Ne rentrons pas encore dans le débat sur la validité de ces groupes si nostalgiques qu’ils préfèrent croire que la musique d’avant est aussi celle de maintenant, et qui varient sur le même thème d’un Rock aux relents passéistes qui nous inonde depuis quelques années. Quelle que soit la pertinence de leur démarche, ils sont libres de penser qu’on n’a jamais rien fait de mieux que le Hard/Classic Rock des seventies, ce qui en outre est en partie vrai. Beaucoup se demandent par exemple si les GRETA VAN FLEET ne sont pas de sales gamins n’ayant pas retenu la leçon des KINGDOM COME des années 80, travestissant de jeunesse les licks plein de stupre de Jimmy Page, et singeant les accents félins de Plant par facilité, et surtout, parce que ça fonctionne…Oui, car le public, parfois peu amène d’objectivité ne se pose pas souvent la question, et accepte en tant que tels des hommages même pas déguisés prônant le pillage d’héritage, avec flair certes, mais surtout avec un culot éhonté. On le sait, les suédois ne sont jamais les derniers à loucher vers les années perdues d’une Europe et d’une Amérique au bagage musical assez lourd à assumer en ces années de disette, mais acceptons quand même qu’ils soient les meilleurs faiseurs sur le marché, et ce, depuis l’émergence sans doute des HELLACOPTERS dans les pas si glorieuses nineties. Cela doit-il excuser leur propension à se répéter ad vitam aeternam, et à nous dispenser les mêmes litanies à base de CCR, de ZEP, de PURPLE, sans chercher à aller plus loin et créer leurs propres références ? Non, et comme d’habitude, seuls les meilleurs laisseront une trace durable dans le grand livre du Rock, qui finalement, n’est plus si fourni qu’il ne le devrait. Et gageons qu’avec un peu de temps, les SVARTANATT parviendront à y inscrire leur chapitre, aussi bref soit-il. Puisque pour une fois, et même si les clins d’œil appuyés sont toujours aussi nombreux, ils ont le mérite de varier un peu le paysage…
Quintette déjà responsable d’un premier LP éponyme (Jani Lehtinen - chant/guitare, Felix Gåsste - guitare, Mattias Holmström - basse, Daniel Heaster - batterie et Martin Borgh - orgue), les SVARTANATT nous en viennent de Stockholm, et propagent un message simple, à base d’effluves sixties délicates diluées dans une approche Rock typiquement seventies, se reposant sur une trame simple et efficace, mais plus complexe qu’il n’y parait à la première écoute. Ce qui frappe d’ailleurs, une fois les neuf morceaux passés, c’est la prédominance de cet orgue qui ancre délibérément le groupe dans une mouvance typique de l’époque, sans que les guitares volubiles n’aient à souffrir du manque d’espace. On pense évidemment à beaucoup de choses en laissant ce Starry Eagle Eye tourner sur sa platine, à THIN LIZZY parfois, doté d’un son moins rond, mais aussi aux BLUE OYSTER CULT, sans que les images des SIR LORD BALTIMORE ne disparaissent complètement du tableau. L’ombre de LUCIFER’S FRIEND plane aussi assez bas au-dessus des nuages du territoire scandinave, mais l’art consommé de ces derniers pour noyer le poisson et louvoyer entre les méandres du purisme permet de ne pas tomber dans les filets de la redite, ou de l’exploitation éhontée d’un patrimoine que beaucoup de leurs prédécesseurs ont déjà allégrement pillé. D’une part, parce que ces cinq musiciens connaissent leur partition par cœur, et qu’ils la jouent avec, sans se soucier d’une quelconque crédibilité ou d’un désir d’affiliation paternelle pas forcément justifié. Impossible bien sûr de ne pas penser à cette décennie entamée il y a presque cinquante ans, mais impossible non plus d’y enfermer complètement les suédois, qui pratiquent une musique un peu hors du temps, découlant aussi bien du « Dream On » d’AEROSMITH que des versets récités par leurs homologues de GRAVEYARD (« Wolf Blues », dégoulinant de feeling avec ces orgues à mi-chemin entre John Lord et Rick Wakeman). On note une nette propension à laisser parler des guitares qui ne demandent qu’à rugir en rythmique et à gloser en solo, sans pour autant paraphraser les grandes lignes des héros passés.
Energie, investissement, nuance, tels sont les éléments les plus frappants de ce nouvel album, qui ose même le speed léger d’un Fast Rock au potentiel décuplé (« Hit Him Down », un peu MOTORHEAD des débuts, juste après avoir claqué la porte d’HAWKWIND, mais aussi de la délicatesse harmonique pour alléger la charge), et qui détourne aussi les codes du Blues Rock pour lui faire adopter une posture un peu ambivalente (« Universe Of », au timbre rauque et à la rage Rock, que la BO d’Almost Famous aurait pu caser entre Rod Stewart et les WHO). En gros, beaucoup de versatilité dans l’homogénéité, pour ne pas rester au ras de pâquerettes depuis longtemps rasées par la tondeuse du vintage martelé. Mais cette nostalgie est bien là, vivante comme jamais, et se permet d’introduire les THIN LIZZY aux agapes du Southern Rock des Allman Brothers (« The Childern Of Revival », tout un programme en forme d’aveu que l’on prend pour argent comptant du fait de sa sincérité), ou de riffer comme les plus grands duettistes pour transposer le vocable seventies dans une production presque eighties (« Wrong Side of Town », qu’on imagine bien chanté par Bob Seger pour offrir emballé et pesé à la NWOBHM). Et si cette production s’ingénie à nous basculer vers un avant qui est toujours plus crédible que le maintenant, elle a le mérite de ne pas le faire à grand renfort d’artifices, laissant parler les instruments sans les obliger à prendre l’accent (« Starry Eagle Eye »). Adoptant un format idoine aux ambitions, Starry Eagle Eye évite avec intelligence le carcan de la répétition par l’usure, et ose même de temps à autres faire le grand écart entre la grandiloquence funèbre de BLACK SABBATH et la futilité ambiante d’un PURPLE moins focalisé sur le classique que sur le Rock typique (« The Lonesome Ranger »), avec une classe naturelle totalement suédoise, et surtout, une humilité qui permet d’apprécier les chansons pour ce qu’elles sont, de véritables hits en puissance qui auraient fait trembler les stades il y a plus de quarante ans.
Concision et déambulations, tels sont les deux vecteurs de ce disque qui n’a pas non plus oublié qu’un binaire en up tempo d’enfer peut encore largement faire l’affaire (« Black Heart »), et qui termine donc son nouvel épitre par un chapitre brulant, mais transcendant. Rien ne l’est fondamentalement ici, puisque les chemins empruntés le sont depuis longtemps, mais beaucoup d’aisance, et un naturel confondants, un son un peu rachitique mais chaud, pour une symphonie en passé majeur qui assume ses obsessions, sans essayer de les dépasser, mais en y insufflant sa propre personnalité pour ne pas se noyer dans une production aux vannes ouvertes et bloquées. De là à savoir si l’avenir des SVARTANATT sera sanctionné par des citations appuyées dans les encyclopédies consacrées, il y a un pas que je peux franchir. Mais sans aller jusque-là, ce Starry Eagle Eye mérite largement sa place au panthéon des disques efficaces et ancrés.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
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