Qui a dit que le Death suédois avait tout dit depuis ses premières années ? La plupart des fans en fait, et surtout ceux qui ne considèrent pas le Mélodeath comme une extension viable. Si l’on parle de véritable Death suédois, inutile ou presque d’aller plus loin que les premiers ENTOMBED, DISMEMBER, UNLEASHED et autres, puisque leurs œuvres les plus séminales contiennent toutes les tables de loi du genre, sans exception. Et le Death scandinave, comme il se doit, ce sont des éléments assemblés indispensables, des figures de style irremplaçables, et une ambiance générique à faire passer la morgue de Reanimator pour une échoppe de produits bio. Alors, toujours la même chose, la batterie à fond, la HM-2 bidouillée pour sonner encore plus gras et grave, un chant d’outre-tombe qui hurle ses litanies comme un ours râle d’avoir laissé échapper son saumon, et puis voilà. De toutes façons, on a tout compris depuis les premières démos de NIHILIST, et encore plus depuis les insurpassables Left Hand Path et Clandestine, alors, à quoi bon s’écharner à se justifier ? Et à ce petit jeu des comparaisons temporelles, les suédois/norvégiens de GODS FORSAKEN sont les meilleurs depuis plus de deux ans, et à juste titre, puisqu’ils connaissent leur boulot. Si vous êtes passé à côté du truc il y a quelques temps, sachez que ce groupe a été fondé sous l’impulsion d’Anders Biazzi, guitariste (JUST BEFORE DAWN, Ex-BLOOD MORTIZED, ex-AMON AMARTH), vite rejoint par les sidekicks Brynjar Helgetun à la batterie (CRYPTICUS, DOMINANT, JOHANSSON & SPECKMANN, JUST BEFORE DAWN, KAM LEE, LIKLUKT, MEGASCAVENGER, THE GROTESQUERY, THOSE WHO BRING THE TORTURE, ex-THE SKELETAL, ex-AXESLASHER, ex-DOWN AMONG THE DEAD MEN, ex-RIBSPREADER) et Jonny Pettersson au chant (ASHCLOUD, HEADS FOR THE DEAD, HENRY KANE, HUMAN HARVEST, JUST BEFORE DAWN, NATTRAVNEN, PALE KING, SKINEATER, SYN:DROM, URSINNE, VHOLDGHAST, WOMBBATH, ex-DISFIGURED VICTIMS, ex-CAVEVOMIT, TROIKADON, ex-SORGHEGARD). Depuis 2016, ces trois-là ont recruté une paire de guitaristes qui n’ont pas les médiators dans leur poche (Gustav Myrin, JUST BEFORE DAWN, REEK OF MARTYR et Alwin Bassphyx, ASPHYX, GRAND SUPREME BLOOD COURT), histoire de tracer leur route avec plus d’efficience.
Autrement dit, pas vraiment des enfants de chœurs ni le bal des débutantes, mais bien une assemblée de malades qui n’ont d’autre but que de recréer les ambiances originelles de cette musique rigide, qui ne s’est pas assouplie avec le temps.
In a Pitch Black Grave avait posé les jalons en 2017, remarqué par l’underground et la presse spécialisée, et Smells of Death ne fera qu’entériner ces bonnes impressions/mauvaises odeurs de ses émanations putrides estampillées old-school des égouts fluviaux. Tout est toujours aussi carré, en place, mais on sent qu’une part plus importante a été donnée à la mélodie, sans que la brutalité globale n’en pâtisse. GODS FORSAKEN est toujours cette créature infâme qui se complait dans la synthèse des tendances post-mortem de l’orée des années 90, et qui voue un culte passionné à ENTOMBED et UNLEASHED, sans s’en cacher, et en revendiquant même son admiration. En même temps, difficile de cacher cet amour inconsidéré porté à la froideur musicale et à la brutalité rythmique, chacun de leurs morceaux ressemblant à un démarcage habile des tendances mortifères de l’époque. Encore une fois, des guitares rigides comme un membre deux heures après la mort, un chant gravissime qui ne rechigne jamais à maltraiter son larynx, une section rythmique compressée qui avance coûte que coûte, et l’affaire est emballée, quoique comme déjà signalé, une embellie harmonique semble avoir illuminé le désespoir de ces animaux-là. Penchant toujours du côté des Sunlight studios vers lesquels ils aiment toujours glisser, les GODS FORSAKEN se rapprochent parfois de la vague Néo-Death des AT THE GATES et consorts, à l’occasion d’un refrain ou d’un break plus nuancé que la moyenne. Mais ne pensez pas pour autant qu’ils aient édulcoré leur propos, puisque celui-ci reste toujours aussi massif et brut, et à peu près aussi rafraichissant qu’un blizzard en plein hiver. Et avec un titre aussi franc que Smells of Death, rien de très étonnant à cela. Mais si ça pue la mort, est-ce que ça fout les jetons quand même ? Oui et non, puisque le tout est très prévisible, de son entame à son terme, et que l’emphase est mise non sur l’originalité, mais bien sur l’efficacité. Et sous cet aspect-là, le collectif n’a rien à craindre de personne, puisqu’il se hisse au-dessus de la plèbe old-school avec une facilité déconcertante, ce qui reste logique eut égard au pedigree de ses musiciens. Ça tronçonne, ça sonne, ça bastonne, et ça ne fait rien de plus, la prise de risque étant minimale et se contentant souvent d’une ventilation mélodique habile certes, mais à peine perceptible.
D’ailleurs, en étant plus lapidaire que la moyenne, on pourrait se confier dans le secret d’alcôve que tout est dit ou presque dès l’entame « Smell of Death ». Intro synthétique un peu glauque, entrée en matière d’une batterie qui ne se laisse pas faire, et on fonce comme à la grande époque de « Living Dead » et de l’immortel Clandestine d’ENTOMBED, sans regret ni remord. D’ailleurs, le chant vindicatif de Jonny Pettersson se situe toujours à mi-chemin de ceux de Lars Goran Petrov et Nicke Andersson, ce qui a tendance à accentuer les similitudes entre les deux groupes. Le son de guitare étant commun à tous les combos du cru, difficile de faire la différence entre Smells of Death et certaines œuvres publiées il y a presque trente ans, mais c’est justement le but recherché, et l’opération est donc une pleine réussite. La suite ? Des digressions plus ou moins habiles, beaucoup de puissance et de passion, et une façon de se replacer dans le contexte nostalgique avec facilité. Petits arrangements vocaux entre amis, intros qui couinent et grincent (« From the Inside They Came »), et surtout, une tendance à laisser traîner les débats pour souvent atteindre ou dépasser les cinq minutes. Un peu roboratif sur la durée, mais incroyablement crédible dans les intentions, ce second album de GODS FORSAKEN est un modèle du genre, une sorte de photocopieuse laser qui reproduit à l’identique, mais qui de temps à autres accentue le contraste et les tonalités les plus sombres. On peut regretter une absence totale de culot, mais on peut apprécier le mimétisme pour ce qu’il est. Et entre « Dead and Buried », « The Process of Death » et « Birth of Insanity », l’imitation est si bien gérée qu’on se fout un peu de savoir qui a inventé la poudre tant que quelqu’un est capable de la faire parler. Le genre de LP qu’on écoute quand on a trop encaissé ses modèles, et qui fait du bien à l’âme de psychopathe entre deux coups de blues de l’âge d’or et de glace.
Titres de l'album :
1.Smell of Death
2.They Crawl
3.From the Inside They Came
4.In the Pit We Shall Gather
5.The Process of Death
6.Dead and Buried
7.The Dead Laughed
8.Birth of Insanity
9.The Curse of Matul
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