Spleen Angel d’ARGILE est mon Grand Œuvre
C’est évidemment un constat de Philippe Courtois de l’Argilière, le mieux placé pour parler de ses créations, qui depuis les années 90, peuplent les rêves étranges des misanthropes et des esthètes glacés d’un Metal extrême racé, peaufiné, richement décoré, mais toujours étrangement ambiancé.
ARGILE, tout le monde le sait, est donc le projet annexe des membres de MISANTHROPE depuis des années. Un projet qui s’est concentré sur une trilogie sombre entamée avec The Monotonous Moment of a Monologue il y a plus de vingt ans, et poursuivie par Monumental Monolith il y a un peu moins de quinze ans. Un projet évidement centré sur les obsessions musicales de ses auteurs, Jean-Jacques Moréac (basse), Anthony Scemama (guitare), Gaël Féret (batterie) et Philippe Courtois de l’Argilière (chant), entre grandiloquence esthétique et violence sourde, pour assurer une cohérence qui ne manque pas de s’exprimer dès les premières notes de cette conclusion qu’est Spleen Angel.
Il s’est passé quelque chose de vraiment unique et surnaturel lors de la composition et de l’enregistrement de notre Spleen Angel (Jean-Jacques Moréac)
On ne peut qu’abonder dans le sens du bassiste qui décrit avec sincérité et acuité un long processus, entièrement créatif et surtout, débordant d’imagination pour repousser les limites de ce side-project qui finalement, revêt la même importance que le groupe principal des quatre musiciens.
Difficile en effet de ne pas voir en cette heure et ces dix-sept minutes une cathédrale sonore, érigée à la gloire du Dieu de l’emphase. Si le propos est toujours aussi décalé et dissonant, ARGILE ne peut se départir de ce sens de la mélodie qui a toujours fait partie de l’ADN des musiciens, trop soigneux pour se contenter d’une charge virale sans queue ni tête. Mais on sent les influences évidentes qui remontent à la surface, et spécialement celle de CELTIC FROST, qui crève les tympans sur le catchy « BlueWine (Lips of Doom) ». L’intérêt de ce nouvel album en forme de conclusion est justement de mixer tous les groupes qui ont compté pour Philippe et les siens, et il est même possible de voir en Spleen Angel la tête de gondole de Holy Records, label indissociable de l’histoire de MISANTHROPE.
Enregistré et mixé par Frédéric Gervais au studio Henosis, flanqué du magnifique Effet de Lune de Jules-Eugène Lenepveu, Spleen Angel est un bel objet, dont la beauté de l’écrin égale celle de son contenu. Avec une durée évidemment déraisonnable, ce nouveau chapitre (dernier?) de la saga ARGILE est difficile d’accès, et peut rebuter les plus timorés ou les moins fans. Mais la richesse des riffs, qui alternent entre le Doom de l’école PARADISE LOST/MY DYING BRIDE, la complexité des structures qui citent l’écurie Peaceville et le cheptel Relapse (par intermittence seulement), et la beauté des arrangements qui brillent comme les dorures d’un château en ruines, autorisent une écoute confortable, même si l’attention est requise à tout moment. Il serait en effet dommage de perdre de vue l’objectif initial, et surtout, la densité du propos. Avec plusieurs morceaux s’étalant sur de longues minutes, ce troisième né impose son discours, mais ne force jamais la main. On se laisse happer avec plaisir dans ce monde décadent, morbide mais noble, et on savoure les quelques chœurs qui installent une ambiance délétère, entre le moisi des années et les voix désincarnées d’esprits hantant les lieux depuis les années 90.
Produit de son époque, et achèvement indiscutable, Spleen Angel ne se gêne pas pour paraphraser les incunables Into the Pandemonium et Lost Paradise, combinant les caprices de Tom Warrior et les envolées lyriques de Milton. Entre lettres mises en avant et culture extrême populaire, ARGILE est un colosse éduqué, aux manières sans ambages mais respectueuses de l’étiquette, et l’envoutement progressif de l’auditeur nimbe de mystère cette entreprise artistique, qui souvent contemple le néant pour en faire sortir les vices les plus cachés.
Il serait malhonnête de nier que cet album est la sensation de cette année 2024. Loin des circuits fermés, des facilités old-school, ARGILE prouve que ses chevilles et articulations sont solides, et que son cri est toujours aussi tétanisant. Les plaintes vocales, les imbrications logiques mais tendues, et les progressions millimétrées transforment un morceau comme « Zephyr Penitent » en pièce tragique héritée du théâtre grec, et si quelques interventions plus techniques viennent hausser le ton d’une optique NWOBHM, le fond reste ancré dans les inévitables nineties.
Impossible de s’ennuyer une seule seconde. La barre a été fixée haute, et le challenge relevé avec une insolence qui force l’admiration. La douceur pastorale de « Scorpion's Bites », l’efficacité sobre de « Giant Titan Mysteries », pure tranche de Metal solide et gothique, les percussions électroniques de « Macabrïeta » offrent au centre de l’album une intensité stable, évitant la perte de régime dans les tours les plus difficiles.
Jouant la carte de la diversité, comme toujours, Philippe Courtois de l’Argilière a soigné chaque aspect de ce bébé qui pèse relativement lourd. Et si l’allusion à Lautréamont permet de lâcher quelques licks plus punchy (« Maldoror »), c’est simplement parce que les musiciens n’aiment rien tant que confronter leur culture littéraire à leurs envies musicales plus directes.
Plus intelligent qu’intellectuel, restant entre les balises de l’extrême populaire et séduisant, ARGILE ne peut toutefois changer sa nature, et s’embourbe dans un Doom sépulcral, sublimé par une voix caverneuse et des guitares mélancoliques (« Rex Imperator Funeral »). Sublime de son entame à son épilogue, Spleen Angel fera certainement partie des plus beaux efforts de cette année 2024. Le travail accompli a été titanesque, mais le résultat en valait la peine.
« From Golgotha to Pandaemonium » s’évanouit en prenant soin de combiner la gravité du Death Metal, la sévérité d’un Black allusif, et bien sur la préciosité du Metal le plus noble. Cet au-revoir est le plus beau point final dont nous pouvions rêver, et laisse un goût fort dans les oreilles.
ARGILE, aux côtés de son maître MISANTHROPE revient la tête haute, coiffée d’une perruque noire comme le jais. Une révérence ne sera pas de trop pour accueillir la noblesse, de retour dans ses appartements de luxe. Le respect se mérite, et peut être remis en cause constamment. L’exactitude du propos est donc toujours la politesse des rois.
Titres de l’album:
01. Mineral StyxMata
02. Resurrection of the Flesh
03. BlueWine (Lips of Doom)
04. Momentum of Regret
05. Zephyr Penitent
06. Scorpion's Bites
07. Giant Titan Mysteries
08. Macabrïeta
09. Maldoror
10. Rex Imperator Funeral
11. Spectrum Symphony
12. From Golgotha to Pandaemonium
Faut se les enquiller, ces 77 minutes mais j'avoue avoir bien apprécié ce que j'ai écouté.
Mérite d'autres écoutes.
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