Back to England, fin des années 70. Alors que le Punk meurt de sa belle mort pour renaitre en gimmick commercial de cartes postales, quelque chose gronde dans l’ombre. Un mouvement révolutionnaire, moins nihiliste, moins influencé par le Rock n’Roll, et plus en phase avec les attentes de l’époque. Et l’époque n’est pas glorieuse en Angleterre. Le pays est miné par des grèves, le chômage, le racisme, le manque de perspectives, et les adolescents ne savent plus vers qui se tourner. Heureusement pour eux, le monde de la musique ne les a pas oubliés, et leur prépare un sacré cadeau, encore précieux aujourd’hui.
La NWOBHM.
IRON MAIDEN, SAXON, TRESPASS, DIAMOND HEAD, DEF LEPPARD, les groupes poussent comme des champignons, et les journalistes spécialisés savent que quelque chose d’énorme va exploser. Depuis quelques années, les clubs de Londres, de Manchester s’agitent d’un son nouveau, agressif, brut, sans artifices, mais avec cette conscience que la constance et la qualité sont les deux valeurs à défendre pour ne pas que les kids se sentent floués. Parmi cette masse de nouveaux guerriers, trône évidemment MAIDEN. Mais ses lieutenants sont des gens dévoués, et parfois, un peu hasardeux dans le choix de leur baptême.
SATAN a longtemps souffert de clichés et autres idées préconçues, le rangeant aux côté des vilains VENOM. Mais en 2024, plus personne n’est dupe depuis longtemps. SATAN a toujours été le groupe de Heavy Metal épique par excellence, ce que Court in the Act soulignait de sa fougue mélodique et rythmique.
Aujourd’hui, SATAN fête ses quarante-cinq ans. De quoi donner le tournis, même lorsqu’on est rompu à l’exercice de la longévité. Le line-up d’origine est toujours-là, contrairement à des centaines d’autres groupes qui se raccrochent au passé via un bassiste, un chanteur ou un guitariste, et d’ailleurs, Russ Tippins (guitare) a un avis très tranché sur la question :
Nous avons joué à un festival où la tête d’affiche n’avait plus aucun membre original dans son line-up. Je ne pige pas vraiment le truc, même si j’admire leur courage. Nous sommes le SATAN originel. Nous ne nous sommes pas reformé pour capitaliser sur notre gloire passée. Si vous voulez de la nostalgie, vous vous êtes trompé de groupe. Nous regardons toujours vers l’avenir.
Mise au point ferme, mais tellement réaliste. En effet, depuis sa reformation en 2011, le quintet a toujours mis un point d’honneur à proposer un répertoire original, tout en conservant ses racines. En ont découlé des œuvres fascinantes, passionnantes, bouillonnantes, qui n’ont rien à envier aux chefs d’œuvre d’époque. 2024, SATAN porte un regard brut et sans détour sur l’état de notre civilisation, constatant les manquements éternels avec une certaine distance.
Il y a toujours de l’espoir, mais les solutions ne doivent pas émaner des musiciens. Chaque chanson a son propre thème. Bien qu’il n’y ait pas de chanson-titre en tant que telle, le morceau « Deadly Crimson », qui est une diatribe anticapitaliste, en est le plus proche. En tant que concept, faire de l’argent à partir de l’argent est fatalement impossible dans le sens où tout repose sur une croissance constante.
Message simple, mais réaliste. Les anglais (Steve Ramsey & Russ Tippins - guitares, Graeme English - basse, Sean Taylor - batterie et Brian Ross - chant) ne laissent pas de côté leurs opinions, et jugent sans ambages la situation. Il est évident qu’une telle conclusion se devait d’être mise en musique le plus sincèrement possible. Et justement Songs in Crimson est peut-être l’album le plus fidèle à la légende du quintet, retrouvant les impulsions de la première moitié des années 80. Deux morceaux semblent d’ailleurs dater de cette époque, le fougueux « Martyrdom », et le très accessible « Sacramental Rites ». Les tierces sont évidemment au premier plan, mais SATAN n’hésite pas à montrer un visage plus volontiers souriant, dans une veine de Hard-Rock mélodique viril, mais souple sur les thèmes.
D’ailleurs, Songs in Crimson est sans doute l’album des anglais qui contient le plus de riffs différents. Le côté créatif a donc été soigné, mais les thèmes ne durent jamais longtemps. SATAN a donc joué la surprise permanente, même si ses méthodes d’enregistrement restent classiques, avec toujours Dave Curle des First Avenue studios à la console.
Tippins affirme que le but de la manœuvre était d’en donner le plus possible aux fans. Avec une ouverture de la trempe de « Frantic Zero », une bourrasque violente comme « Turn the Tide », des soli qui vont et viennent à une vitesse folle, et des idées qui se télescopent comme des électrons, SATAN fait feu de tout bois, et parvient à synthétiser son gigantesque parcours en un peu moins de trois quarts d’heure. Alors que des géants comme METALLICA et IRON MAIDEN font du fan service sous vide depuis trop longtemps, le groupe de Newcastle upon Tyne adapte son passé légendaire à son présent volontaire, et nous présente le meilleur des deux mondes, avec des compositions aussi franches qu’épiques.
Le plaisir est donc immense.
Soyons clair. SATAN n’a jamais déçu. Même lors de sa période de schizophrénie PARIAH et BLIND FURY, la qualité a toujours été son moteur, et à l’instar de SAXON, revenu en grâce dans les années 90, le quintet a toujours soigné ses albums, comme si chacun d’entre eux était le dernier.
Heureusement, il n’en est rien, et vu la forme affichée, le soulagement n’en est que plus grand. Soudainement perméable au Rock seventies délayé dans un fond de sauce NWOBHM (« Captives »), toujours en phase avec les gimmicks eighties (« Curse in Disguise », aussi Steve Harris qu’un maillot de foot), ambitieux et presque Progressif (« Truth Bullet »), Songs in Crimson jette un regard lucide sur le monde, et en commente les grands bouleversements sur fond de Heavy Metal noble et racé.
On appelle ça de la nostalgie actualisée. Moins opportuniste, et plus tournée vers l’avenir tout en assumant le passé. La marque des grands.
Titres de l’album:
01. Frantic Zero
02. Era (The Day Will Come)
03. Whore of Babylon
04. Sacramental Rites
05. Martyrdom
06. Turn the Tide
07. Captives
08. Curse in Disguise
09. Truth Bullet
10. Deadly Crimson
Bandcamp officiel
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