Si l’on m’avait dit il y a vingt-six ans qu’un jour, j’accolerais le terme Heavy Metal au nom de JADED HEART, j’aurais souri. De la même façon que si l’on m’avait parlé de TNT comme d’un rival de JUDAS PRIEST ou de JOURNEY comme l’ombre d’IRON MAIDEN. Mais voilà, les choses les plus incroyables arrivent parfois, et c’est bien ce qui rend cette passion de la musique si intéressante, ce côté imprévisible que l’avenir dessine comme bon lui semble. Mais dans le cas des JADED HEART, le glissement ne s’est pas fait comme sur une peau de banane lâchée sur le trottoir de l’AOR, ni de la même façon que les musiciens Glam et assimilés avaient choisi dans les années 90 en refusant de se raser et en portant des salopettes. Non, l’histoire de ce groupe allemand n’est qu’une succession d’évènements logiques, et sa biographie/discographie témoignent d’une évolution naturelle, d’un style que l’on assimilait à l’époque comme du Hard-FM/AOR, vers ce Metal qu’on écoute aujourd’hui sur leur dernier album en date, Stand Your Ground. Tenir la position, et assumer, c’est ce que les musiciens font depuis plusieurs années, et l’entrée dans le nouveau siècle leur a donné des envies de virilité et de son plus agressif, ce qu’on a assez rapidement compris une fois The Journey Will Never End mis sur le marché. Non qu’à l’époque, le combo de Duisburg bandait déjà les muscles, mais la transformation et le lifting opérés après l’an 2000 étaient déjà manifestes. Et aujourd’hui, il n’y a aucune surprise à découvrir ces morceaux forts et puissants, tous animés d’une âme Metal inoxydable, et capables de rivaliser avec les représentants les plus anciens du créneau.
Pas de changement notable depuis Devil’s Gift, sorti en 2018. Le quintet n’a pas évolué depuis 2014 avec toujours Johan Fahlberg (chant), Peter Östros (guitare), Masahiro Eto (guitare), le leader et membre d’origine Michael Muller (basse) et Bodo Stricker (batterie), le label est toujours le même, et l’orientation aussi. Mais d’album en album, JADED HEART semble renforcer ses attaques, s’est définitivement débarrassé de ses synthés et autres concessions commerciales, pour incarner une sorte de mi-chemin entre Hard mélodique vraiment dur et Heavy classique méchamment bodybuildé, qui rassemblera sans avoir à prier les fans d’ACCEPT, de PRIMAL FEAR et toute autre cador de l’acier et de la fonte soulevés comme à la parade. Les fans, qui ont vieilli avec le quintet, ont depuis longtemps choisi leur camp. Les accros de la première heure et des inclinaisons AOR ont plus ou moins lâché le combo après IV, dernier véritable témoignage des débuts, certains ont pris le train en route lorsque les musiciens ont ôté leurs oripeaux les plus vendeurs, d’autres parviennent encore à faire le lien entre les différentes époques, et tolérer ces débordements de testostérone dont le groupe est victime depuis quelques années. Et si le résultat est toujours probant professionnellement parlant, admettons quand même que le groupe est méchamment rentré dans le rang en optant pour la salle de sport plutôt que pour les téléfilms de Noël. Tout est parfait, bien joué, bien chanté, composé avec formalisme, et doté de riffs à la limite du Thrash de temps en temps, mais la machine tourne trop rond, les mécanismes sont trop conformes, et la tendance est à la répétition, une des constantes du Heavy Metal depuis sa création.
Je ne critique pas ici le choix du groupe d’avoir dévié de sa trajectoire, car il lui a fallu un certain courage pour le faire. Je regrette juste que l’entre-deux n’ait pas été privilégié, au lieu de plonger le casque le premier dans le mur du Heavy Metal en béton pur et dur. Après tout, des icônes comme HAREM SCAREM ont toujours réussi à ne privilégier aucune approche et les synthétiser pour incarner la perfection en termes de modération plurielle ce qui ne les a jamais empêchés de balancer des pépites Heavy lourdes comme des enclumes en temps voulu. Mais visiblement, JADED HEART ne veut plus faire les choses à moitié et a choisi son camp, comme l’annonce le titre de ce quatorzième album. Belle carrière donc, qui trouve aujourd’hui son point culminant de violence, avec un tempo volontiers up, des guitares revanchardes et tranchantes, et un Johan Fahlberg de plus en plus convaincant dans son costume de MC au gosier en biceps bien taillés.
D’ailleurs, le groupe se sert presque d’un argument comme gimmick de vente, et met en avant le fait que Stand Your Ground est leur premier LP sans claviers. Je ne suis pas contre le fait de souligner certains détails importants, sauf lorsqu’ils entraînent un statu quo assez déprimant. Car le fait est là, indéniable, JADED HEART est devenu un combo de Heavy Metal lambda, sans véritable âme et corps, et si la musique fait le job, c’est uniquement en se basant sur des poncifs déjà éculés depuis longtemps. Les morceaux plairont évidemment, puisqu’ils sont joués par des pros, qui s’y connaissent aussi en composition, mais je ne suis pas certain que les fans du groupe s’y retrouveront dans ce dédale de licks anonymes et d’envolées vocales standard. Et dès « Stand Your Ground », on sent que le quintet a laissé traîner des morceaux de lui sur le sol du studio, tant ce morceau sonne comme du Jorn Lande stéréotypé ou du PRIMAL FEAR hors-saison. Ça cavale sec, le son est propre, tout est en place, mais on cherche désespérément la magie, la petite étincelle qui fera exploser ces refrains qui passent, et qu’on ne retient pas. Lorsque les allemands laissent un peu tomber leur obsession de dureté et de solidité, et qu’ils se concentrent sur une réelle inspiration, le char d’assaut se transforme soudainement en véritable machine de guerre mélodique, intelligente, et capable d’envisager l’ennemi autrement que comme un bloc de marbre à détruire coûte que coûte. Ainsi, « Kill Your Masters » résonne enfin d’une envie différente, et peut éventuellement rappeler les moments les plus Heavy du BONFIRE des années 90.
Et alors que les PRETTY MAIDS, qui avec le temps ont adopté une démarche plus ou moins similaire en pondant de vrais bons albums, JADED HEART s’enfonce dans le bourbier de sa propre passion en unicité, et lasse assez rapidement de sa redondance trop formelle. Qui plus est, avec une durée de cinquante minutes, assez peu raisonnable au vu du style pratiqué, ce quatorzième tome des aventures germaines se perd, et recycle ses propres plans (« Hopelessly Addicted », véritable caricature). Mixé et masterisé par Erik Martensson, Stand Your Ground dispose d’une production ad hoc, et aussi anonyme que ses chansons, aussi éventé que ses ballades (« Stay »), et à peine plus valable qu’une accroche publicitaire sans contenu et vantant les mérites d’un produit sans intérêt. Alors, je suis prêt à parier qu’à l’avenir, on ne parlera en effet de Stand Your Ground que comme le « premier album de JADED HEART sans synthés ». Ce qui est assez triste, mais juste.
Titres de l’album:
01. Inception
02. Stand Your Ground
03. One Last Time
04. Reap What You Sow
05. Break Free
06. Hero To Zero
07. Kill Your Masters
08. Embrace A Demon
09. Hopelessly Addicted
10. Self Destruction
11. Stay
12. Lost In Confusion
13. Inside A Hurricane
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30