Mais qui est Gautier Serre ? Wikipedia, toujours votre ami, vous répond sobrement d’un « IGORRR, de son vrai nom Gautier Serre, est un musicien compositeur producteur français mélangeant de nombreux genres musicaux, aussi disparates que le Black Metal, le Death Metal, la musique baroque, le Breakcore, ou encore le Trip Hop pour en faire une œuvre unique. ». Tout ceci est très précis, pas forcément exhaustif, mais ne répond aucunement à la question posée. Cette question qu’elle soit tournée d’un point de vue humaniste ou artistique est complexe, comme la musique du bonhomme. N’ayant pas le privilège de le connaître en personne, je ne saurais apporter de précision quant à la première partie de l’interrogation. Artistiquement par contre, les références sont possibles, et je les résumerai à cette épitaphe de son vivant : Gautier Serre est un dadaïste post-moderne. Post-moderne, parce qu’il contourne les aspects classiques des styles qu’il aborde pour les faire siens, et les transformer en un genre tellement personnel qu’on en vient à douter de son appellation. Dadaïste, puisque selon le toujours fiable et populaire Wikipedia, le dadaïsme est « une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, esthétiques ». Il précise aussi, « politiques », mais dans le cadre d’une chronique, on s’en fout cher Wikipedia. Ce qui nous intéresse pourtant, c’est qu’entre deux albums de son projet phare, Gautier s’amuse aussi sur le bas-côté, en composant la musique d’un film (Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc), qu’il continue d’expérimenter avec CORPO-MENTE, qu’il collabore avec MORBID ANGEL, VLADIMIR BOZAR, RUBY MY DEAR, ce qui lui permet de tester d’autres idées qui viennent enrichir sa discographie. Cette discographie justement, s’étoffe aujourd’hui d’un nouveau longue-durée encore parrainé par Metal Blade, sobrement mais justement intitulé Spirituality and Distorsion. La spiritualité, car Gautier aborde l’art avec une pensée structurée, mais une croyance tout à fait libre et basée sur le principe d’une force extérieure qui le guide (pas un Dieu, surtout pas). Distorsion, puisque la guitare s’en délecte jusqu’à plus soif, entre deux breaks Core et deux arrangements de cordes.
Bon mais alors, trois ans après Savage Sinusoid, c’est toujours le bordel dans sa tête ? Oui, évidemment.
Allez, évacuons de suite les détails techniques et autres renseignements utiles. Pour ce nouvel essai, Gautier s’est évidemment bien entouré, de ses musiciens habituels (Laure Le Prunenec, Laurent Lunoir pour les parties vocales), mais aussi d’une multitude d’autres virtuoses, trop heureux d’obliger. Ainsi, la grosse (dans tous les sens du terme) surprise au niveau des guests est évidemment la présence de George 'Corpsegrinder' Fisher venu nous dégueuler des enclumes CANNIBAL CORPSE sur « Parpaing », mais réduire l’album à ce gimmick fameux serait d’une injustice rare pour les autres protagonistes. Car la trame de fond de Spirituality and Distorsion a été claire dès le départ, sans raison particulière : les sonorités et instrumentations orientales. C’est ce qui apparaît clairement dès le début de l’album, qui ne cache en rien son faux concept en trompe-l’œil. Lequel ? Celui-ci, expliqué par Gautier lui-même :
« Être coincé sur une émotion est d’un ennui total pour moi. La vie est une vaste palette d’émotions. Parfois vous êtes heureux, parfois triste, en colère, énervé, nostalgique ou dévasté. La vie n’est pas en monochrome. Ces quatorze chansons sont un voyage au travers des différents états d’esprit qui m’ont animé »
Et il rajoute, exhaustif, en parlant de ces fameuses influences orientales :
« Je ne sais pas d’où elles sortent, mais les couleurs de ces sons m’ont beaucoup inspiré. C’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup attiré. Ces sons ont une profondeur dans les émotions, et lorsqu’on les mélange à une musique Heavy, ça vous entraîne au plus profond de vous-même. C’est pour cette raison que j’ai composé des morceaux comme « Downgrade Desert », « Camel Dancefloor », « Himalaya Massive Ritual » ou « Overweight Poesy » ».
Et l’homme a beau se la jouer rigolard, avec des intitulés de morceaux en forme de calembours, des inserts cocasses comme « Very Noise » ou « Musette Maximum », qu’ULTRA VOMIT aurait pu trouver drôles, il n’en reste pas moins un sacré compositeur qui n’a peur de rien, un peu comme le neveu timide mais pas tant que ça de Mike Patton, Varèse, Frank Zappa, John Zorn, Ornette Coleman, ou même Pierre Henry pourquoi pas. Ou une connaissance lointaine de Genesis P-Orridge, de Bowie, de Devin Townsend, et puis tellement d’autres dont les 6:33 ou DIABLO SWING ORCHESTRA qu’on ne va pas se taper toute la liste des iconoclastes. C’est d’ailleurs pour cette raison que les morceaux les plus conséquents doivent servir de mesure au talent incroyable du bonhomme. Sur ces longues digressions, Gautier n’hésite pas à mélanger sa folie rythmique et baroque à l’épure orientale des cordes, des voix, créant des strates de sons qui s’empilent et forment une symphonie de toute beauté, loin des astuces décalées qui ont faussement fait de lui le trublion de la musique moderne. Car loin d’être un pingouin échoué sur la banquise urbaine, Gautier est un voyageur du temps, de l’espace et de la pensée. Il arrive à se faire épouser des amoureux solitaires, dans une ville morte, qui dansent leur pré-nuit de noce sur le surprenant « Himalaya Massive Ritual », sorte d’évolution Death moderne qui utilise les arabesques de Natasha Khan pour les opposer à un opéra maudit de Verdi joué dans le désert avec des Touaregs fins musicologues. Des amoureux qui dansent sur une valse improbable dans un vieux bar de Paris, admirant au détour d’un regard NILE taper le bœuf avec un vieux violoniste slave aux yeux délavés sur « Nervous Waltz ». Alors, certes, le Breakcore de « Camel Dancefloor » propose une collision entre SKRILLEX et THE TEA PARTY, mais « Overweight Poesy » est une petite merveille sur laquelle la voix hors-normes de Laure prend toute son essence et son ampleur. Et tellement d’autres choses aussi…
Pour en revenir à cette liste de guests, égrenons un peu le tableau. Le violoniste Timba Harris, le bassiste Mike Leon, le pianiste Matt Lebofsky, Mehdi Haddab à l’Oud (qui n’est pas une arbalète je le rappelle), Pierre Mussi à l’accordéon, le joueur de Kanoun Fotini Kokkala et Benjamin Bardiaux au clavecin. Largement de quoi enrichir les pièces conséquentes proposées par Gautier, qui du coup, s’amuse comme un petit fou et signe l’œuvre la plus homogène et paradoxalement la plus folle et disparate de son répertoire pourtant pas piqué des hannetons. Sorte de giallo sans victime tourné au Moyen Orient, Spirituality and Distorsion est un tableau unique peint avec une musique qui ne ressemble à aucune autre, œuvrant dans la démesure tout en restant populaire. Mais c’est aussi une nouvelle bribe de réponse à cette question appelée à rester éternelle : mais qui est Gautier Serre ?
Juste un mec capable d’inventer le Thrash Folk ragga (« Kung-Fu Chèvre »), et de balancer la sauce Heavy sur « Polyphonic Rust ». Un artiste en somme. Pas Jo le Clodo quoi. Enfin, vous voyez. Ou pas.
Titres de l’album :
01. Downgrade Desert
02. Nervous Waltz
03. Very Noise
04. Hollow Tree
05. Camel Dancefloor
06. Parpaing
07. Musette Maximum
08. Himalaya Massive Ritual
09. Lost In Introspection
10. Overweight Poesy
11. Paranoïd Bulldozer Italiano
12. Barocco Satani
13. Polyphonic Rust
14. Kung-Fu Chèvre
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