Pourquoi s’embarrasser d’une formulation classique en trio, quatuor ou quintette lorsqu’on est capable de faire plus de barouf à deux ? Telle semble être la devise des VULTUREPEAK ou VLTRPK pour les intimes, qui depuis 2012 s’évertuent à brouiller les frontières du Noise et du Hardcore en les jouant de façon très personnelle, et en configuration réduite. Le duo a donc émergé du sud-ouest de la Pennsylvanie en 2012, pour proposer une démo éponyme huit titres, avant d’oser l’officiel via le EP Filament Palace, sur lequel on pouvait trouver une pièce conséquente de neuf minutes, « Cast Out The Third Act », qui en disait assez long sur leurs obsessions, dans tous les sens du terme. S’ensuivirent une cassette live/improvisée, distribuée par Lonesome Waltz Records, qui mélangeait d’anciens morceaux en live et délires Noise en public, pour finalement se laisser aller à une réalisation complète de Harsh Noise/Drone/Dark Ambient en janvier de notre belle année 2018. Autant dire qu’en termes de versatilité et de productivité, l’association de Robert Neil et Jeff Hartley n’a de leçon à recevoir de personne, mais si je sens pointer au bout de vos yeux et oreilles des craintes formelles tout à fait justifiées, je vous rassure de suite. Pas question de bruit, ni d’improvisation sur ce Shake Body, mais bien de Hardcore légèrement Noisy sur les bords, mais largement assez structuré et condensé pour vous intéresser. Le propos n’est pas de faire fuir vos voisins à grands coups de stridences, mais de vous rappeler les univers de CONVERGE, des COWARDS, de COMITY et autres KRUGER ou NAILS, tout en imposant un vocable assez personnel pour ne pas avoir à souffrir de références un peu trop prononcées. Et en raisonnant en ces termes, autant dire que les VULTUREPEAK ne craignent pas grand monde non plus, puisque ces dix nouveaux titres se placent dans le peloton de tête des nouveautés Core de ce début d’année, et de loin. Quelques explications ? Avec plaisir.
Rodés par d’incessantes tournées et autres expérimentations live, les deux musiciens ont donc décidé de se focaliser sur une forme de Hardcore très virulente, en convergence de plusieurs courants, mais concentrée autour d’une formulation brute fort viscérale. On sent évidemment pas mal de réminiscences déjà citées, mais l’élan dont font preuve Robert et Jeff est si intense et déstabilisant, qu’on ne peut se résoudre à les rattacher à un mouvement particulier. D’ailleurs, ils affirment leur individualité dès l’entame gigantesque de « Wraith », qui n’emprunte aucun détour pour imposer son riff purement Core sur une rythmique ébouriffante et percutante. Renonçant pour une fois au sacro-saint système de l’autoproduction, les deux hommes ont confié leur destin aux mains expertes d’Eric Novroski aux Novro Studios de Shavertown, et en ressortent amplifiés, démesurés, et prêts à en découdre fermement, à l’aide d’une dizaine de morceaux sans concession, mais dotés d’un son à décoiffer Kurt Ballou et Brad Boatright eux-mêmes. Des graves qui prennent au thorax, une guitare malmenée mais jamais bridée, et pas mal de breaks pour déconstruire le Hardcore et lui redonner forme inhumaine, se rapprochant même parfois des inégalables TENGIL (« Bliss Trap »), dans une tentative de replacer le Post dans un contexte moins vague et plus brutal. Si quelques mélodies parviennent à se tailler un chemin dans la fureur ambiante, c’est bien la colère instrumentale et vocale qui domine les débats, et sans marquer la moindre pause, le groupe se permet d’éviter l’écueil dangereux de la redite, en variant simplement les tempi et les thèmes de guitare. Il est même possible en ayant l’esprit ouvert d’y entrevoir des prémices de Post Chaotic Hardcore, en étant un peu tordu sur les bords, tant la virulence le dispute à la construction, toujours logique, anémique parfois, mais jamais rachitique, pour une symphonie de violence ininterrompue. Si parfois le timing relâche la pression, ça n’est jamais au détriment de la concision, et les titres les plus amples s’autorisent quelques digressions, tout en restant formellement chaotiques (« Pariah », quasi instrumental dans le fond, et à la croisée des chemins Crust, D-beat, et Post Hardcore).
Difficile de croire en faisant front à ce raz-de-marée que deux hommes seuls sont responsables de ce mur du son infranchissable, puisque le volume et les niveaux frisent souvent l’overdose, tout en se maintenant hors de portée d’un Noise qui aurait pu faire sombrer le projet dans le bordel ingérable. En choisissant de tirer ses cartouches les plus rapides d’entrée de jeu, les VULTUREPEAK nous prennent à revers, et nous tendent un piège de seconde partie qui nous laisse un peu désorientés, et dès « Frozen River » et sa longue intro bruitiste, l’ambiance change sans modifier le fond de l’air, qui reste toujours aussi torride et digne d’un Enfer de purgatoire. Feedback, percussions tribales, crescendo sous contrôle, et accents à la NEUROSIS, pour un exutoire à rendre fous les UNSANE, certainement fort marris de se voir dessaisis de leur couronne de tarés notoires de l’underground nauséeux. « The Strain » ne calme aucunement la donne, malgré une entame aux harmonies prononcées, et une fois encore, ce son de batterie bluffe de sa profondeur et de sa gravité, profitant d’une distorsion excessive pour s’affirmer, et redevenir un instrument de premier plan. Il faut dire que Jeff Hartley ne manque pas une seule occasion de s’illustrer, malmenant ses futs et transperçant sa grosse caisse d’une foulée ferme et définitive, laissant son comparse s’amuser avec les sonorités pour rapprocher le projet d’un Post Hardcore enfin débarrassé de ses oripeaux les plus contemplatifs. Ici, c’est l’action qui prime, et la réaction, saine mais subtilement déviante, et « Bright Eyes » d’accentuer encore plus l’ambivalence d’un duo qui décolle toutes les étiquettes pour profiter d’une liberté bien mérité. Ce titre, apothéose de déconstruction s’emballe à l’envol d’une batterie qui décolle, et qui ne se fixe jamais sur un beat régulier, lui préférant des figures d’équilibriste, dans la grande tradition des différents frappeurs de l’école DILLINGER ESCAPE PLAN.
Sans jamais laisser la pression retomber, Shake Body module et ondule, se déplaçant soudainement au déhanchement d’un Crust maladif et disharmonique (« Nostalgic Fever »), avant de se laisser aller à un aveu terminal, qui en dit long sur les intentions des deux auteurs (« This Was Meant To Hurt », paroxysme qui cite NEUROSIS, PRIMITIVE MAN et les THOU dans le même texte, sans guillemets, mais avec classe). Album monobloc constitué de petites pièces s’assemblant en toute logique, ce nouvel effort des VULTUREPEAK vous en demandera beaucoup en résistance auditive, mais saura vous séduire de sa méchanceté suintante. Nul besoin dès lors pour Robert et Jeff d’enrôler dans leur troupe des soldats additionnels, puisqu’ils parviennent largement à deux à égaler en puissance bien des factions plus étoffées. Du Hardcore qui s’amuse avec ses propres dogmes, et qui réfute toute théorie trop figée. Et surtout, une façon de se libérer du poids d’une société étouffante, par le biais le plus valable qui soit.
La haine.
Titres de l'album:
Oui les subventions il suffit d'un pas qu'ils perçoivent de travers (ce qui n'est pas forcément le cas dans une scène) et t'es hors système. C'est un immense problème, peu importe ou l'on se situe économiquement, dans le syst(...)
01/05/2025, 23:51
Je suis sur le dernier de mon côté, Malignant Worthlessness, sorti cette année. Du tout bon, même si il n'y a plus l'effet découverte "c'est qui ces tarés !?"
01/05/2025, 22:41
Tout le monde voyait bien ces difficultés dans l’activité de la salle depuis la pandémie, et j’étais au courant par plusieurs biais des soucis d’un autre ordre. Les lecteurs de Metalnews savent bien que je suis un habitué des lieux depuis vingt(...)
01/05/2025, 21:22
Je sais bien que je tourne en rond mais le principale problème c'est le manque de renouvellement du public, autant j'ai maudit ces courant type metalcore/deathcore, ils apportaient un nouveau public. Je suis trentenaire et parfois je me sens jeune dans un concert black/death meta(...)
01/05/2025, 19:06
Le nouveau line-up est top ! Mais le morceau ne me fait pas grimper au rideau... Finalement j'aime Suicidal quand c'est plus Metal que Punk, avec les solis magiques de Rocky George. Bref, je suis un nostalgique, et même si je serai intéressé pour revoir le groupe sur(...)
01/05/2025, 17:54
Qui écoute encore cet album en 2025? Groupe que je découvre que maintenant... Quel album ! Tourne en boucle
01/05/2025, 16:57
Bah c'est très moderne en effet et malheureusement, je ne sais pas si le public de ce style en core est très assidu aux festivals. Au-delà du fait que le niveau de popularité des groupes soit un ton en dessous par rapport au passé glorieux du festival. Mais(...)
01/05/2025, 09:15
Il y a vraiment un problème de la place de la culture dans notre société...
01/05/2025, 09:11
C'est clair que ça fait mal au cul de voir la prog' du festival depuis quelques années... faut pas s'étonner hélas que le public se fasse de moins en moins nombreux, alors qu'avant le Covid l'affiche avait chaque année de la gueule !
29/04/2025, 13:37
Première écoute décevante, la seconde plus convaincante. Malgré tout un peu déçu après le très bon World Gone Mad
29/04/2025, 08:26
Et pitié plus jamais de thrash//bllack/death à la con, choisit ton camp camarade !.
29/04/2025, 02:27
Je veux une scène vivante et organique voilà tout. Je constate une baisse en qualité, la scène metal ressemble de plus en plus à un musé. Mon expérience c'est que tu as un bon groupe sur 4 dans une soirée live maintenant. Il y a pas si (...)
29/04/2025, 02:24
@DPD:Pour finir, là où je pense te rejoindre (je suis presque quinqua, pourtant), c'est que je trouve insupportable les anciens qui prennent les jeunes de haut en leur disant que ce qu'ils font ne sera jamais au niveau de ce qu'ils ont connu.
28/04/2025, 19:40
@DPD: que METALLLICA n'apporte plus rien à la scène depuis 30 ans, je pense que ça fait plus ou moins consensus. Mais je ne vois pas ce que LORNA SHORE apporte non plus.Ceci étant dit, qu'est-ce qu'un "jeune" de la scène. Moins de 40(...)
28/04/2025, 19:37