Je joue le jeu, mais ça devient un peu n’importe quoi. A une époque, les genres et sous-genres étaient bien définis, et puis un jour, quelqu’un a décidé qu’il pouvait faire n’importe quoi et affilier les groupes à des styles totalement incongrus. En caricaturant un peu, on s’est retrouvé avec des aberrations du genre Progressive Gothic Morbid Doom, Symphonic Black Crust Metal, ou encore un joli Straight Thrash Crossover with Celtic Folk influences. Il ne faudrait pas pousser le bouchon trop loin, mais visiblement, les gens ont besoin de ces étiquettes si populaires dans les catalogues de VPC des années 90. Aujourd’hui encore, le principe rencontre un petit succès, sur les plateformes d’écoute. Et cette fois-ci, ce sont les contraires qui s’affichent, et qui se complètent de façon totalement incompréhensible et illogique.
Par exemple : SOARING joue du Blackened Shoegaze. Autrement dit, SOARING joue du Blackgaze. Black Metal et Shoegaze ? Les slackers nineties doivent bien se marrer, et Mazzy Star aussi. Il n’empêche que DEAFHEAVEN est toujours là, et qu’il continue d’influencer les musiciens qui opposent des approches aux teintes redoutablement contrastées. Comment en effet sonner Black lorsqu’on adopte des textures éthérés qui s’évanouissent dans les airs comme des rêves éveillés ?
Mettons de côté l’aspect ridicule de cette quête stérile pour nous intéresser au plus important : la musique jouée sur ce premier EP/LP. SOARING vient de Toulouse, et reste pour le moment une attraction intime pour touristes avertis. Sans trop de renseignements autres qu’artistiques, il est difficile de brosser un portrait sans tomber dans les spéculations, alors même que les quatre morceaux de cette première livraison sont d’une beauté factuelle. Sponsorisé par le label national Araki Records, Soaring se voit comparé à des classiques accouchés par DEAFHEAVEN, SADNESS, MOL et HOLY FAWN, ce qui est un handicap certain au moment de se présenter au monde. Ça sonne un peu prétentieux, mais les arguments développés par ces quatre chansons ont largement leur place à la table des négociations.
Et que commencent les paris.
En misant tout sur le rouge et le noir, sans s’occuper de Stendhal, SOARING superpose le sang et les ténèbres dans un ballet de non-urgence flagrant. En prenant largement son temps pour exposer son point de vue, le groupe développe des intros interminables, des couplets qui n’en sont guère, et sympathise avec SLOWDIVE, tout en serrant la main de SHINING. La dualité beauté/laideur est donc très prononcée, et remarquable dès « A Blurred Contour of Everything ». Comme pour le Progressif, un thème est lancé dès le départ, mais est gardé tel quel jusqu’à la fin. Là où le Progressif joue avec les improvisations et les digressions, le Blackgaze insiste sur la mélodie centrale, la gardant lovée au creux de son sein pour ne surtout pas la réveiller ou la tromper avec une ombre ressemblante.
« The Great Lines » à ce titre, sonne comme le négatif parfait d’un morceau contemplatif de Devin Townsend, avec des silhouettes sombres et indiscernables et un soleil noir qui se réfléchit sur la pellicule. C’est étrange, évanescent, presque éphémère et pourtant persistant. Les principes sont tous respectés, les dogmes lus et appris, mais le résultat est quand même personnel. D’ailleurs plus volontiers Post-Metal que franchement Blackgaze, Soaring s’amuse avec quelques notes en son clair avant d’exploser le lever de soleil d’une distorsion massive.
Le contraste ne s’opère que par intermittence. Les longs passages admiratifs sont magnifiques, bien sûr, mais ceux dominés par une guitare âpre et agressive le sont aussi. Paisible malgré un grondement de fond qui laisse supposer un glissement de terrain, bousculé mais immédiatement posé par des riffs assassins et granuleux, ce premier EP est d’une importance formelle indéniable, et d’une poésie musicale redoutable.
« Starflowers » est l’apogée d’une méthode éprouvée, avec son acoustique ciselée et transcendée de chœurs désincarnés qui flottent tels des spectres de la mémoire, et son long déroulé de plus de dix minutes, qui jamais ne provoque l’ennui ou la répulsion.
Encore faut-il que ce genre vous parle. Et qu’il vous touche. Pour cela, oubliez les mots, oubliez les qualificatifs, oubliez ces foutues étiquettes, et concentrez-vous sur la musique. Elle est belle, riche, profonde et futile à la fois, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. On s’attache parfois plus facilement aux petits détails du quotidien qu’aux grands épisodes de l’histoire.
Celle racontée par SOARING est la nôtre, les gens de peu. Quelques couleurs, de la quiétude, un océan de souvenirs, et nous sommes heureux.
Titres de l’album:
01. A Blurred Contour of Everything
02. Sun
03. The Great Lines
04. Starflowers
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03/03/2025, 13:09
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03/03/2025, 10:45
Yep, c'était le war volume III de chez SOM. De mémoire les deux autres étaient ceux de Bloodthorn/And Oceans et Bethzaida/Anata. Un peu comme à la même époque le Thorns/Emperor mais c'était chez Moonfog :)
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Autant ils nous ont habitué à quelques pochettes bien merdiques, autant es deux dernières dont celle-ci sont magnifiques !
27/02/2025, 10:50
Merci beaucoup pour ce compte-rendu sur le vif. Je reviendrai avec plaisir à Rochefort !
24/02/2025, 13:32
C'est pas mal du tout, assez Marduk dans la période blast à tout va en effet. Je regrette juste toujours que sa musique ne soit pas aussi audacieuse que ses provocations, comme s'il s'arrêtait à mi-chemin, c'est plus un choix esthétique qu&apo(...)
24/02/2025, 13:31
Il y a un clin d'oeil à David Martin dans la chronique, on peut même aller jusqu'à "Enjoy The Violence" :-) les " vétérans" comprendront....
24/02/2025, 13:04
Complètement fan Merci holy records.J ai découvert bon nombre de groupe de metal à grâce à vous et ce catalogue que j epluchais à quête de la nouvelle pépite... que de nostalgie etque d heure de lecture.Et just(...)
24/02/2025, 11:28
Superbe Label en effet . J'ai justement decouvert le Metal Extrème avec ces groupes cités et inconnus jusque là
24/02/2025, 10:26