1er avril, jour des blagues, des poissons grossièrement découpés et accrochés dans le dos, l’agrafeuse dans la confiture, les nouvelles cocasses et autres calembours joyeux…Désolé de déroger à la tradition, mais cette chronique sera des plus sérieuses, n’étant pas porté sur les galéjades. Et puis après tout, les TERRAVORE méritent de voir leur troisième album traité avec sérieux et respect, puisqu’il incarne la tête de gondole de la vague old-school actuelle, celle qui ne se remet pas de son traumatisme 80’s en prenant des antalgiques 90’s.
TERRAVORE, qu’est-ce que c’est ? Si vous ne le savez pas déjà malgré deux albums bien pesés, c’est un quatuor de Varna en Bulgarie, actif depuis 2015, qui agite l’underground de ses soubresauts Thrash/Death. Un groupe solide, au propos crédible, qui depuis presque dix ans recycle les idées d’il y a quelques décennies en essayant d’y apporter une touche personnelle. Et pour mieux enfoncer le clou, les bulgares ont alourdi leur marteau, puisque Spiral Of Downfall dure bien dix minutes de plus que ses aînés, avec en exergue quelques titres progressifs gouleyants.
Kalin Bachvarov (basse/chant), Trendafil Trendafilov (batterie), Ivan Lazarov (guitare/chœurs) et Boiko Nikolaev (guitare) ont donc mis le pied à l’étrier pour s’offrir une course folle dans les couloirs de l’actualité. Enregistré au Playground studio de Varna par Atanas Machev et le groupe, mixé, masterisé et produit par Georgi Zhelyazkov, et coproduit par Ivan Lazarov, Spiral Of Downfall célèbre ce fameux Crossover entre Thrash et Death, en accentuant l’inspiration avouée sur le Bandcamp du groupe. Sont ainsi cités les incontournables DEMOLITION HAMMER, KREATOR, DEATH, SODOM, et SEPULTURA, balisant un terrain couvert assez vaste, sinuant entre violence froide et bestialité crue, avec quelques petits accès mélodiques très bien placés.
De la vitesse donc, beaucoup d’énergie, et une hargne qui se manifeste parfois par quelques blasts épars, mais toujours efficaces. Parfois à la lisière d’un Blackened Thrash vorace et diabolique, TERRAVORE ose donc plusieurs options, et valide chacune d’entre elles de son talent et de son allant. On glisse sur le toboggan de la nostalgie, comme des gamins revivant leur enfance, avec cette lucidité d’adultes qui savent très bien que les bonbons d’autrefois n’ont plus forcément le même goût une fois la cinquantaine passé.
Mais dès l’explosion dantesque de « Spiral of Downfall », le doute n’est déjà plus permis : TERRAVORE a soigné son grand œuvre pour en faire un magnum opus dont tout le monde les savait capables.
Son puissant, concentré mais large en cinémascope, pour une nouvelle aventure Gore entre le slasher américain et le malsain italien. Avec deux guitares bavardes, des soli compétitifs, et une véritable intelligence d’agencement, les bulgares nous rentrent dedans avec une force incroyable, tout en ménageant un effet de surprise. Ainsi, « Black Tantra » démontre que le groupe n’est pas qu’un taureau qui voit rouge en permanence, et qu’il est largement capable d‘imposer une ambiance sourde, glauque et susciter la paranoïa.
Mais lorsque le temps est venu de mettre un bon coup de collier, les musiciens répondent présent. On se remémore les sensations éprouvées durant la grande époque du Thrash allemand le plus gourmand, mais aussi les tressaillements suscités par la vague américaine Thrash/Death, SADUS, INCUBUS, pour un « Propagandacide » susceptible d’unir légalement la férocité d’un ASSASSIN et la viabilité d’un SLAYER.
Ambitieux, ce troisième album fait honneur à son rang. Les variations sont multiples, et la facilité old-school ne prend jamais le pas sur la créativité plus contemporaine. En parvenant à glisser quelques harmonies amères dans un contexte purement brutal, les bulgares nous soignent aux petits oignons, lâchant même quelques riffs d’une redondance extrême (« P.O.L », du MORTAL SIN dans le texte et les marges).
Presque Progressif, et en tout cas évolutif, Spiral Of Downfall fait honneur à sa superbe pochette imaginée par Anton Atanasov, en distillant ses attaques très finement pour nous éviter la poussée permanente qui pourrait se montrer trop roborative dans ces circonstances. Très à l’aise en up tempo écumant de rage (« Sleeping Caldera », un modèle d’efficacité, et une vraie démonstration de la part de Trendafil Trendafilov, légitime héritier d’Igorr Cavalera et Tom Hunting), complètement dans son élément lorsque les BPM chauffent, TERRAVORE est un détergent plus qu’efficace, qui débouche les tuyaux sans les faire fondre. De la plomberie haut de gamme, qui nettoie les tympans plus efficacement qu’un coton-tige DESTRUCTION, et qui laisse une impression de perfection dans l’agression.
Avec en sus quelques effets de vibrato, de feedback, des chœurs qui occupent l’espace, et une section basse/batterie à l’abattage conséquent, Spiral Of Downfall peut prétendre se hisser au-dessus du panier des sorties rétro-Thrash actuelles, sans faire partie de cette famille consanguine qui se reproduit entre elle. On appréciera aussi les quelques poignées de main aux cousins suédois, lorsque le spectre d’AT THE GATES pointe le bout de ses harmonies, mais on se concentrera surtout sur cet équilibre très stable entre sophistication US et franchise allemande, en dégustant des tranche de vie à la EXODUS (« Shattered »).
MORBID SAINT en plus poli, la vague sud-américaine en moins sauvage, la Californie plus sournoise et méchante, les points de repère sont nombreux, et « Nostromo » de nous expulser vers l’espace, là où personne ne vous entend crier.
Sans savoir si les aliens vont nous envahir, on peut déjà affirmer que le comité d’accueil est prêt. Les TERRAVORE n’ont pas l’intention de se rendre sans se défendre, et thrashent comme l’avenir de la planète en dépendait. Un troisième chapitre conséquent et important, pour une carrière qui prend un nouveau tournant.
Pour les blagues, nous verrons une autre fois.
Titres de l’album:
01. Spiral of Downfall
02. Poisoned Skies
03. Blue Brutality
04. Black Tantra
05. Propagandacide
06. P.O.L
07. Sleeping Caldera
08. Blunt Force Trauma
09. Shattered
10. Nostromo
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