Je fête aujourd’hui mon troisième rendez-vous avec les suédois de CAPTAIN BLACK BEARD, après avoir chroniqué leurs deux précédents albums, It’s a Mouthful et Struck by Lightning. Et je dois avouer que ce rendez-vous très régulier (un LP tous les deux ans, comme une horloge suisse) me réjouit au plus haut point, une sortie des scandinaves étant toujours synonyme de plaisir auditif intense. J’avais déjà dit tout le bien que je pensais de leurs deux longue-durée antérieurs, et sans faire durer l’effet de surprise de cette chronique, il en sera de même avec ce superbe Sonic Forces. La recette n’a évidemment pas changé, avec toujours cette adaptation des standards FM américains dans un vocable purement suédois, mais une fois encore, les musiciens ont puisé au fond d’eux-mêmes les ressources pour se surpasser, alors que justement les écueils s’accumulaient dans leur direction. Deux changements notables dans l’histoire du groupe, le plus mineur en premier, un changement de label. Passant de MelodicRock Records à AOR Heaven, les suédois ont donc associé leur destin à l’un des labels les plus mythiques du marché, et certainement le plus à même de leur offrir l’exposition qu’ils méritent. Seconde modification, plus importante, le changement de vocaliste, étape toujours délicate à franchir, avec le remplacement l’année dernière de Sakaria Björklund, par Martin Holsner. Une fois encore, inutile de jouer le mystère, l’opération mutation s’avère un franc succès, la voix de Martin se fondant merveilleusement bien dans le nouveau répertoire du groupe. Outre Martin, petit dernier, nous retrouvons donc au casting Christian Ek à la guitare, Robert Majd à la basse et Vinnie Stromberg à la batterie, pour un passage en revue de tout ce qui a fait le charme d’un groupe assez unique en son genre, à la fois totalement ancré dans la vague nostalgique scandinave, mais complètement obsédé par le Hard mélodique américain des années 80. Une sorte de mélange extraordinaire entre la fougue de JOURNEY, les harmonies de SURVIVOR, la classe de FOREIGNER, la souplesse de NIGHT FLIGHT ORCHESTRA, et l’esprit enjoué des ROYAL REPUBLIC. Et Sonic Forces d’aligner les hits avec un culot bluffant, réservant à l’amateur quarante minutes de hits sans discontinuer, comme s’il était si simple de composer des tubes aussi accrocheurs.
En l’état, ce cinquième album depuis les débuts pourrait bien être le meilleur de la formation. Le plus policé, le plus produit, et le plus équilibré entre les fragrances. Le plus varié aussi, le quatuor passant en revue toutes les possibilités séparant l’AOR commercial du Hard Rock fougueux, et plaçant avec beaucoup d’intelligence ses morceaux les plus abordables en début de parcours. C’est ainsi que l’aventure débute sous les auspices de « Headlights », mélodique à souhait, avec un chanteur à l’aise dans ses nouvelles baskets, au timbre assez proche de celui de Jami Jamison. L’orientation est clairement radiophonique, comme d’habitude, avec toujours ces mélodies très prononcées et ces chœurs mis en avant, sans empiéter sur le territoire sacré d’une guitare qui prend quand même la peine de lâcher un gros riff bien velu. Le phrasé est impeccable, et le tout passe dans les tympans comme un sirop contre la morosité, et nous retrouvons tout le savoir-faire d’une nation qui est devenue depuis longtemps la référence ultime en termes d’hommage nostalgique. Mais là où leurs homologues ont souvent tendance à sombrer dans la Synth-Pop déguisée en Rock, les CAPTAIN BLACK BEARD ne perdent pas de vue leur objectif initial, séduire la communauté Hard-Rock en la plongeant dans ses souvenirs. On pense évidemment à SURVIVOR, JOURNEY, mais aussi H.E.A.T, BON JOVI, DANGER DANGER, et l’ambiance ne tarde pas à méchamment chauffer, grâce à des morceaux aussi imparables que séduisants, et totalement ancrés dans une tradition FM de la période 86/87. « Lights And Shadows » fait donc des miracles, et rappelle le BALANCE le plus pur, avec toujours ces refrains collégiaux qui nous contaminent le cœur comme des promesses de premier rendez-vous amoureux. Martin Holsner a donc été un choix très heureux pour le groupe, qui s’en retrouve galvanisé et remotivé, affûté mélodiquement, au point de pondre des chansons si fédératrices qu’on en reste pantois. Ainsi, « Disco Volante », s’il n’a rien d’un clin d‘œil à MR BUNGLE se retrouve dans la magie de JOURNEY et évoque la période de gloire seventies du groupe de Neal Schon.
Cédant au plaisir d’un down tempo plus sensuel et estampillé MTV, CAPTAIN BLACK BEARD se love au creux de l’épaule du WHITESNAKE de « Is This Love » avec « Tonight », sans perdre de son acuité FM, avant d’enfin lâcher la pression à l’occasion d’un « Sonic Forces » au riff plus BON JOVI que nature. Ce don incroyable pour synthétiser tous les aspects les plus caractéristiques et héroïques des eighties est toujours aussi étonnant, et le tracklisting égrène sa magie avec une facilité déconcertante, profitant d’une production parfaite d’équilibre entre synthétisme et électricité. Il faut dire qu’en condensant son inspiration en quarante petites minutes, le groupe a joué sur le velours de la sécurité, expurgeant ses ambitions pour les rendre plus efficaces. Et lorsque la tension monte d’un cran dans le Hard-Rock classique, les pieds s’agitent, les neurones se percutent, et la nostalgie agit à plein régime pour célébrer l’hédonisme presque Glam de « Time To Deliver ». Aucune faute de goût ne vient entacher ce retour en force qui prend des allures de leçon donnée avec panache, et qui survole dix ans de pratique avec un flair extraordinaire. Jouant avec les tempi, avec la puissance d’une guitare qui n’hésite pas à s’imposer au premier plan, Sonic Forces incarne la quintessence de la méthode suédoise, moins édulcorée qu’à l’ordinaire, et plus encline à respecter la tradition qu’à la traduire. Ainsi, le rageur et testostéroné « Midnight Cruiser » s’abreuve de la fougue américaine de la fin des années 80, tandis que le romantique « Young Hearts » évoque les BO de blockbusters de ces mêmes années, lorsque les cinéastes conscients de l’importance de la musique confiaient leurs ambiances aux cadors du Hard-Rock de l’époque. L’initié reconnaîtra assez facilement que l’ensemble n’est pas révolutionnaire mais plutôt habile, et le néophyte initié aux voyages dans le temps par les agences scandinaves célèbrera la perfection d’une optique léchée et peaufinée.
Mais en toute objectivité, et avec plus de trente ans d’expérience dans le domaine, il est toujours aussi impossible de résister à l’énergie développée par le groupe, qui semble si heureux de jouer cette musique. Là est la principale qualité des CAPTAIN BLACK BEARD qui ne se contentent pas d’un exercice de style, et qui apprécient chaque seconde de leur art, ce qu’on comprend facilement en écoutant « Gotham City ». Certains trouveront l’album peut-être un peu trop parfait, un peu trop arrondi, mais les esthètes sauront reconnaître le mimétisme génial d’un groupe qui n’a rien inventé, mais qui recycle avec une réelle sincérité. Baiser salé, caresse sucrée, Sonic Forces est un plaisir tout sauf coupable, et la confirmation du talent d’un combo qui n’a pas fini d’éclairer nos nuits de nostalgie.
Titres de l’album :
01. Headlights
02. Lights And Shadows
03. Disco Volante
04. Tonight
05. Sonic Forces
06. Time To Deliver
07. Midnight Cruiser
08. Young Hearts
09. Gotham City
10. Emptiness
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30