So It Goes

Demoniac

29/01/2021

Edged Circle Productions

Evacuons d’emblée le débat, 2020 ou 2021, puisque la question de la date de sortie de cet album pose problème. Visiblement prévu en 2020 selon The Metal Archives, l’album a été repoussé par son label en janvier 2021, ce qui en fait un candidat potentiel au top Thrash de fin d’année. Et après avoir savouré le produit en question, je ne doute aucunement de sa présence sur les podiums extrêmes des esthètes. Je l’avoue, malgré ma fouille systématique de l’underground, je suis complètement passé à côté de ce second album du quatuor chilien DEMONIAC, et il aura fallu un post Facebook d’un ami pour que je m’y attarde, ayant déjà chroniqué en temps et en heure son premier effort. Que dire à propos de ce groupe, si ce n’est qu’il s’est formé du côté de Limache, Chili en 2011, qu’il a changé de line-up plusieurs fois, et qu’il se concentre sur une musque décidément étrange, que nous nommerons Trash par facilité, mais qui est loin d’en être uniquement.

Laissez-moi donc vous présenter à nouveau Vincente Pereira (basse), Rodrigo Poblete (batterie), Nicolas Young (guitare) et Javier Ortiz (chant), qui, quatre ou trois ans après leur premier méfait Intemperance, reviennent par la petite porte avec un second chapitre qui ridiculise le premier en termes d’intensité, de créativité et de culot. Si Intemperance m’avait séduit de son formalisme old-school et de son pont tendu entre le Thrash allemand, violent mais rigoureux, et son pendant sud-américain, saignant et teigneux, So It Goes renouvelle le cheptel d’inspiration, et se permet toutes les audaces, tout en restant d’une efficacité lapidaire. Comme si le groupe avait été piqué par une mouche et chopé la dengue, ce second longue-durée ose la clarinette, et surtout, une clôture de plus de dix-neuf minutes, rejoignant ainsi le VENOM de « At War with Satan » au panthéon des tarés progressifs sans limites.

Une compo de dix-neuf minutes dans un contexte de Thrash brutal et viscéral ? L’exploit n’est pas des moindres, et pourtant, croire que « So It Goes », le titre, constitue le seul intérêt de cette réalisation serait d’une injustice crasse. Certes, je comprends que le curieux puisse être tellement intrigué par une telle construction qu’il en occulte le reste, mais faites-vous à cette idée : tous les plans utilisés sur cet album sont d’importance, et toutes les compositions sont autant de pièces d’un puzzle étrange qui vous emmène dans les légendes musicales chiliennes les plus absconses et pourtant abruptes.  

Car parvenir à un tel équilibre entre Techno-Thrash, Blackened-Thrash, Avant-garde Thrash et Bestial Thrash n’est pas un talent donné à tout le monde, loin de là. Intemperance creusait les fondations de la bâtisse DEMONIAC, mais So It Goes en développe les étages à la façon du manoir Winchester. Un dédale de couloirs qui parfois sont en trompe-l’œil, des pièces inversées, des chambres qui se succèdent sans aucune logique, et une galerie des miroirs qui vous perd de ses reflets. Voilà ce qui vous attend au détour des cinq pistes de cet album, qui refuse obstinément de jouer le jeu old-school pour se fondre dans le décor. Et le décor des chiliens est justement planté dès « RSV - Fool Coincidence - Testigo », titre d’ouverture dantesque qui égrène déjà largement les minutes pour mettre en place le scénario catastrophe.

Tous les ingrédients pour faire de cet album un plantage intégral ont été mélangés avec sagesse et clairvoyance, et pourtant, il évite le piège des gros grumeaux avec une intelligence rare. On ne le comprend pas tout de suite, puisque « RSV - Fool Coincidence - Testigo » nous rentre dans le lard avec une rare virulence, combinant les forces de frappe de l’INCUBUS le plus fou et du PROTECTOR le plus malade. Le mixage de l’album, impeccable, laisse la basse s’exprimer, alors qu’on pourrait penser les riffs accélérés sur bande a posteriori. Il faut dire que le phrasé de Nicolas Young est complétement cramé, à l’image de ses soli qu’on croirait exhumés d’une bande perdue de MORBID ANGEL. Le tempo est épileptique, mais loin d’un Blackened Thrash sud-américain bas du front, le Thrash des chiliens est roublard, insistant, mélodique et surtout, incroyablement précis. En sept minutes, le groupe se fait et nous fait violence, et impose sa vision des choses : une attaque frontale incroyable de puissance et de finesse technique, qui parvient même par moments à rappeler la magie de l’ATHEIST des débuts, passé au papier de verre et en 78 tours.

Après cet énorme coup de boule qui laisse une grosse bosse sur le front, « The Trap » pose déjà une semi-transition intelligente et modulée, avant que la cadence d’abattage ne reprenne son massacre en mode KREATOR sous amphétamines. Mais c’est évidemment « Extraviado » qui représente la première grosse surprise de l’album, avec sa mélodie de clarinette époumonée guidée par un instrumental sobre en arrière-plan. A ce moment précis, DEMONIAC sort des débats, mais n’utilise pas la pseudo incongruité de l’instrument comme un gimmick gratuit. Le morceau en lui-même développe une ambiance particulière, et construit un lien avec ce gigantesque épilogue que l’on sait déjà pantagruélique avant même de l’avoir écouté.

Je l’avoue, je n’avais rien écouté d’aussi conséquent en Thrash depuis la pièce théâtrale grotesque mais sublime de VENOM en 1984. Bien sur, juste avant, « Equilibrio Fatal » appuie un peu plus sur la violence d’un DEATHROW au sommet de sa colère, mais « So It Goes » prend rapidement la suite, et développe une longue suite logique, animée d’un esprit classique dans le fond et la forme. C’est à ce moment-là qu’on saisit l’intelligence formelle des chiliens qui prouvent qu’ils ont tout compris au style avant de se lancer dans telle aventure. Il n’y a rien de vraiment surprenant sur ce morceau, on y retrouve la clarinette, une basse à la Troy Gregory/Steve DiGiorgio, une alternance entre un Heavy/Thrash technique et des accès de rage incontrôlable, mais parvenir à retenir l’attention de l’auditeur pendant dix-neuf minutes est une gageure que peu de musiciens sont capables de relever, spécialement en se montrant aussi allusifs à toutes les subdivisions du Thrash le plus efficace.

Alors, oui, DEMONIAC peut avec So It Goes prétendre au titre d’album Thrash de l’année, je le pense sincèrement. 2020, avec un peu de retard, ou 2021, avec un peu d’avance. Mais il peut surtout prétendre au titre de l’album le plus incroyable que j’ai pu écouter depuis très longtemps.  

 

                                                

Titres de l’album:

01. RSV - Fool Coincidence - Testigo

02. The Trap

03. Extraviado

04. Equilibrio Fatal

05. So It Goes


Facebook officiel

Bandcamp officiel



par mortne2001 le 12/05/2021 à 17:32
95 %    807

Commentaires (2) | Ajouter un commentaire


Arioch91
membre enregistré
14/05/2021, 13:32:30

Ca joue bien, y a plein d'idées mais je n'ai pas été sensible à leur musique.


LeMoustre
@93.4.16.166
17/05/2021, 09:55:44

Un maître album. Nobles influences et rendu de haute volée. Belle mise en lumière ici. Chaque fans de thrash/death intelligent se doit de posséder ce disque.

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