Encore une fois, je m’adresse à vous, maniaques de la nostalgie, accros aux bracelets cloutés et autres artifices de quincaillerie, et je vous propose une visite guidée d’une nouvelle échoppe ouverte à Gdańsk en Pologne, sérieuse enseigne dans laquelle votre panier sera toujours bien fourni. Ce petit magasin vous propose des soldes sur les cartouchières, des braderies sur les patches d’époque, et une gigantesque promo sur les clous allemands, de ceux qui ornaient ces morceaux de simili-cuir que vous arboriez avec fierté et virilité dans les années 80…et même aujourd’hui d’ailleurs.
Les SPEEDRAISER font honneur à leur nom, ou presque. Avec un baptême pareil, le chaland perdu aurait pu s‘attendre à un déferlement de violence non-stop, de ces agressions commises au hasard d’une page Internet louche, de ces échanges avec un dealer peu regardant sur la qualité. Trio aux tronches sympathiques et grimaçantes, look tout droit sorti des pages « Et pourtant ils tournent ! » d’Enfer magazine, pack de bière bien en évidence, tout ça sentait l’arnaque TANKARD à plein nez, et l’outrance paillarde de fin de banquet. Mais ne vous y trompez pas, ces trois marsouins à la dégaine d’éternels adolescents sont plus qu’une simple réunion des thrashaholics anonymes, et ce premier EP éponyme contient son lot de surprises.
Basé sur un principe de pensée rétrograde classique en cette époque, le concept SPEEDRAISER est simple : jouer avec la frontière séparant le Speed du Heavy, et celle protégeant le Speed du Thrash. En prenant pour inspiration les premiers cadors de la violence européenne de la première moitié des années 80, les trois polonais nous proposent une sorte de démarquage sur les théories brutales des allemands de DESTRUCTION, sans pour autant pomper le dard de Schmier et sa bande. Mais inutile de nier que ce Speed mordant accélérant parfois la cadence doit beaucoup à des albums comme Eternal Devastation ou Infernal Overkill, tout en proposant une version plus modérée.
Anecdote plaisante, Speedraiser replante le décor de l’envol de la bestialité Thrash/Speed, et oppose un certain sens du fun à une souplesse véloce qui n’est pas sans rappeler la seconde division d’il y a quarante ans. On peut même humer quelques effluves MOTORHEAD et TANK en écartant bien les naseaux, et le tout à des allures de mise en bouche donnant clairement envie d’en entendre plus. En alternant le tempo, en cassant la dynamique pile quand il le faut, le trio (Dominik - basse, Marcin "Lazarus" Łarzewski - guitare/batterie, et Michal - chant/guitare) propose donc quatre hymnes au vintage, dans une friperie très honnête qui ne monte pas les prix en tablant sur l’effet de mode.
Il reste encore des progrès à faire, une mise en place à caler, de l’inspiration à recentrer, mais en l’état, Speedraiser est un petit concentré de rage à diluer dans des attentes raisonnables. Pas encore sûrs de la direction à emprunter, les polonais jouent donc la diversité, entament leur parcours de façon Rock n’Roll pour ne pas choquer les néophytes (« Midnight Streets »), mais se montrent très à l’aise dans l’art du riff qui tue. On pourra déplorer l’utilisation de mélodies un peu trop évidentes et mièvres, d’un chant manquant encore d’épaisseur, mais l’enthousiasme, une certaine forme de folie raisonnable, et l’énergie sont là, sans oublier un certain panache dans la construction évolutive (« Black Witch », classique, mais efficace), ce qui permet à ce premier EP de se hisser au rang des découvertes sympathiques.
D’autant que le groupe nous offre une sortie de route tout à fait délicieuse, avec « Uncatchable », introduit par des samples, et qui joue les percussions tribales avant de courir comme un dératé dans le giron de DESTRUCTION et AT WAR. Pas encore du premier choix, mais une quincaillerie sympathique, tenue par trois branleurs suscitant l’affection, mais qui commencent dans le métier avec des ambitions, modestes certes, mais tangibles.
Titres de l’album:
01. Midnight Streets
02. High Hills
03. Black Witch
04. Uncatchable
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