Froid, givre, gants, gros manteau, l’occasion était trop belle en cette matinée hivernale d’automne d’aller se réfugier sous la glace de Quebec City. Mais pourquoi cette ville plutôt qu’une autre, comme Stockholm, Reykjavik ou Oslo ? Tout simplement parce que Quebec est la patrie des DELETERE, sextet connu comme le loup blanc dans l’underground eu égard à sa musique glaciale, violente, et à ses instincts belliqueux. Depuis plus de dix ans, le groupe nous assomme de ses productions ambitieuses et de son Black précieux, et à l’heure de faire les comptes d’un bilan en conclusion finale, ce troisième album tant attendu ces cinq dernières années fournit même le boulier pour obtenir un résultat plus juste.
DELETERE, c’est le Canada français dans le texte. Le plus pur et sur moyen de ne pas se tromper, et de se laisser emporter dans un monde à la Dante Alighieri, avec vertus cardinales et péchés capitaux. Mais ce sont évidemment les péchés qui intéressent le plus ces musiciens sortis des caniveaux de l’enfer, le visage maculé de boue et le regard dur. Et les péchés ne se pardonnent pas dans leur univers.
Mieux. Ils se glorifient.
Depuis De Horae Leprae en 2018, le sextet n’avait daigné nous donner de nouvelles que par le biais d’un format court il y a quatre ans, et nous étions nombreux à les attendre au tournant. Après tout, Les Heures de la Peste avait mis les feux aux poudres il y a presque dix ans, au point de propulser DELETERE en tête de liste des bêtes les plus infâmes de sa caste. Depuis, la légende s’était consolidée à grands coups de riffs ténébreux, et aujourd’hui, celle légende se transforme en culte par le biais d’un disque aussi cruel que poétique, aussi morbide que lumineux, et aussi bestial qu’intelligent.
Songes d'une Nuit Souillée.
Outre la référence évidente à notre cher Shakespeare et sa nuit d’été, Songes d'une Nuit Souillée se montre allusif au BM le plus emphatique des années 90, quelque part entre MARDUK et EMPEROR, même si les accointances nationales poussent à le mettre sur le même niveau que FORTERESSE, MONARQUE, ou SORCIER DES GLACES. Mais au-delà de ses frontières, les comparaisons vont aussi bon train, avec en citation tout sauf gratuite AORLHAC, DØDSFERD, SARGEIST ou encore SARKRISTA.
Des accolades assez prestigieuses donc, bien que les six musiciens jouissent du statut d’attraction fatale sans avoir besoin de copier les astuces des voisins. Et en écoutant ce troisième album léché jusqu’à la moelle, on se rend compte que l’identité propre de DELETERE est son arme la plus dangereuse, entre symphonique, rude, progressif et atmosphérique. Et si le doute vous étreignait via ces qualificatifs, écoutez le monstrueux « Messe Scandaleuse », qui multiplie les blasphèmes sur fond de riffs catchy jusqu’à l’overdose des sens, sublimés par ces chœurs évanescents qui donnent la parole aux défunts dans une cathédrale abandonnée par les Dieux.
Efficace, pompeux dans le bon sens du terme, mais d’une violence sourde, Songes d'une Nuit Souillée est une balade sur les sentiers des créatures de la nuit, une randonnée sans étape ni pause pour retrouver les monstres de notre enfance, et plus simplement, l’un des meilleurs disques de BM de cette année 2023. Doté d’un son à décoiffer un chauve et flanqué d’une superbe pochette apocalyptique, ce troisième tome d’une saga aux proportions épiques incarne tout ce que la violence moderne peut proposer de plus nostalgique, sans perdre de vue les impératifs de son temps.
Alors…
Alors, des intros travaillées, des breaks bien amenés, des transitions fluides et une instrumentation solide, pour un mur du son impénétrable. Une sonate improvisée sur un piano lugubre, des attaques incessantes, une connaissance approfondie de l’extrême des années 80/90, des instincts de séduction qui se formalisent autour de chansons plus directes et simples, comme ce bouillant « Lex Syphilii », capable de refiler la syphilis à une nonne de quatre-vingt-ans encore vierge et bien déterminée à le rester.
Mais nul territoire vierge ne le reste longtemps. Et ceux découvert par les six musiciens grimaçant (Matrak, Atheos, Glauque, Anhidar, Thorleïf, Kaedes) brulent des heures après le passage des chevaliers en toge noire. Une fois les effluves dispersés dans l’air, l’hébétude le succède à la surprise. On se demande encore comment cette horde a pu tout détruire sur son passage sans forcer ses actes de purification par le feu, alors même que les notes s’entrechoquent encore dans un silence de mort. Une formule certes classique, mais poussée dans ses retranchements, comme en témoignent les jets de bile acide « Chasse Obscène » et « Foutredieu ».
Les meilleurs de la classe comptent donc le rester, et nous donnent une leçon d’application qui mérite la note maximale. Avec une basse proéminente, deux guitares en constante bataille de cordes, un chanteur ignoble et une section rythmique à l’énergie inépuisable, DELETERE excuse avec beaucoup de brio sa longue absence, et revient plus déterminé que jamais.
« La Nuit Souillée », épilogue en grandes pompes, alternant blasts et insistance Heavy nous fournit le dernier argument massue, avant que la nuit ne referme ses portes sur les dévoyés les plus vicieux.
DELETERE, comme le climat, comme l’ambiance, comme l’atmosphère au moment de regarder ce nouveau siècle nous enterrer vivants. La cérémonie sera cheap, le cercueil optionnel, et les pleurs forcés. Nous ne méritons pas mieux, et nous acceptons notre destin.
Et le froid, toujours le froid.
Titres de l’album:
01. Chasse Obscène
02. Sacre de la Perversion
03. Foutredieu
04. Messe Scandaleuse
05. Sonata Impudicitiae
06. Lex Syphilii
07. Le Labour des Chairs
08. La Nuit Souillée
On reconnaît quelques intonations de Rinehart mais a l'instar de Doty, qu'on a pu entendre sur des réenregistrements, ça sonne pas terrible. Bon attendons tranquillement l'album.Par contre pas d'accord avec les posts précéde(...)
14/04/2025, 17:28
Je rejoins en partie Arioch91...le chant? Et la production? Ca manque d'âme je trouve, en tout cas si je compare à "Darkness Descends" ( oui, c'est le seul album que je connais d'eux....)....
14/04/2025, 14:35
Un petit message hors sujet mais bon, je regrette en effet la disparition du Fall of Summer...
14/04/2025, 14:30
Bon ça me parle déjà plus que leurs dernières sorties, on retrouve un peu d'adhérence dans les guitares, à voir !
14/04/2025, 07:29
La différence de style n'est pas surprenante, ils n'ont jamais refait le même album. Mais ça rend mou, fatigué, sans inspiration... et décevant après une si longue attente. Espérons que le reste soit meilleur.
13/04/2025, 12:10
@DPD je suis d'accord avec toi et c'est vrai que dans le genre, Vektor est l'un des rares groupes à avoir proposé quelque chose de neuf. Pour ma part, je rajoute également Power Trip qui, même s'il ne propose rien de foncièrement neuf, a un gr(...)
13/04/2025, 07:58
Arioch91, c'est juste que le thrash basique on a largement fait le tour, depuis une trentaine d'années en fait. Vektor avait remis un coup de boost dans la scène avec ses tendances progressives et autres, mais il semblerait que le mec était pas sympa dans sa vie pri(...)
13/04/2025, 02:02
Grosse déception pour ma part.C'est sûr que faire poireauter les fans après 34 ans, l'attente est forte et surtout, on attend LE truc qui va tout niquer.Mouais.Je passe sous silence la cover qui pue l'IA à plein nez.Qu'est(...)
12/04/2025, 18:53
Ouh que c'est bon ça !!! !!! !!!Un truc qui puise à mort dans les 90s !NECROMANTIA et BARATHRUM en tête... ... ...
11/04/2025, 09:36
Je veux bien que la société polonaise soit différente, mais ses provocations à deux balles passent pour du Manson 20 ans trop tard, c'est tellement commun..
10/04/2025, 16:41
Juste une remarque, je suis pas au courant des lois françaises, si j'ai outrepassé mes droits vous pouvez virer ce commentaire pas de soucis.
10/04/2025, 15:17
Cher Emptyrior, je suis juste homophobe, voilà tout. Il y a des gens comme ça que veux-tu. Mes excuses si tu es blessé par mes propos, j'espère que tu sauras t'en remettre.
10/04/2025, 15:04
@ DPD : Certaines personnes ne comprennent en effet pas ce qu'implique une guerre, et se permettent de faire tranquillement des commentaires dans leur canapé en mettant pays agresseur et pays agressé dos à dos. L'ignorance et la bêtise n'ont aucune limite(...)
09/04/2025, 23:31
Emptyrior, va donc écouter Taylor Swift si tu veux un safe space
09/04/2025, 05:02