Une araignée sur le monde ? Spiderman ? Une veuve noire ? Donald Trump ? La menace semble fantaisiste, et pourtant, je prends au sérieux l’avertissement des américains de RAVAGE, puisque depuis les mid nineties, ce groupe de Boston nous a déjà sauvés du marasme False Metal. Est-ce à dire que ces furieux se considèrent comme les héritiers logiques de nos mascottes Heavy les plus primées ? C’est tout à fait possible, puisque leur laïus de présentation mentionne des noms aussi fameux que SAXON, IRON MAIDEN, MANILLA ROAD, DIO, MOTORHEAD ou ACCEPT.
Ceci étant dit, il est assez logique pour un groupe Heavy pur jus de se réclamer des têtes d’affiches présentes depuis les seventies et eighties. D’autant que la musique de RAVAGE n’a pas vraiment à rougir de la comparaison, même si le quintet ne compte dans sa discographie que deux albums originaux…Jusqu’à présent.
Et c’est justement la fête en ce mois d’avril, puisque Spider on the World est le premier longue-durée de matière originale depuis The End of Tomorrow en 2009. Quinze ans d’attente pour avoir un nouveau répertoire, frais et dispo, puisque Return of the Spectral Rider n’était qu’une relecture d’un premier album lâché en 2005. C’est donc un vrai plaisir de retrouver ces ardents défenseurs de la cause Heavy/Power/Speed/Thrash, le vent dans le dos, et le cheveu épars, mais fermement planté.
Toujours piloté par les frangins Eli Joe (guitare) et Alec Firicano (chant), RAVAGE reste donc une histoire de famille. Une famille plutôt stable depuis quelques années, puisque les éléments extérieurs Nick Izzo (guitare) et Tommy Grimaldi (basse) conservent leur place à table, et accueillent le petit nouveau Toni Belchior à la batterie (depuis cinq ans quand même). Le line-up est solide, l’envie perdure, et le résultat est évidemment sans surprise. De la passion, de l’investissement, une connaissance encyclopédique du Metal des années 80/90, et une rage qui écume des lèvres en litres.
Si la majorité du propos met en avant un duo de guitares terriblement efficaces, une section rythmique implacable, et un chanteur au timbre cousin de Bruce et Rob, quelques nuances viennent se glisser dans le discours. Des nuances de taille, à l’image de la power-ballad tournant en folle sarabande Heavy Metal « Without a Trace », qui sur son entame suggère un parrainage du DEEP PURPLE le plus sensible, avant de se rapprocher d’un axe METAL CHURCH/TESTAMENT, les rois de la mélodie puissante.
De la variation donc, des idées porteuses, et des arrangements judicieux. Enregistré et produit par le groupe en compagnie de Peter Rutcho aux Hellbent for Acoustics studios, flanqué d’un superbe artwork d’Andreas Marschall, Spider on the World est une reprise de contact ferme et tonitruante. Le quintet n’a pas hésité à mettre le paquet pour retrouver sa fanbase, qui va immédiatement élire ce troisième album officiel comme meilleur de sa catégorie.
Bien que les deux premiers disques originaux de RAVAGE soient tout à fait respectables, aucun n’atteint vraiment l’intensité de ce troisième né. Entre MAIDEN, JUDAS, HELLOWEEN et la première vague de HM américain, les bostoniens louvoient, finassent, marivaudent, pour finalement frapper en plein cœur de rockeur. On se prend de passion pour cette foi de saison, qui fait palpiter notre thorax comme un coup de foudre inopiné.
En combinant la fougue du catalogue Noise de la prime jeunesse et l’efficacité mélodique rude de groupes comme METAL CHURCH ou LEATHERWOLF, Spider on the World se profile comme un gigantesque arachnide qui piétine la scène old-school de sa superbe et de son venin fatal. En mettant à profit le lyrisme de DIO, les velléités progressives et mystiques de MANILLA ROAD, et l’agressivité de la Californie, RAVAGE en fait beaucoup, mais parvient à éviter de se faire coller une étiquette de bourrin pas très malin. Grâce à des interventions plus Steve qu’Harris sur « Corruption of Blood », le quintet paie son tribut aux héros anglais, tout en y ajoutant un petit grain de sel US sur les soli brillants.
Sonnant aussi américain qu’européen, ce troisième album de la maturité met en place des idées classiques, qu’il sublime d’une interprétation au biseau. Avec l’apport d’une basse brillante et claquante, et de la frappe d’un batteur aussi solide qu’un forgeron en plein effort, les morceaux font montre d’un panache indéniable, et d’une noblesse incontestable. Et si « Manmade Ice Age » et « The Call to Order » entament les pourparlers avec emphase et fermeté, la suite des évènements prouve que les bostoniens sont aussi capables de diplomatie.
Aussi énergique que sensible, aussi furieux que perméable à la NWOBHM (« Spider on the World », au boogie symptomatique du MAIDEN de l’âge d’or), Spider on the World a une allure menaçante, mais un pelage doux comme la soie.
Imperfectible et ambitieux, magique et délicieux, Spider on the World ne perd jamais le fil rouge et suit sa trajectoire avec application. Ce qui permet un triptyque final d’envergure, et un détour par la case Hard’n’Heavy sans donner l’impression de trahir (« From the Mouth of Pain »).
Rétrograde mais moderne dans le traitement, souple dans les options, ce nouveau chapitre annonce une tournée qui va mettre les foules à genoux. On se croirait déjà dans le pit en train de brailler ces refrains d’airain, le poing levé, serré et la mine renfrognée. Bel exercice de style que ce Spider on the World, qui arrivé à son terme nous donne encore une leçon de Power Metal chaud comme la braise, entre BLIND GUARDIAN et RHAPSODY.
Lorsque votre RAVAGE se rapporte à votre plumage, vous êtes définitivement le phœnix qui renait de ces cendres encore chaudes.
Titres de l’album:
01. Manmade Ice Age
02. The Call to Order
03. Sign of the Spider
04. Ravage in Peace
05. Without a Trace
06. Amazon Burning
07. Corruption of Blood
08. Spider on the World
09. From the Mouth of Pain
10. Face of Infamy
Merci pour la redécouverte Ravage in peace c est trop bon
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