Comme chacun le sait, il y a deux solstices dans l’année, inversés selon les hémisphères. Le solstice d’été, aux alentours du 20 et 21 juin, et le solstice d’hiver, le 20 ou 21 décembre. Le soleil passe donc au Zénith du tropique du cancer et nous éclaire pendant une durée maximale pour le jour le plus long de l’année symbolisant l’été, alors que le solstice d’hiver indique le jour le plus court de l’année. Dans L’Egypte antique, le solstice d’été marquait le début d’une nouvelle année, alors qu’en Inde et en Asie du Sud-Est, le solstice d’hiver est l’occasion de festivités locales dont le Makar Sankranti. Dans le néopaganisme, les célébrations des solstices correspondent à des fêtes religieuses importantes dans les mouvements druidiques et wiccans : Krampus, Yule, Wren Day, Mummer's Day…Et plus prosaïquement, en France, le solstice d’été correspond plus ou moins à la date de la fête de la musique…Mais plus simplement, ces deux axes temporels sont des signes de changement bien sûr, l’accueil d’une saison nouvelle, et surtout, marquent le cycle de la vie tel que nous la connaissons, une fois couplés aux équinoxes. Ce long laïus pour planter le décor du premier album du projet HEAUME MORTAL, sorti de presque nulle part, et pourtant imaginé par l’un de nos musiciens les plus impliqué dans l’extrême, Guillaume Morlat (EIBON, COWARDS). Un musicien qui connaît bien l’univers de l’underground et ses méandres labyrinthiques, et qui depuis plusieurs années se complaît dans une pluralité qui lui sied admirablement bien. Sans avoir assisté à la scène d’une rencontre qui n’a peut-être eu lieu que virtuellement, j’imagine très bien Guillaume démarcher le label de Gérald avec son album sous le bras. L’homme devait avoir un sourire malicieux sur son visage, certain de surprendre le manager des Acteurs avec cette somme de musique qui sans vraiment correspondre à ses inclinaisons habituelles, leur offrait une extension créative assez logique. D’ailleurs, Gérald lui-même a confié qu’il ne s’attendait à rien de particulier en découvrant cette œuvre. Ce qui en dit long sur l’effet choc que Solstices a dû produire sur lui pour le décider à distribuer ce LP qui échappe à toutes les catégories possibles. Et la seule conclusion viable de s’imposer d’elle-même, HEAUME MORTAL est un groupe/one-man-band échappant à toutes les étiquettes, ce qui arrange bien le label qui justement, conchie toute normalité et vomit le conformisme.
De facto, on sait les Acteurs très attachés à des formes innovantes de Black Metal dont ils ont fait leur spécialité. Ce qui est d’ailleurs le seul point commun de toutes leurs productions, malgré des dissemblances dans l’homogénéité frappantes. Et ce premier album enregistré sur une période de trois ans (2011 à 2014) n’échappe pas à la règle. Il sonne comme une orientation BM sans en être une, s’y affilie par choix en osant une reprise culottée, mais pourtant, n’offre rien de plus ni de moins qu’une idée nouvelle agitant le monde si particulier de son concepteur, qui depuis le début de sa carrière s’ingénie à rester intègre tout en multipliant les possibilités. Enregistré, mixé et masterisé par Francis Caste au studio Sainte-Marthe, Solstices est une progression en lourdeur et pesanteur majeures qui toutefois ne s’intègre pas totalement au Doom le plus formel, dont il utilise pourtant les codes. On y retrouve des traces flagrantes des anciens boulots de Guillaume, cette froideur de ton en cruauté instrumentale qui a transformé les COWARDS en justiciers Noisy sans peur ni reproche, mais aussi cette volonté de s’extirper d’un carcan trop restrictif permettant de jouer avec les frontières de genre, non pour en proposer un nouveau puisque l’artiste est bien trop humble, mais pour en proposer une vision plus personnelle. Pourtant, et c’est assez facile à constater, Solstices doit autant au Doom qu’au Black le plus abrasif, tout en explorant des pistes Post (Metal-Hardcore-BM), et finalement, se fixe sur une forme très étudiée de Metal extrême non générique, mais pluriel. Disposant d’un son transformant chaque riff en cathédrale sonore, chaque coup de caisse claire en tocsin funèbre et chaque hurlement en litanie d’agonie, ce premier longue-durée qui justement la joue se montre aussi fascinant qu’un vieux grimoire d’incantations retrouvé sur les étagères d’une bibliothèque poussiéreuse, grimoire qui revient à la vie sous nos yeux et qui propose recettes, sortilèges, formules pour permettre à l’homme d’accepter le cycle inéluctable de la nature, et de vivre en harmonie avec ses débuts et fins. Il est un cri cathartique, une philosophie artistique absolue, et surtout, une preuve que Guillaume est décidément un musicien bien plus complexe que sa discographie ne le laissait supposer. Car avec ce premier disque en « solo », l’homme assure une trame pénétrante, un mantra hypnotique, allant même jusqu’à défier le BM des origines sur son propre terrain pour en ramener le cadavre froid sur le sien.
Et il faut avoir sacrément confiance en soi pour s’attaquer à la légende controversée BURZUM pour en reprendre le « Erblicket Die Tochter des Firmament », que Filosofem proposait dans ses sillons gelés. A l’heure où le monde assiste médusé à la transposition hollywoodienne de l’histoire de la genèse du Black norvégien, il est bon de savoir que certains prennent l’histoire et la mystique pour ce qu’elles sont, sans les réduire à une sombre et triviale histoire de fric. Et la version de HEAUME MORTAL, bien sûr beaucoup plus épaisse et compacte que l’originale sublime la rigueur ascétique de Varg pour la transformer en cheminement de mort et de poésie, sans perdre l’impact de ce chant si écorché qui nous vrillait les tympans il y a quelques décennies. Et si l’ensemble du projet ne s’intègre pas à la sphère BM par essence, cette reprise n’a rien d’incongrue tant elle s’insère avec logique au reste du répertoire, lui aussi consacré à une lourdeur hivernale de circonstance. Mais loin d’en représenter le point de focalisation, elle n’est qu’une étape de plus sur un parcours menant de l’hiver à l’été, ou bien l’inverse selon vos croyances, mais j’ai l’outrecuidance de croire que le final Ambient « Mestreguiral » préfigure un soleil à son Zénith et une chaude journée de juin, même si ses arrangements synthétiques peuvent s’ancrer dans un espace-temps différent. Et en tant que coup de semonce, « Yesteryears » incarne avec plus de véracité qu’une pile d’éphémérides oubliés les années passées, et les cycles renouvelés. Première alerte de l’album, ce long morceau de plus de treize minutes est véritablement l’indication que Guillaume a souhaité œuvrer pour la pluralité sans avoir à se soucier d’une quelconque crédibilité ou d’une éthique un peu trop restrictive. On y sent évidemment le souffle de son passé de musicien, mais aussi des traces de CULT OF LUNA, de Post Metal plus généraliste, des mélodies à la THE GATHERING, de soudaines et brutales reprises de fièvre à la NEUROSIS, des boucles itératives à la MY DYING BRIDE, quelques traces fugaces de VERDUN pour cette crudité de propos sans fard, et finalement, la preuve qu’un LP extrême peut le rester sans être forcément catalogué avec précision pour se ranger plus facilement dans les bacs.
Si le label n’a finalement pu apposer qu’un vague Sceau « Black Doom » sur les discours promotionnels, c’est plus par impossibilité de décrire avec acuité le contenu de Solstices que par réelle envie d’un gimmick accrocheur. Gérald l’avoue, il serait bien incapable de labéliser sa dernière découverte, et une fois encaissés les chocs de « Oldborn » et « Tongueless (part III) », vous ne serez pas plus avancé que lui. Certes, HEAUME MORTAL est lourd, certes, il est abrasif et véhément, et pourtant, en striant de breaks, de mélodies, d’harmonies discrètes, de blasts soudains et de hurlements en arrière-plan ses morceaux, il se situe au-delà de tout, et finalement, incarne avec acuité les caprices de saisons qui n’en sont plus vraiment, et la pluralité des croyances et rites qui s’y rattachent.
Titres de l'album :
1.Yesteryears
2.South of No North
3.Oldborn
4.Erblicket Die Tochter des Firmament (Burzum cover)
5.Tongueless (part III)
6.Mestreguiral
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49