Ça n’est pas parce qu’on joue une forme de musique extrême qu’on est obligé de voir le monde sous ses aspects les plus rebutants. Après tout, on peut aussi trouver la vie amusante, multiplier les calembours, prôner une certaine forme de détachement, sans se compromettre artistiquement. Souvenez-vous, thrasheurs, les ANTHRAX, malgré des lyrics souvent engagés n’étaient pas les derniers à foutre le bordel. Les ACID REIGN, aussi impliqués, mettaient en avant une affection particulière pour les blagues à deux sous, tout en proposant un Mosh-Thrash assez convaincant. Et sans oublier bien évidemment tous ces gangs de pastiches, sans postiches, les GWAR, NANOWAR, qui tout en instaurant un climat prêtant à sourire nous offraient des albums solides musicalement, pour peu que l’auditeur ne soit pas à cheval sur quelques redondances. Les irlandais de GAMA BOMB ont visiblement bien compris la leçon, eux qui l’appliquent depuis dix-sept ans, et qui la récitent avec une application dans la folie sans failles depuis la sortie de leur premier long en 2002, Survival of the Fastest. Back in time, leur philosophie extrême semblait encore assez naïve et hautement perfectible, mais d’effort en effort, et de LP en LP, ils sont parvenus à atteindre une sorte de plénitude dans la dérision, ce que leur sixième longue-durée vient prouver en ce mois d’octobre qui prolonge un peu l’été. Ainsi, après Citizen Brain en 2008, Tales from the Grave in Space en 2009, The Terror Tapes en 2013, et Untouchable Glory en 2015, les originaires de Newry, Irlande du Nord nous en reviennent encore avec des blagounettes plein la musette, elle-même débordant de morceaux Thrash tout sauf condescendants.
J’avais déjà abordé leur cas il y a trois ans lors de la sortie d’Untouchable Glory, que j’avais loué pour ses qualités radicales mais ludiques, et je vais donc récidiver aujourd’hui puisque Speed Between the Lines perpétue encore cette tradition d’un Thrash tongue in cheek, qui ne crache pas sur quelques références absurdes pour mieux nous convaincre de son bien-fondé furieux. J’avais évoqué à l’époque quelques références notables, dont les immanquables TOXIC HOLOCAUST, les inévitables MUNICIPAL WASTE, mais aussi des clins d’œil plus anciens, adressés aux AT WAR, ACROPHET, BULLDOZER, et finalement, je n’ai pas vraiment changé d’optique en trois ans, puisqu’eux non plus, ce qui finit par devenir une véritable marque de fabrique. GAMA BOMB est en effet l’archétype du groupe qui propose les mêmes idées de disque en disque, les peaufinant avec le temps, et les accommodant d’un humour parfois gras, parfois assez droit, dans ses baskets bien sûr, et qui souhaite donner à son public matière à la gaudriole et jouissance de mosh-parts un peu folles. Encore une fois, pas question de s’éterniser, puisque leur dernier effort est encore plus court que le précédent, avec toutefois une doublette de morceaux en plus. Plus de chansons pour un timing plus resserré, on s’approche des standards Hardcore et Thrashcore, mais si l’emprunte street fury est toujours palpable dans les chœurs des morceaux et dans ces refrains rigolos, le reste est du pur Thrash old-school qui assume son appartenance au nouveau siècle, tout en acceptant le fait que tout a déjà été dit précédemment, et qu’il ne sert à rien de chercher à faire le malin en croyant proposer quelque chose d’inédit.
Evidemment, la tâche du chroniqueur n’en est que plus difficile au moment de coucher sur clavier des pensées suggérées par des morceaux qu’on connaît déjà avant de les avoir écoutés. Car bien évidemment, Speed Between the Lines ne change en rien la donne établie par les albums précédents, et reprend les choses là où Untouchable Glory les avait laissées, travaillant un peu plus la partition pour gagner en précision, au point que les irlandais sonnent maintenant comme l’archétype du fun Thrash band que rien ne semble pouvoir arrêter. Et tout est fait pour vous immerger dans un monde de galéjades et de références de malades, de coups de pied dans les couilles aux doigts d’honneur à l’extrême droite, en passant par l’hommage appuyé à la virilité de Kurt Russell. Ici, on fout le bordel, mais dans la bonne humeur, et on entame d’ailleurs son travail par une ironie qui défouraille, avec ce « Give Me Leather » aux cris de belette et au refrain qui fouette. Philly Byrne (chant), Domo Dixon & John Roche (guitares), Joe McGuigan (basse/choeurs) et Paul Caffrey (batterie) jouent leur barouf comme si leur crédibilité fun en dépendait, et refusent le sérieux steel & leather du Metal pour se concentrer sur des choses plus essentielles, mais ne manquent pas de brocarder le barnum d’acier qui les entoure, via une invitation/intro de première bourre. Ainsi, « Give Me Leather » pourrait passer pour un inédit d’HAMMERFALL/JUDAS PRIEST passé à la moulinette Thrash, avec ses soudaines envolées suraiguës et son crescendo tendu, lâchant à l’occasion un refrain dantesque sur lequel Philly Byrne se prend pour Rob Halford les deux noisettes coincées dans la porte.
« Alt-Reich » s’en prend joyeusement à la montée des extrêmes, et valide une fois pour toutes les rapprochements entre nos irlandais préférés et la scène Hardcore US, pour une attaque lapidaire d’à peine deux minutes qui laisse sur le cul. D’ailleurs, aucun titre sur cet album ne se permet les trois minutes passées et c’est sans doute ça qui le rend si irrésistible. Alors, que le groupe se prenne pour un pur combo de Power Metal nippon et nous arrache les tympans avec du giron baroque et béton (« Stay Rotten », sorte de pamphlet D.R.I revu et corrigé par la scène proto-Power japonaise), ou qu’ils brocardent gentiment le héros de Backdraft et Tango & Cash (« Kurt Russell » et son refrain absolument irrésistible…« You’ll be Tango (Kurt Russell), I’ll be Cash (Kurt Russell), drinking cider (Kurt Russell), smoking hash (Kurt Russell!) », soit le refrain de l’année haut la main, poil de lapin), tout en assumant parfaitement une destinée peu enviable («World Gone To Hell »), le tout est fait avec une telle envie et une exubérance de folie qu’on se laisse entraîner dans cette sarabande de l’urgence, qui prouve une fois de plus que les GAMA BOMB sont de vrais petits malins en plus d’être d’excellents musiciens. Car le tout est soigné, les parties rythmiques sauvagement emballées, les soli bien torchés, et les parties de chant peaufinées. Alors peu importe que la conscience sociale collective en soit pour ses frais, puisqu’on n’est pas ici pour changer le monde, juste le rendre plus amusant. Et à ce petit jeu du calembour qui tue et du refrain qui mue, les irlandais raflent encore la mise, sans changer de chemise, et en distillant les mêmes idées que les années passées. Se distraire en linéaire, c’est une possibilité. Et puis une très bonne blague, même répétée, fait toujours sourire une fois la nuit tombée et quelques verres avalés.
Titres de l'album :
01. Give Me Leather
02. A Hanging
03. 666teen
04. Bring Out The Monster
05. R.I.P. U
06. Motorgeist
07. Alt-Reich
08. Stay Rotten
09. We R Going 2 Eat U
10. Kurt Russell
11. World Gone To Hell
12. Faceblaster
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30