Il y a quatre ans et demi, j’étais assis, un dimanche matin, à parler du troisième album des suédois de WARFECT. Aujourd’hui, quatre ans et demi plus tard, nous sommes encore un dimanche matin, et je me prépare à vous entretenir du quatrième album des suédois de WARFECT. La morale de cette introduction ? Que les suédois sont un groupe de Thrash du dimanche ? Surement pas, puisqu’il n’y a pas de morale à cette introduction, juste une coïncidence amusante qu’il m’a semblé intéressante à souligner, puisque les WARFECT représentent aujourd’hui l’une des forces les plus vives de la scène old-school Thrash scandinave. En 2016, lorsque le phénoménal Scavengers avait ruiné mes esgourdes, j’avais gratifié le trio d’un joli 9/10, pour souligner le caractère indispensable de leur troisième réalisation qui rivalisait alors avec les plus grands classiques du cru. Et aujourd’hui, 15 novembre 2020, je m’apprête à faire la même chose avec Spectre of Devastation et ce, pour une raison bien simple. Malgré la longue attente suscitée par quatre ans d’absence, ce quatrième effort de la bande d’Uddevalla renouvèle les vœux de fidélité prononcés à l’occasion de Scavengers, et nous entraîne une fois de plus dans une magnifique lune de miel de violence, de précision et de savoir-faire extrême. Le groupe a pris son temps pour préparer ce grand soir, j’en conviens, mais rien n’a été laissé au hasard. De la composition à la production, en passant par le mixage et l’artwork, ce nouveau témoignage des scandinaves se place une fois encore en tête de liste des sorties vintage de l’année, et malgré son arrivée tardive, pourrait symboliser le pic de créativité nostalgique d’une vague qui nous engloutit de sa passion.
Toujours mené par le même line-up des deux derniers LPs, avec les deux membres originaux que sont Kris Wallstrom (basse/chant) et Fredrik Wester (guitare/chant), accompagnés par Manne Flood (batterie), présent depuis 2013, WARFECT a confié son talent aux meilleurs, s’offrant une pochette signée par la plume d’Andreas Marschall, une production de Fredrik Wester lui-même, mais surtout, un splendide mixage peaufiné par la référence absolue Flemming Rasmussen, qui confère à ce Spectre of Devastation un polissage extraordinaire sans nuire à sa férocité. Hébergés par l’écurie référentielle Napalm Records, les suédois ont donc mis tous les atouts de leur côté pour soigner leur comeback, et autant dire que la boucherie clinique de ce nouvel album n’a rien à envier à la sauvagerie du classique Scavengers qui avait déterré quelques cadavres pour les planquer dans nos placards. En quatre ans, le combo n’a rien changé à sa formule gagnante, qui repose toujours sur le même principe : utiliser les codes de la Bay-Area et de la Ruhr pour les transposer dans un vocabulaire typiquement suédois, fait de fluidité et d’une précision à couper au cordeau. Et dès l’entame franche et massive de « Pestilence » (le premier single de l’album, illustré d’un beau clip de Mikael Martinsson), tout est dit, et aussi bien qu’avant. Si le morceau en lui-même ne dénote absolument pas dans le répertoire du trio, il marque un regain d’énergie, et souligne surtout de son intro mitraillée à la caisse claire une envie de remettre les choses au point et d’affirmer à nouveau un leadership incontestable.
On reconnaît immédiatement la patte de WARFECT. Les riffs incroyablement fluides et précis de Fredrik Wester, sa voix d’écorché vif à la AT THE GATES, son phrasé impeccable et sa hargne de gorge, mais aussi le coulé grave de la basse de Kris Wallstrom, qui accompagne à merveille les prouesses au kit de l’infatigable Manne Flood. Toujours totalement obsédés par les tempi les plus speed, les suédois n’ont pas l’intention de ralentir la cadence, et nous offrent le meilleur de la brutalité allemande lubrifiée d’une souplesse typiquement américaine, le tout interprété à la suédoise. Ce morceau d’entame, classique au possible, nous rassure donc quant à la santé musicale du groupe, et se rapproche même des dernières réussites de KREATOR avec sa mélodie centrale salement bien amenée. « Rat King » confirme que les BPM ne seront pas utilisés avec parcimonie, et que Manne est bien cette centrale nucléaire qui forme le poumon central du groupe, permettant à ses deux acolytes de faire ce qu’ils veulent de leurs riffs et croches. Et cette façon de transposer l’art des années 80 dans un contexte plus froid des années 90/2000 est vraiment la trademark de ce groupe qui refuse de brader son talent pour sortir un LP par an. Avec une courte salve de blasts pour nous en mettre plein le thorax, quelques dissonances venant troubler le bon équilibre des motifs, et surtout, cette harangue permanente de la langue de Fredrik, Spectre of Devastation continue de creuser la tombe réservée aux copieurs et simples suiveurs, et confirme que les trois suédois sont vraiment les rois en leur pays.
Sans vraiment chercher à changer leur formule, mais en la perfectionnant à chaque étape, abordée avec prudence et intelligence, WARFECT prouve qu’il a quelque chose de plus que la horde nostalgique, et qu’il peut facilement se ranger aux côtés des légendes de MUNICIPAL WASTE, POWER TRIP et autres TOXIC HOLOCAUST. Leaders de cette scène revival, les trois scandinaves jouent constamment avec la frontière du Death, pour proposer des titres qui élargissent la dynamique sans la briser, et avec une tuerie de la trempe de « Left to Rot » et son mid tempo martelé comme à la parade, la variété est encore au rendez-vous, et il nous est impossible de ne pas penser à une union sacrée entre KREATOR et EXODUS. Avec toujours en exergue de petits gimmicks qui les rendent irrésistibles, les trois musiciens passent en revue le haut du panier du Thrash 2K, nous bombardent régulièrement d’informations, et nous proposent donc quelques variations sur le même thème, taquinant les OVERKILL sur leur propre terrain (« Hail Caesar », l’un des inserts les plus chauds et catchy de l’album), pour mieux défier les mythiques INCUBUS en duel de bestialité maîtrisée dans les moindres détails (« Into the Fray », aux accélérations effrayantes).
D’aucuns me diront que le tout sonne classique, et que ce concert de louanges n’est que le résultat d’une subjectivité qui n’a pas lieu d’être. Je répondrai au contraire qu’en tant que fan absolu du genre, je n’excuse jamais les fautes de goût ou les copies un peu trop conformes. Certes, le groupe marque quelquefois le pas, ajoutant quelques blasts pour densifier un classicisme moyen (« Colossal Terror »), mais Kris, Fredrik et Manne ont toujours un tour dans leur sac pour maintenir la tension, et « Witch Burner » de nous rappeler de sa vitesse pourquoi WARFECT est un cas d’école supérieure. On sent évidemment que le groupe se professionnalise avec les années, et qu’il commence à perdre son poil de chien fou, mais les tendances hargneuses dont toujours là, et les morceaux mordent encore salement les mollets. J’espère simplement que l’avenir me réservera encore d’autres dimanche matins aussi plaisants, et que les WARFECT n’attendront pas 2024 pour m’emporter à nouveau dans leur tourbillon.
Titres de l’album:
01. Spectre of Devastation
02. Pestilence
03. Rat King
04. Left to Rot
05. Hail Caesar
06. Into the Fray
07. Colossal Terror
08. Witch Burner
09. Dawn of the Red
Excellente chronique !
Il devient rare de nos jours de tomber sur des pepites du genre.
Un album explosif !!
Une bonne continuité depuis Expneration Denied.
Pas mieux, c'est vrai que ce premier album défonçait ce qui se faisait dans le genre à sa sortie. L'aspect plus moderne de Scavengers n'a pas nui à la qualité de la formation. Bref, très bon groupe, à l'énergie live communicatrice.
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