Vieux comme Hérode. On connaît tous cette expression, qui depuis est entrée dans le langage populaire, et pourtant, le pauvre Hérode 1er ne vécut que soixante-neuf ans. S’il est certain que c’était un âge fort raisonnable pour l’époque, alors que la durée de vie moyenne devait probablement être de l’ordre de la moitié, il n’en reste pas moins que l’utilisation de cette expression reste disproportionné. Et pourtant, dans le cas des HEROD suisses, elle en prend tout son sens, tant l’effet produit par le groupe rappelle le réveil d’un homme millénaire, qui souffre de devoir s’extirper de sa condition pour voir à quel point le monde est parti à vau-l’eau. Inutile de préciser que ce dit effet est souvent produit par les groupes de Sludge, qui justement visent l’écrasement et l’oppression, mais ces suisses en font une arme à triple tranchant, qui nous confine de sa moiteur, qui nous accuse de sa lourdeur, et qui nous pointe du doigt de son horreur. Certains ont encore du mal d’ailleurs avec la notion de Sludge Progressif. Pour eux, elle est antinomique par essence, le Sludge étant souvent synonyme de statisme, ce qui est assurément le cas dans la plupart des…cas. Mais depuis quelques années, et en intégrant des éléments de Post Hardcore que les NEUROSIS ont pratiquement inventés à eux seuls, les combos du cru font enfin preuve d’audace, refusant de se voir transformés en monolithes de désespoir pour fans avides de néant artistique. Mais en regardant de plus près quelques éléments disponibles, on constate bien avant d’écouter ce disque que les choses risquent d’être différentes. D’abord, parce que Sombre Dessein résulte d’un accord passé avec le label allemand Pelagic Records, chaumière des CULT OF LUNA, de BISON, GOD IS AN ASTRONAUT, KRUGER, KLONE, MONO, HYPNO5E et évidemment, THE OCEAN. Ensuite, parce qu’on retrouve au casting de ce quatuor un certain Mike Pilat, qui fut justement l’incarnation vocale live du groupe. Deux indices qui laissent à penser que la piste HEROD est de celles sérieuses à suivre, et Sombre Dessein de parachever ce raisonnement de ses échos sombres, glauques, compacts et ambitieux.
Outre Mike, on retrouve à la guitare et à la basse Pierre Carroz, l’initiateur du projet, Bertrand Pot à l’autre guitare, et Fabien Vodoz à la batterie. Et quelques années après la genèse du concept, les quatre acolytes se sont donc permis un album qui ose franchir les frontières, casser les carcans, et nous étouffer de sa majesté apocalyptique, pourtant allégée de quelques mélodies qu’on sent plus que sous-jacentes, puisque évidentes au premier plan. Mais ne vous leurrez pas, malgré ces quelques éclaircies éparses, l’ensemble est à peu près aussi opaque qu’une nuit sans lune, ou qu’une vie sans espoir. Enregistré et mixé par Julien Fehlman, masterisé par Magnus Lindberg des CULT OF LUNA, Sombre Dessein est donc une affaire de famille qui s’ingénie à justifier son titre à tous les instants. Savamment dosé, mais libre dans les faits, c’est un album assez terrifiant de tension, qui juxtapose un tissu de riffs serrés à des expérimentations rythmiques tout sauf statiques, liant le tout de quelques breaks plus ou moins ténébreux/lumineux. Se réclamant de diverses influences, dont les COL bien sûr, mais aussi BREACH, THE CHARIOT, STAIRLAND, SWITCHBLADE, CONVERGE, MESHUGGAH, SCARLET, ION DISSONANCE, ou KING CRIMSON, HEROD cherche donc à fouler du pied les contraintes du style pour imposer sa créativité, qui s’articule souvent autour de morceaux très longs, jouant tout autant la carte du progressif que de l’évolutif, et semblant imaginer une fusion entre le MASTODON le plus emphatique, et le NEUROSIS le plus cathartique, tout en adaptant l’ensemble aux exigences pointues de la scène extrême suisse de ces dix dernières années (KRUGER en première ligne, mais de façon plus biaisée). De longues digressions donc, qui ne parlent que rarement pour ne rien dire, et qui déroulent des ambiances, des couleurs presque en monochrome à force d’être délavées, mais aussi des humeurs, ombrageuses, des stridences, des fulgurances, et suffisamment de puissance pour fournir de l’énergie à un petit pays.
Mais avant tout, Sombre Dessein c’est d’abord un son, de ceux qui font glisser les plaques tectoniques, de quoi rendre fous les FULL OF HELL en pleine montée de démence. Un son mat, aux échos profonds, que l’intro efficace « Fork Tongue Intro » illustre à merveille de ses grondements. Un son brutal, viscéral, presque luxueux dans ses atours les plus graves, qui confère à la batterie un écho incroyable allant faire vaciller les abysses de l’enfer sur leurs propres bases. Les guitares en profitent aussi, capitalisant sur une distorsion presque trop propre dans les faits, mais inquiétante dans le fond. Des guitares qui dès « Fork Tongue » se font retranscription de la claustrophobie ambiante, avec leurs accords du fond des temps, auxquels se superpose cette voix caverneuse aux litanies fatiguées. On reconnaît bien là le grain unique de Mike Pilat, qui vocifère comme jamais pour se mettre au niveau, mais qui ne braille jamais en vain, modulant ses silences pour mettre ses cris en exergue. Artistiquement parlant, ce nouvel album est d’une perfection exemplaire. Ses morceaux sont agencés avec intelligence, distillant les cassures et les bifurcations avec parcimonie pour ne pas amoindrir leur impact, et ce premier morceau, malgré sa durée limitée en est un parfait exemple. Mais si les esprits les plus aventureux s’orienteront immédiatement vers les chapitres les plus longs pour satisfaire leur curiosité, il conviendra de leur recommander de ne pas négliger les plus brefs, qui eux aussi assument une somme de plans assez conséquente. L’incarnation la plus idoine en restant le terrifiant « Reckoning », sorte de faux hit Metalcore en puissance qui pourtant ne trahit pas les dogmes. Osant des accroches presque mémorisables, ce morceau est une véritable tuerie Sludge moderne, presque purement Heavy Metal dans le fond, et pourtant terriblement Post dans la forme. On y sent ces parenthèses faussement calmes encore plus apaisées par des lignes de chant évanescentes, on y voit une forme de salut pour le genre, qui va finir par se bouffer la queue de courir après. On y sent le pouvoir, les possibilités, et plus qu’une porte de sortie, un ailleurs.
Mais je ne contredirai pas les plus pointilleux qui argueront du lyrisme tremblant de « Don't Speak Last » pour étayer leurs thèses évolutives. En plus de dix minutes, et placé au centre des débats, ce long soliloque de désespoir est une incontestable acmé, qui après une longue intro rampante nous explose au visage de ses déflagrations éléphantesques. On songe immanquablement à NEUROSIS, celui des dernières années, pour cette faculté à étirer des thèmes jusqu’à la rupture, et cette utilisation monocorde des percussions, mais dès le mid tempo imposé, on sait que l’efficacité est une donnée importante pour les HEROD, plus que l’insistance qui condamne souvent ce genre de projet à la moisissure précoce. Ce constat est aussi effectif sur le long final aux allures de coda hypnotique de « There Will Be Gods », ainsi que sur l’étrange et mystique « Silent Truth », qui pourrait presque passer pour une collaboration entre MONO et les GOJIRA. Et finalement, ce constat en ambivalence pression/relâchement résume tout le projet à lui seul, qui s’affranchit des règles les plus immuables du Sludge pour oser quelque chose de plus intéressant qu’une sempiternelle litanie dérivée des codes du Doom. Et si parfois, on ressent la vieillesse d’une humanité qui atteint son agonie, on pressent aussi l’ultime colère dévastatrice d’un monde qui risque de tout détruire pour mieux renaître.
Titres de l'album :
1.Fork Tongue Intro
2.Fork Tongue
3.Reckoning
4.Don't Speak Last
5.Silent Truth
6.Mourning Grounds
7.There Will Be Gods
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