Sammy Hagar, c’est un peu le mec que vous allez croiser dans un Cabo Wabo, hirsute, la paille dans la bouche, pieds nus sur son tabouret, et qui à une heure indue va vous raconter ses souvenirs de jeunesse. Le type cool, en chemise hawaïenne à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, qui ne se prend pas la tête mais à qui on ne la fait pas. Il vous paiera un coup, ou vous obligera à lui en payer un, vous inondera de sourires carnassiers, pour finir la soirée une guitare à la main à reprendre des standards…de sa propre carrière. En même temps, il a de quoi piocher, ce qu’il fait d’ailleurs depuis cinq ans avec ses acolytes de tournée, à mélanger pendant plus de deux heures les classiques de sa période solo, de son passage chez MONTROSE, de sa période prolongée en compagnie des frères VAN HALEN, ou de son stage chez les CHICKENFOOT, autre supergroupe blindé d’égo. Après tout, quand on joue avec Michael Anthony, Jason Bonham et Vic Johnson, et qu’on s’appelle Sammy HAGAR, pourquoi se gêner ? Tout le monde vous connaît, tout le monde connaît vos chansons, et tout le monde est prêt à payer soixante ou cent billets le ticket, alors autant en profiter. Tout ça est d’ailleurs logique et parfaitement charmant, mais au bout d’un moment, les tics de création commencent à s’agiter sous le bocal, après ou avant un shot de tequila bien salée. On n’a pas composé « (I Can’t Drive) 55 » pour faire joli dans les soirées et assurer la tapisserie à la façon d’un Dave Lee Roth planqué sous un abat-jour. Sauf que le père Sammy ne s’attendait pas à être pénétré de bon sens artistique, et que ce premier album de sa troupe THE CIRCLE est plutôt une surprise pour tout le monde, à commencer par lui-même. Non, il n’avait pas vraiment prévu d’aller en studio, de composer dix morceaux, et de devoir sacrifier du LED ZEP pour intégrer ce nouveau répertoire à ses concerts. Mais le fait est, Space Between existe, il est bien concret, et aussi étonnant que ça puisse paraître, il est frais, entraînant, crédible, et tout à fait à sa place dans le rôle de l’épouvantail de la production aseptisée actuelle.
« Au départ, je ne savais même pas que j’allais enregistrer un album. Je voulais juste boucler une ou deux chansons, quelques idées, mais au fur et à mesure, en avançant à l’instinct, sans y penser, ça a pris forme. Et de fil en aiguille, je me suis immergé dans le truc, au point de me lever la nuit pour enregistrer. Et durant le processus, j’ai fini par piger que j’écrivais un concept album… »
Un concept album de la part du rockeur rouge ? Le principe est pour le moins surprenant, l’homme se sentant plus concerné par le plaisir de jouer et de partager que par le sort du monde et son destin peu enviable. Et c’est pourtant ce qui s’est passé, l’histoire prenant corps, celle de cet homme ayant tout ce qu’un homme peut souhaiter avoir, et perdant tout du jour au lendemain pour finalement prendre un autre chemin. Le capitalisme, la réussite, la déchéance, la solitude, l’amour, l’empathie, autant de sujets qui animent ce Space Between qui réduit d’autant plus la distance le séparant de son public le plus exigeant, celui qui attendait depuis longtemps une nouvelle offrande de notre Big Lebowski nonchalant et trinquant. Seule inconnue, l’osmose dont allait faire preuve ce supergroupe en studio, les prétentions individuelles étant parfois difficiles à gérer, ainsi que les techniques de jeu si particulières. Si l’on en croit le beau Sammy, tout s’est parfaitement bien passé, Jason apportant ses idées et son jeu si emprunté, Michael cimentant le tout de ses lignes de basse qui n’ont pas changé depuis « You Really Got Me » ou « Ice Cream Man », et Vic jouant comme il a toujours joué, sincèrement, efficacement, et toujours au service de son vieux pote. Le résultat ? Un disque humain, aux proportions raisonnables, qui sans marquer au fer rouge l’histoire de la musique populaire américaine, tient parfaitement debout malgré sa durée très limitée et ses influences plus que marquées.
Mais Sammy, avec ses décennies de carrière derrière lui n’allait certainement pas s’amuser à sortir de ses sentiers si battus, cette route qu’il connaît bien pour l’avoir arpentée à des vitesses parfois déraisonnables, et loin des 55mph qu’il a si bien chantés. Et c’est sans doute pour ça que ce premier LP du projet SAMMY HAGAR & THE CIRCLE semble si familier, dans chacune de ses intonations. On y retrouve la gouaille d’un interprète qui en solo était fort en gueule, le groove des années VAN HALEN, les prémices de chez MONTROSE sans qu’il y fasse directement allusion, mais aussi le plaisir retiré de l’aventure CHICKENFOOT, cette joie de partager un Rock plutôt dur mais pas vraiment Hard. En prenant ce disque pour ce qu’il est, à savoir plus une récréation et une reprise de position plutôt qu’une assertion définitive, il est tout à fait possible d’en tirer un plaisir infini, celui qui émane d’un groupe n’ayant pas cherché à bluffer ou en mettre plein la vue, mais simplement partager une petite demi-heure de musique tantôt exubérante, parfois intimiste, souvent électrique mais ne refusant pas l’acoustique, pour un résultat cohérent, mais un peu bancal. D’ailleurs, tout commence par un truc un peu bizarre, à moitié a cappella, « Devil Came To Philly », l’un des premiers morceaux composés pour l’occasion. Sans juger de la pertinence ou de l’intérêt du concept développé, ce titre nous cueille à froid et nous surprend de son gospel un peu décalé, entre hymne à reprendre en stade et confession un peu louche après la messe du coin. Mais dès « Full Circle Jam (Chump Change) », Sammy revient dans le giron d’un Boogie de tradition, un peu VH dans le fond, mais surtout symptomatique de ses propres inclinaisons de diable rouge qui sort de sa boite.
Produit en trio par Jaimeson Durr, Sammy Hagar et Vic Johnson, Space Between est un genre de plaisir coupable, de break entre deux longues traversées mondiales, comme en témoigne « Can’t Hang », lorsqu’on appelle sa famille et que vient le moment redoutable de raccrocher. C’est plus qu’un caprice, une reprise de contact avec la création, chose qui n’est jamais facile quand on passe sa vie sur scène et qu’on atteint un âge plus que respectable. Alors, on module, des ballades touchantes aux chœurs discrets (« Wide Open Space »), des Rock bouillants qui agitent le palpitant (« Bottom Line »), des choses plus ambitieuses qui pourraient même se faire une place dans la setlist de classiques (« Trust Fund Baby », un peu CHICKENFOOT, un peu ZEP, mais totalement HAGAR), et un final aux cordes fédératrices et truffé de ces onomatopées que le flamboyant chanteur aime tant pour regrouper (« Hey Hey (Without Greed) »). Mais je suis sûr que le pote Sammy vous raconterait ça mieux que moi, à la terrasse d’un de ses bars, une téquila à la main, l’air serein. Tiens, serein, ça colle bien avec l’ambiance ça. Après tout, les plaisirs mineurs ne sont pas les moins agréables…
Titres de l’album :
1. Devil Came To Philly
2. Full Circle Jam (Chump Change)
3. Can’t Hang
4. Wide Open Space
5. Free Man
6. Bottom Line
7. No Worries
8. Trust Fund Baby
9. Affirmation
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49