J’ai eu la « chance » d’interviewer Rex BROWN il y a quelques années, lorsqu’il tournait avec DOWN. Je me suis retrouvé face à un homme renfermé, bougon, peu disert, et éludant toutes les questions de réponses laconiques et d’un air blasé. J’avais pourtant tout fait pour l’intéresser en variant les thèmes, mais rien n’y a fait…Bien entendu, ce souvenir fait partie des pires de ma carrière de journaliste, mais, you know…shit happens. Ce qui ne m’a jamais empêché d’admirer le bassiste et l’intégrité du musicien, qui nous a tant apporté…
On connaît évidemment BROWN de par sa carrière presque impeccable avec PANTERA, mais en écoutant aujourd’hui son premier album solo, je commence à comprendre son attitude face à moi, ce jour maudit où il avait décidé que talk was cheap…
Car Rex est le genre de mec à laisser parler la musique, le seul sujet qui l’intéresse, mais de façon pratique, pas conceptuelle. La musique pour lui n’a rien d’un concept, c’est une passion, un mode de vie, la sienne en l’occurrence, et ce Smoke On This le prouve sans détour, sans artifices, et avec un naturel confondant de passion. Est-ce pour autant une révélation, un disque qui va nous exploser à la gueule comme une épiphanie ? Non, du tout. Smoke On This est juste l’album d’un musicien qui pour une fois dans sa vie contrôle tout, de la composition à l’interprétation, histoire de nous faire partager ses envies, son background, et plus simplement…sa vie de fan. Car tous les musiciens sont des fans, sinon, ils ne s’agiteraient pas sur scène pour ressembler à leurs idoles…
Entouré de quelques pointures, aussi discrètes que lui (Christopher Williams, ACCEPT et BLACKFOOT à la batterie, et Peter Keys, clavier, LYNYRD SKYNYRD), et laissant la production aux bons soins de Caleb Sherman (multi-instrumentiste), qui s’en est chargé à Nashville, BROWN a bricolé un album dans son coin en se laissant guider par son instinct, et les disques qu’il a usé pendant sa jeunesse. On le sait, le bonhomme est fan d’un Rock direct, celui prôné par les Tom Petty, LED ZEPPELIN, BLACKFOOT, FOGHAT, et puis tous ceux qui préfèrent laisser parler un bon riff que de bavarder des heures autour d’un thème progressif qui n’en finit pas. Alors, il a pris en charge la basse bien sûr, mais aussi la guitare, et surtout, le chant, un chant qui se veut à l’image des compositions de ce premier album en solitaire, un peu rauque’n’roll, pas vraiment époustouflant, mais largement à la hauteur.
Encore une fois, il n’est pas là pour prouver des choses, mais pour se faire plaisir, et NOUS faire plaisir. Et malgré le ressentiment que je peux éprouver à son égard pour ce grand moment de solitude qu’il m’a fait passer sans pitié, je dois reconnaître que son Smoke On This lui offre un pardon qu’il a largement mérité. Car sous cette pochette simple et vantant les mérites de la nicotine (ou autre substance…) et de la guitare, se cache un disque sincère certes, mais surtout hautement respectable d’un point de vue artistique. L’homme a du talent, à revendre, et le montre sans ambages au gré des onze compositions qui déroulent un Hard-Rock in your face pendant presque trois quarts d’heure…
« J’ai plaisir à jouer de la musique à nouveau – et ça a pris un moment »
Et très honnêtement, ça s’entend, et de loin. Pour autant, ne vous attendez pas à une sorte de murge Southern Rock incapable de vomir plus loin qu’un tonneau de bourbon frelaté. Brown a soigné sa première entrée en vedette, et a varié les styles, les ambiances, pour nous offrir un éventail d’atmosphères allant de la nostalgie d’une époque à la crudité d’un présent qui se sent bien dans ses pompes. Pourtant, certains morceaux, aux influences allant des BEATLES à CHEAP TRICK étonnent et détonnent, et suggèrent même que Rex n’a pas oublié que les eighties se sont écrasées sur les 90’s (« Fault Line », psychédélique comme il faut, et ondulant d’une mélodie hypnotique qui nous prend aux rêves).
Conscient qu’il était inutile de pérorer avec dans ses bagages des succédanées de PANTERA, DOWN ou KILL DEVIN HILL, Brown s’est laissé aller, et a laissé parler sa nature profonde, que l’on ressent dès l’ouverture tonitruante de « Lone Rider », introduit par un « smoke on this », qui en dit long sur la philosophie de l’ensemble…Riff Rock/Stoner bien gros mais pas gras, rythme un peu nonchalant, distorsion juste ce qu’il faut d’abrasif pour mettre les pendules à l’heure du sud, et des clins d’œil lâchés au Hard-Rock des seventies, le meilleur selon tous les spécialistes.
En rythmique, l’homme s’impose, et en solo, l’homme se repose sur quelques notes bien senties, et jamais gratuites. On pense à une version light d’un Zakk WYLDE lâchant ses troncs pour faire une musique moins facilement virile, ou à un Ted NUGENT qui aurait retrouvé l’allant de Detroit entre deux parties de chasse et deux déclarations tapageuses et réac’.
« Crossing Lines » confirme, et taquine le ZEP de quelques harmonies acides d’un Tom Waits accoudé à un zinc de bouge de Nashville, contant à l’assemblée ses délires de boogieman caché sous une épaisse couche d’abstraction ironique. En deux morceaux, Brown impose sa patte et nous convainc de l’urgence de l’entreprise, qu’il a menée à son propre compte, pour son propre plaisir. Et le nôtre par extension, tant son Rock est beaucoup plus intelligent et indispensable qu’un simple caprice de musicien qui s’emmerde tout seul dans son coin.
Et si le sublime « Buried Alive » confirme que le ZEP a bien traumatisé notre quatre-cordiste préféré, il confirme aussi que le Rock burné du sud a dû animer pas mal de ses soirées. Le mélange des deux est effectif, et surtout séduisant dans ses nuances qui n’érodent pas sa puissance. Smoke On This passe le tabac de main en main, mais sans vous faire exploser les rétines, comme on aurait pu le craindre. Il prend au contraire soin de vous, en vous faisant voyager entre des riffs au groove diabolisé vaudou (« Train Song », le genre de truc que BLACKFOOT aurait pu nous refiler en conclusion d’un concert bien cramé), et des structures plus alambiquées qui distillent les plantes pour en faire un alcool relevé, mais dont on se remet (« Grace », aux antipodes de ce qu’on est en droit d’attendre d’un ex-PANTERA, et plus proche d’un Jerry Cantrell dopé aux ENUFF Z’NUFF).
Est-ce à dire que Rex nous a offert le meilleur de lui-même ? C’est ce qu’on est tenté de croire en écoutant un « Best of Me », qui nous incruste dans la mémoire des souvenirs que nous n’avons pas vécu, de fin d’après-midi en bonne compagnie, à sortir les guitares pour épancher sa peine et exploser ses joies. Orgue qui hammonde à la Lord, et soudaine poussée de fièvre sous la forme d’un riff pachydermique, pour un Rock qui se veut aussi mélodique qu’épidermique. « One Of These Days » ne tente pas de nous coller dans les pattes des EAGLES californiens, mais offre une sortie assez étrange pour un projet qui ne l’est pas moins. La voix de Brown se rapproche de celle du beau Jon Bon Jovi sur quelques passages étrangement calmes, et on se demande alors si nous dérivons dans le New-Jersey ou si la Nouvelle-Orléans s’est délocalisée…
Je t’en ai longtemps voulu pour cette interview manquée Rex, vraiment. Je me suis demandé si ma tête ne t’étais pas revenue, ou si ce jour-là tu avais autre chose à faire que de parler à un vieux poilu dont les questions hérissaient les tiens.
Mais aujourd’hui, j’ai la réponse à mes questions. La seule qui en vaille la peine. La musique man, la musique. C’est tout ce qui compte pour toi. Et de ce côté-là, tu te montres sous le même jour que d’habitude. Discret, mais à la parole d’or. Allez, fais tourner.
Et va tourner surtout.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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