2017. Une année pas si anecdotique que ça a bien des égards. La liste des événements ayant secoué le monde est finalement relativement impressionnante, et pas seulement à cause de l'accession du petit affairiste Trump au pouvoir. Nous, français, avons accueilli le banquier Macron à l'Elysée, mais le monde fut surtout secoué par des attaques terroristes toujours plus sanglantes et aveugles. Le Brexit, la montée en puissance de la Corée du Nord. Le scandale Harvey Weinstein, révélateur des pressions et des agressions sur les femmes, et l'émergence du #metoo qui allait permettre à de nombreuses victimes d'affirmer leur souffrance. La montée des partis populistes partout en Europe. Ça, et de nombreuses autres tragédies, catastrophes naturelles, inondations en France et en Inde, tremblements de terre, affirmation de l'ultra-libéralisme comme seule conception économique viable selon la finance. Bref, une année comme une autre en début de vingt et unième siècle, mais aussi plus localement, plus artistiquement, plus underground, la confirmation de la suprématie de deux groupes qui finalement, se sont définitivement posés en leaders de leur propre scène, pourtant méchamment balisée et restreinte...Aux Etats-Unis, certains ont subi l'accession à l'investiture de Donald Trump de plein fouet, comme un signe des temps à venir pas si roses que ça...D'autres ont tenté de résister à l'assaut sonique de deux formations qui ont profité de 2017 pour publier leurs pamphlets définitifs, et asseoir leur réputation au fond des abysses de l'atrocité musicale, de la pesanteur, de la moiteur. A Denver, Colorado, les masters de PRIMITIVE MAN nous ont assommés de leur séminal Caustic, quatre ans après Scorn, qui avait révélé au monde leurs lourdes exactions. Du côté de New-York City, New-York, les UNEARTHLY TRANCE nous prirent à rebours de leur Stalking The Ghost, qui allait mettre presque tout le monde d'accord. Et tout ça, c'est beaucoup pour une seule année. Même lorsqu'on est empêtré depuis longtemps dans les sables mouvants d'un Sludge/Doom étouffant et poisseux comme un destin capricieux.
D'un côté, un groupe en émergence ayant encore des choses à prouver, mais en ayant démontré des capacités d'ignominie assez remarquables. De l'autre, une icône, une référence, des patrons dans le costard souillé du genre, mais qui ont su garder la simplicité des véritables créateurs/tortionnaires. D'un côté, une discographie encore assez mince, sanctionnée de deux longue-durée, et d'une myriade de splits et de singles. De l'autre, une sonothèque fournie, jonchée de 6 LP, de compilations, de splits, et surtout, un parcours sans faute, une carrière entière vouée à la malséance, au bruit blanc, à la stridence et aux dissonances. Il devenait donc évident que le maître et l'élève n'allaient pas tarder à rejoindre leur plan de carrière pour travailler pelle dans la fosse, et nous proposer un boulot commun, histoire de voir s'ils pouvaient pousser l'abomination encore plus loin à douze mains. Et aujourd'hui, alors que cet évènement est arrivé, alors que le produit fini est entre nos mains, nous pouvons constater avec plaisir que l'union des PRIMITIVE MAN et UNEARTHLY TRANCE découlait d'une logique gravissime plus qu'évidente. Naturelle. Un peu comme si la faune interlope des bas-fonds de Denver et les éclopés urbains de New-York City étaient faits pour se rencontrer, et échanger leurs vues sur une existence difficile à supporter au son d'une musique aussi abyssale qu'un futur qui s'annonce quand même mal barré. Pourtant, dans les faits, ce split n'en est pas vraiment un, malgré ses faces partagées. Pas vraiment un, parce qu'une des deux forces en présence empiète subtilement sur l'autre, comme pour montrer qui est le vrai patron de l'histoire...
En effet, les PRIMITIVE MAN n'offrent sur ce nouvel effort qu'un réel inédit, qui certes fait froid dans le dos, mais ne pèse pas assez lourd dans la balance. Les UNEARTHLY TRANCE eux, jettent quatre titres dans la bataille, ont travaillé leur copie, et parviennent à synthétiser tout leur art séculaire de la nuisance sonore brute et blanche en une poignée de minutes infâmes, mais cathartiques. On retrouve dans ces quatre morceaux tout ce qui a fait la force de leur parcours, ces riffs monolithiques mais étrangement élastiques, cette rythmique pilonnée mais sinueuse, et surtout, ce chant ignoble, à la limite de l'agonie d'espoir, semblant émaner des tréfonds du Death anglais, mais qui reste solidement ancré en terrain Doom/Sludge US. Ces soudaines cassures de rythme, ces fausses accélérations qui permettent de s'extirper du marigot Doom sans trahir la cause. Ainsi, difficile de résister au nauséeux « Triumph », qui pourrait évoquer le point de jonction le plus probant entre CARNIVORE et CEREBRAL FIX depuis les deux et uniques albums d'ACID BATH. Une sorte de déviance sur des thèmes éprouvés par les SLEEP et CLUTCH, le désespoir absolu en plus, et la puissance en bandoulière, facteur de l'extrême qui ne délivre que des mauvaises nouvelles...Mais la bonne, c'est que ces quatre segments peuvent être pris comme un EP à part entière, et venir enrichir le legs des New-yorkais qui refusent de s'asseoir sur leurs lauriers chèrement acquis. Sauf qu'on ne peut pas sortir du contexte des travaux qui ne fonctionnent qu'en opposition avec ceux de leurs compagnons d'un jour. Il s'agit bien d'un split, donc d'un travail commun à part entière, et la façon qu'ont les deux groupes de se compléter sans jamais croiser leur route est assez fascinante en soi. Et horriblement assourdissante aussi.
C'est donc le choc frontal entre les deux formations, leur complémentarité dans la disparité qui fait la force intrinsèque de ce nouveau split, indispensable pour assimiler la lourde marche en avant de ces deux concepts de douleur extrême, qui sans révolutionner le genre, le souillent encore un peu plus pour le transformer en cauchemar indispensable à son époque. Entre les presque vingt minutes de PRIMITIVE MAN, trio (JPC – basse, ELM – chant/guitare et JDL –batterie, depuis 2016) infernal, et les vingt-trois minutes d'UNEARTHLY TRANCE, trio (Jay Newman – basse/noise, Ryan Lipynsky – guitare/chant/noise, et Darren Verni – batteur qui s'en va et vient) atroce, ce split atteint une durée fort raisonnable et nous permet de sonder la gravité de la situation mondiale, qui semble mener la planète droit à sa perte, sans que personne ne fasse rien pour éviter l'inévitable. Alors, certes, ce Sludge boueux et ce Doom tortueux ne sont pas des données assimilables par tout le monde, et il est certain que seuls les fans les plus tarés des styles y trouveront leur compte. Mais cette formalisation de l'horreur qui semble s'évertuer à introniser deux formations uniques en leur genre a quelque chose d'hypnotique qui peut concerner chaque être vivant sur cette planète. Et en considérant que 2018 n'a rien de plus réjouissant et rassurant que 2017, c'est encore un disque qui se retrouve fermement ancré dans son temps. Un temps trouble, menaçant, effrayant, qui s'accorde fort bien de ce feedback maladif, de ces soudains coups de reins qui déchirent la colonne vertébrale, et de ces riffs ténébreux qui se repaissent de nos propres craintes pour les démultiplier. Une sensation primitive, mais bien concrète humainement parlant.
Titres de l'album :
1.PrimitiveMan & Unearthly Trance - Merging (intro)
2.Primitive Man - Naked
3.Primitive Man - Love Under Will
4.Unearthly Trance - Mechanism Error
5.Unearthly Trance - Triumph
6.Unearthly Trance - Reverse The Day
7.Unearthly Trance - 418
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