On ne va pas se la jouer, dès qu’un groupe se pointe avec des trémas sur son nom, ça sent bon. Je ne retiendrai que deux exemples aussi pertinents que contraires, MÖTLEY CRÜE et MOTÖRHEAD. Avec deux légendes pareilles, j’aurais pu m’arrêter là, mais je rajouterai quand même MORSÜRE pour la peine, ce qui ne manquera pas de faire hurler les fans des deux groupes précités (uniquement parce que le tréma est sur le U bien sûr, pas pour des raisons musicales). Est-ce à dire que le groupe qui nous concerne aujourd’hui est un mélange des bandes à Lemmy et Nikki Sixx ? Pas vraiment, même si en fouillant bien, les SÖLICITÖR ont quand même dû écouter « Ace of Spades » et « Overkill » plus d’une fois dans leur vie (je suis moins sûr qu’ils soient fans de « Home Sweet Home » ou « Dr Feelgood » à l’inverse). Mais qui sont donc ces nouveaux preux chevaliers de la table Metal débarquant de presque nulle part avec un longue-durée sous les bras ? Des Etats-Unis, de Seattle plus précisément, la ville de QUEENSRYCHE, de HEIR APPARENT, de SANCTUARY et tant d’autres qu’il devient inutile de tous les nommer. Formé dans l’état de Washington après la séparation de deux autres groupes, SUBSTRATUM et HEXENGEIST, SÖLICITÖR est donc la nouvelle force vive de la nostalgie, et bien que sa carrière soit encore bien jeune, les musiciens ont du métier, et n’en sont pas à leur coup d’essai. Après avoir publié coup sur coup en 2019 et une démo et un EP sans nom, ces américains un peu fous de l’accélérateur en ont profité pour soigner leur entrée en se faufilant chez les esthètes de Gates of Hell Records, bien connus pour abriter en leur sein des valeurs très sures de la vague old-school. Un simple coup d’œil aux pochettes ornant leurs productions maison suffit à s’en convaincre, et c’est déjà fort d’une écurie remplie de poulains comme BLACK CYCLONE, CHEVALIER, IRON GRIFFIN, TERRIFIANT, TYFON’S DOOM et VULTURES VENGEANCE (pour ne citer que les plus parlants) que le label nous propose en 2020 cet impeccable Spectral Devastation, qui n’est pas sans rappeler un maximum de références des années 80.
Pourtant, l’enregistrement de ce premier long ne fut pas de tout repos. Pressés par des exigences de tournée, et devant même quitter le studio, le quintet (Matthew Vogan et Patrick Fry - guitares, Damon Cleary-Erickson - basse, Johann Waymire - batterie et Amy Lee Carlson - chant) a donc tout donné pour que les choses soient bien faites et vite, et lorsqu’on parle de vitesse, on peut compter sur eux. Se sevrant des sonorités les plus underground de la vague Heavy/Speed US des eighties, le groupe aux deux trémas en profite donc pour proposer une copie méchamment variée qui aborde tous les sous-genres, du Heavy mélodique au Thrash le plus teigneux, en passant par le vilain Speed légèrement blackisé. C’est ainsi que malgré une étiquette facile qu’on est tenté de leur coller dès l’ouverture tonitruante de « Blood Revelations », les taxant d’opportunistes recycleurs de VENOM, MERCYFUL FATE, TANK, SAVAGE GRACE et consorts, on ressort de l’écoute de cet album assez agréablement surpris de la versatilité des sagouins, très compétents lorsqu’il s’agit de mettre en scène tout le décorum en vogue il y a plus de trente ans. Nous avons donc droit à a peu près tout ce qui faisait le charme rebelle du Heavy Metal de l’époque, l’ambiance gentiment sombre, les riffs francs, massifs ou saccadés, les arrangements maison en sifflantes et harmoniques diaboliques, et bien évidemment les lignes de chant graves et incantatoires, partant soudainement dans les aigus comme un KING DIAMOND ayant oublié son crucifix à la maison. Mais les mecs font bonne pioche, et pour cause : ils ne sont pas des manches et ont tendance à bien le manier. Vous excuserez ce calembour facile, mais face à un tel déferlement d’énergie, on en perd son latin et son bréviaire, ainsi que quelques pellicules au passage.
« Betrayer » appuie encore sur le champignon, mais le fait intelligemment avec quelques nuances, rappelant l’école de Seattle et le lyrisme dans la violence (mesurée) de HEIR APPARENT, mais aussi l’option progressive et mystique des MANILLA ROAD, passée au papier de verre d’un Metal sans compromis à la CHASTAIN, ou d’un rabot à acier de type EXCITER, brevet déposé au Canada. Partant de là, la conclusion d’un Heavy Speed franc du collier s’impose, mais cette constatation serait incroyablement peu pertinente. Car SÖLICITÖR sait à peu près tout jouer, et très bien, ce que le groupe prouve sur l’épique « The Red Queen », qui entérine encore plus les comparaisons précédentes à HEIR APPARENT et MANILLA ROAD. On trouve aussi quelques traces de MERCYFUL FATE, des prémices de la vague Speed US et les fameuses compilations Metal Massacre, mais en substance, les qualités dont fait preuve le combo ressemblent à toutes celles étalées par les précurseurs de l’époque. Et bien qu’enregistré un peu dans l’urgence, Spectral Devastation bénéficie d’un son tout à fait adapté à sa démarche, avec des médiums très présents, des guitares qui ne cherchent pas à bomber les cordes mais bien à les tendre au maximum, une basse gentiment ronflante, et un chant à l’écho délicieux. « Leathür Streets », et son intitulé à la CRÜE cache en fait le genre de Heavy trépidant qu’on aimait tant entre 83 et 84, avec ce riff redondant et sec au possible, cette basse gironde et ce chant sans retenue, tandis que « Night Vision » ose la délicatesse d’une intro mélodique et d’une progression à la METAL CHURCH rustique, pour mieux nous fracasser ensuite d’un cocktail survitaminé de Heavy, Speed et Thrash, accélérations comprises et crises de démence qui frisent. Niveau technique, c’est du solide, les breaks sont carrés, les soli enflammés, et le tour de chauffe se transforme vite en tour de force, renforçant la crédibilité d’un groupe qui pourrait sortir des cryptes de Metal Blade ou Neat Records.
Pas question de s’ennuyer donc, mais largement de quoi headbanguer et ressortir ses bracelets cloutés. Entre les broncas Speed à laisser les chevaux sauvages haletant (« Spectres of War »), et les manifestes Thrash mélodiques assumés et maîtrisés (« Grip of The Fist »), tout à garder, rien à jeter, et bonjour la nostalgie bien appliquée. Et sans savoir si ses trémas lui permettront de connaître le destin de MÖTLEY CRÜE ou MOTÖRHEAD, SÖLICITÖR trace sa route, se retournant juste de temps en temps pour chercher l’inspiration dans le passé et regarder ses suiveurs se faire distancier.
Titres de l’album :
01. Blood Revelations
02. Betrayer
03. The Red Queen
04. Leathür Streets
05. Night Vision
06. Terminal Force
07. Spectres of War
08. Grip of The Fist
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