On ne peut décemment pas terminer un tour d’horizon de l’underground mondial sans passer par la case du split.
Et pour ce faire, direction l’Europe, et l’Angleterre pour y faire la connaissance de deux groupes nationaux aux vues divergentes, mais à la complémentarité rassurante.
Deux faces partagées en version vinyle pour ce Split édité par une kyrielle de labels indépendants (Wooaaargh, Rip Roaring Shit Storm Records, Let The Bastards Grind, Preudice Me Records, Made In The Meth Labo, Never Fall Into Silence Records, Visions Of Warnings, et c’est déjà pas mal), et occupées par deux combos qui agitent la scène Hardcore de leur approche personnelle, qui apportent donc à cette sortie toute la diversité brutale dont elle a besoin pour captiver tout un chacun.
Mais présentons donc les forces en présence avant de parler plus en profondeur de leur musique.
D’un côté, la face A, les originaires de Bristol, THIS ENDS HERE. Pas mal de publications depuis leur première démo de 2012, dont deux EP, Absentia en 2013 et Afterwards en 2014, et une formation en trio qui trouve son point de départ en 2010 autour de l’axe Mart, Myles et Serena, venant d’horizons divers et de groupes plus ou moins connus dans la faune tels FILTHY HABITS ou SQUEEZE ME MACARONI, dont on appréciera l’hommage pas du tout déguisé à MR BUNGLE.
Depuis, le line-up a quelque peu changé, puisqu’on retrouve sur le site officiel du groupe des traces de quatuor, avec un groupe s’articulant autour de Mark, Myles, Jack, et Graham, et d’autres références à des participations externes à FRESH MILK, VON BARTHA, et même CYDEMIDE.
Mais en dehors de toutes ces précisions somme toute assez facultatives, il n’est pas inutile de détourer le style de ces Anglais pour le recentrer autour d’un Crust mélodique comme ils se plaisent à le nommer, ou à un Crust subtilement teinté de Post Rock/Post Metal assez mélodique, qui contrebalance des fulgurances de violence crue et pluriforme.
Une genre d’adaptation des standards Core typiquement Anglais à une ambiance subtilement scandinave dans le fond, avec une jolie alternance de brutalité larvée et de poussées mélodiques fiévreuses, comme si la mythique scène de Birmingham trouvait refuge dans le giron du mouvement D-beat de Stockholm, tout en multipliant les appels du pied à l’attention du Post Punk des WIRE, en moins rigide.
Une façon très personnelle d’insérer la délicatesse dans un contexte abrupt, pour une petite poignée de cinq titres se voulant homogènes mais semant suffisamment de petits cailloux sur leur chemin pour guider dans plusieurs directions différentes. Un Crust semblant désespéré et au bout du rouleau, se manifestant au travers d’une agressivité résignée, dans un élan Post Crust assez alambiqué et pourtant direct dans les faits. Des riffs parfois tortueux ou nerveux, des harmonies amères qui accentuent encore plus le malaise, et pourtant une rapidité indéniable souvent brisée en plein vol par des passages en contemplation la tête baissée en haut d’une colline, regardant le monde s’effondrer d’un visage impassible.
Deux gros morceaux, avec une préférence perso pour le final crépusculaire « There Is No Alternative », qui de son titre et de ses mélodies hypnotiques nous livre un bilan assez pessimiste d’une société en pleine mutation dégénérescente.
Changement de cap radical avec les CONQUEROR WORM qui se posent beaucoup moins de questions et qui détruisent tout d’un Grind/Crustcore sourd et diffus, ne faisant aucun compromis pour nous torturer les oreilles engourdies.
En se posant en presque total opposé de leurs compagnons du jour, les homologues de Bristol apportent une grosse plus-value à ce Split, en osant la vision Noisy radicale et abrasive. Constitué d’une ossature basse/batterie agrémentée d’un chant assez sourd et sournois, les CONQUEROR WORM rappellent tout autant les OLD LADY DRIVERS que les 324 ou FEAR OF GOD, baignant leur bruit dans une ambiance poisseuse, aussi emprunte de Grind que de Black lo-fi, un peu comme si les CELTIC FROST frustres des débuts tapaient le bœuf avec une version impitoyable de SORE THROAT, encore plus inabordables qu’à l’habitude.
C’est assurément terriblement bordélique, court, puisque les morceaux dépassent rarement la minute, restant la plupart du temps sous la barre des quarante secondes, ce qui garantit un impact immédiat, gorgé de larsen, de hurlements stridents, et d’intermèdes Ambient de quelques instants.
Les fréquences sont malmenées comme des damnées, et finalement, l’image assez précise qui vient à l’esprit en écoutant les douze saillies de ces vers de l’esprit est celle d’un GNAW THEIR TONGUES radicalisé d’une vision excentrée des CEREBRAL FIX de début de carrière, alors bizarrement obsédés par un tir de barrage à la ZEUS, traumatisé par les vrilles concentriques d’un MERZBOW en pleine descente d’acide électronique.
Oui, j’en suis conscient, le parallèle est assez chargé mais la musique des CONQUEROR WORM l’est tout autant dans sa méchanceté et son agressivité sadique, prenant un malin plaisir à tirer parti d’une production à la limite de la démo organique pour nous asséner coup sur coup, en se vautrant dans le feedback concluant chaque poussée de vitesse.
On trempe parfois les deux esgourdes dans un acide de batterie low Noise digne d’un BM d’amateur psychopathe avec ce final cauchemardesque « Tectonic Ritual », qu’on aurait pu trouver sur le Satanic Rites du FROST, si à l’époque Tom avait été encore plus dérangé et musicalement limité. Et comme en sus, la séance de torture dure plus de quatre minutes, ça vous en dit long sur la vilénie de ces trois ennemis du bon goût musical.
Un Split donc qui ose la perversion dans tous les tons, et qui nous prodigue quelques conseils pour un pèlerinage à Bristol s’arrêtant pile là où il faut, et nous laissant un peu hébété dans les ruines d’un Hardcore de dégénérés, ou expirant au milieu des volutes d’un Post Rock assez fasciné.
Mais telle est la mission de ce format, qui parfois refuse l’homogénéité pour mieux se livrer à l’ouverture et la diversité.
Il y a toujours plusieurs façons de faire du bruit. Telle est la leçon à tirer de ces deux faces bien senties.
Titres de l'album:
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