Je suis de bonne, bonne, bonne humeur ce matin, y’a des matins comme ça…
Oui, certes, mais lorsque le hasard du calendrier vous propose le même jour les derniers méfaits de DESTRUCTION et SADIST, il y a de quoi se lever du bon pied. Et du bon œil. Enfin, des bonnes oreilles plutôt. Bien évidemment, les sensations procurées par ces deux groupes sont différentes. Les italiens œuvrent dans un registre beaucoup plus complexe et fouillé, et produisent des disques riches, intrigants, à la lisière de l’avant-garde, et font honneur à leur rang depuis leur première sortie en 1993. Je ne les ai jamais perdus de vue depuis, et chacune de leurs entrées me frappe au coin du bon sens d’un Death progressif légèrement élitiste, mais réellement méchant.
Moins de trois ans après le pavé dans la mare Firescorched, le groupe de Gênes revient avec une bordée de nouveaux morceaux, un instrumental, deux bonus tracks, et une attitude frondeuse qui le confine à la certitude la plus absolue. Ces musiciens sont toujours parvenus à mixer la violence la plus crue avec la technique la plus drue, et Something To Pierce continue sur cette lancée stratosphérique, rappelant le meilleur de la scène Death évolutive de DEATH, SADUS, ATHEIST, GORGUTS, le tout emballé dans un déguisement de la commedia dell’arte. Ou du carnaval de Venise. En tout cas, le décorum est impressionnant, la liste des invités huppée, et le banquet riche et bien présenté.
Une pochette ad hoc pour un nouveau chapitre qui cogne et qui caresse à la fois. Toujours fidèle à cette recette en dualité majeure, SADIST utilise toutes les armes à sa disposition, juxtapose des chœurs angéliques à des rythmiques en chien de fusil, insère des riffs au chausse-pied pour mieux déformer la cheville et nous immobiliser de sa fourberie. Un nouveau catalogue de figures imposées donc, pour une cohésion d’ensemble qui laisse ébahi. Comment font-ils pour se montrer aussi créatifs trente ans après leur intronisation, c’est une énigme que même les fans les plus dévoués ne parviennent pas à décrypter.
Something To Pierce reste donc scotché à cette éthique de complexité tout sauf gratuite. L’utilisation de cordes en son clair, de breaks apaisants et d’idées claustrophobiques permettent à ce nouvel album de se hisser vers le haut du panier, alors que « The Sun God » justifie à lui seul l’achat d’un disque qui prend du temps à s’infuser dans l’organisme.
Soyons clair : SADIST n’a jamais déçu. Chacun de ses épisodes s’est montré passionnant, et sa crédibilité n’a jamais eu à souffrir d’un quelconque manquement. Mais pourtant, Something To Pierce parvient à surpasser toutes les attentes, sans vraiment changer le plan d’attaque. Et bien que fan de la première heure, mon objectivité me pousse à admettre que les italiens repoussent à chaque fois les limites de leurs capacités.
D’ailleurs, le leader de la bande a une sacrée formule pour définir ce son si unique :
« Que vous aimiez ou non, personne ne sonne comme SADIST »
Et l’homme, loin d’être péremptoire, dit vrai. Si beaucoup d‘artistes se sont épanouis dans les arcanes d’un Death précieux et exigeant du solfège, peu ont réussi à trouver le plus juste équilibre entre ambitions et efficacité. Le style se perd souvent dans ses propres délires, et ressemble parfois à un catalogue démonstratif sans âme, ou à un spectre décharné qui ne fait plus peur à grand monde. Or, SADIST tient non seulement la barre, mais dévie à son envie, nous entraînant dans un voyage étrange, vers une sorte de purgatoire incroyable dans lequel se croisent PESTILENCE et Chuck Schuldiner.
« Dume Kike » le souligne d’ailleurs avec une belle pertinence, alignant les idées comme les décorations de Noël. Tour à tour implacable, vénéneux, séduisant ou inquiétant, le groupe assume sa cohésion, mais préfère la confronter à des idées novatrices pour éviter le surplace et la simple garantie d’une légende passée.
Entre accroches fondamentalement brutales et déviances mélodico-techniques, SADIST donne le sentiment d’avoir toujours quelque chose de neuf à dire, sans exagérer l’importance de son discours. Something To Pierce utilise donc le même vocabulaire, en choisissant ses rimes avec attention. « One Shot Closer » présente le visage le plus agressif, alors que « The Best Part is the Brain » se réjouit de sa témérité. Aggravé par un chant toujours aussi graveleux, le tracklisting est passionnant, et nous réserve des surprises énormes, tant au niveau des percussions que des soli qui fricotent avec la fusion et le Jazz-Rock.
Jamais déçu ?
Non, en effet. La somme de travail fournie est toujours aussi conséquente, et le produit d’une qualité inouïe. En se tenant à l’écart de la faune old-school qui balbutie de plus en plus, SADIST reste dans son univers, qui semble ne reconnaître aucune frontière. « Nove Strade » est d’ailleurs une arme de dissuasion massive, mais c’est évidemment la clôture « Respirium » qui pose le point final avec une belle créativité.
Comment être de mauvaise humeur en savourant un disque aussi créatif qu’agressif ? Entre le Progressif charnu et le Death repu, SADIST navigue à vue et nous mystifie de sa superbe. Something To Pierce s’accroche donc à la locomotive, qui roule pleine bourre depuis trente ans et plus. Personne ne sonne comme SADIST ?
Non.
Titres de l’album:
01. Something to Pierce
02. Deprived
03. No Feast for Flies
04. Kill Devour Dissect
05. The Sun God
06. Dume Kike
07. One Shot Closer
08. The Best Part is the Brain
09. Nove Strade
10. Respirium (instrumental)
11. Latex Hood (CD bonus track)
12. The Unsmiling Windows (CD bonus track)
Perso, à part leurs deux premiers albums qui sont vraiment géniaux, le reste est quelconque et prétentieux.
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