douceur et nous fait prendre conscience de l’absurdité de notre époque.
Titres de l’album :
01. Wide Awake
02. She Loathes You
03. Slide Back Into Misery
04. Reaper
05. Das War Die Welt
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