Le groupe vit également une très belle rencontre musicale et humaine avec le chanteur Arno Strobl (CARNIVAL IN COAL).
En lisant cette accroche sur une bio, je suis tenté de laisser mon clavier de côté pour traiter d’un autre cas. Un autre cas qui ne s’épanchera pas sur une éventuelle collaboration avec le beau et grisonnant Arno Strobl qui tombe les filles et fait moisir les filtres à café d’un seul regard torve.
Pour en revenir à notre obsession du matin, GNÔ sort son cinquième album, un album qu’ils ont eu la gentillesse de mettre en téléchargement gratuit, malgré les protestations d’Arno Strobl qui réclamait des royalties sans avoir participé à sa composition. Un cinquième album qui propose un poisson en couverture, de la même manière que Captain Beefheart arborait un masque de truite sur celle de Trout Mask Replica. Mais Stereofish ne nage pas dans les mêmes eaux et ne provoque pas les mêmes remous. Là ou Beefheart provoquait un séisme dans le petit monde du dadaïsme musical, Stereofish déclenche une levée d’épuisettes sur les dancefloors les plus sages de notre beau pays, allant même jusqu’à titiller les danseurs les plus acharnés des boîtes suédoises. Non, mais sérieusement, vous n’en avez pas marre qu’à chaque fois qu’un disque se veut dansant et Rock, il arbore le sceau suédois ou norvégien? Moi si, j’aime mon pays, j’aime danser, dodeliner, et consommer français.
GNÔ a vu les choses en grand cette fois encore, et s’est carrément payé le luxe d’enregistrer cet album en Angleterre au Real World, le studio de Peter Gabriel ayant accueilli MUSE, COLDPLAY ou encore DEEP PUPLE. Et sinon, ça va les gars ? Tranquilles ? Du coup, les morceaux de ce disque sonnent évidemment aérés, internationaux, clairs, malicieux, judicieux, à l’image paisible du très worldy « Smile » qui évoque en effet, de loin, une collaboration entre Peter Gabriel et THE TEA PARTY.
Mais soyez rassurés, oyez, oyez, puisque GNÔ n’a pas perdu son identité fun en route. Non, tout est toujours là, et Peter Puke (batterie/chant), Gaby Vegh (basse/chant) et Djul Lacharme (guitare/chant) savent toujours aussi bien marier les guitares du Rock n’Roll que Dorothée a si bien chantées, et ce beat élastique qui donne envie d’enlever ses chaussures pour aller swinguer sur la piste du Jack Rabbit Slim. Dooweet, l’agence de promotion omniprésente nous affirme pourtant que, aussi, et aligne des termes comme « mainstream », « accessible », « asymétrique (moins) », « simple » et « gros riffs ». Alors, que croire finalement, alors que la plèbe chante les louanges de ce dernier effort en date, allant jusqu’à affirmer qu’il relève le niveau de catastrophe de 2020 ? Qu’il est une logique dans la continuité de la logique de continuité de GNÔ, et que le trio n’a pas vendu son âme pour intégrer le Top 50 ou passer chez Jean-Pierre Foucault. D’ailleurs, je ne vois pas comment les trois marsouins pourraient passer à la télé entre deux artistes de variété avec une bombe introductive aussi groovy que « Calvary Way ». Ecole trépidante, boum du samedi après-midi avec le soda rehaussé d’une légère touche de calva piquée à papa, et hop, on emballe la belle Jessica sur un coin de table, juste sous le poster de Dave.
Alors, certes, une fois passés et encaissés les premiers morceaux, et surtout le gros de « Never Give Up », on commence à se dire que le groupe cherche l’angle plus Pop-Rock, mais toujours avec cette préciosité de l’instrumentation qui dévoile une section rythmique au somment de son art sur « Stereofish » qui va même sur son intro provoquer les intellos de TOOL. « Let it all Go », rappelle de son côté les années 90, lorsque la fusion funky servait de mètre étalon pour jauger de la créativité des groupes. RED HOT FISHBONE et tout le toutim, mais j’aime particulièrement ce son de caisse claire ferme et mat qui ponctue les frappes de Peter. Et c’est en tendant l’oreille sur l’axe basse/batterie qu’on prend conscience de la grandeur de cette production internationale, claire, profonde mais humaine, comme un poisson dérivant avec le courant juste pour le plaisir de brosser ses écailles dans le sens du poil. Djul, fidèle à lui-même n’en fait pas des tonnes, mais lâche les bon soli, trafique les parties rythmiques pour les accommoder sauce déliée, et assure en maître de cérémonie au timbre classique, mais juste.
Alors, « mainstream », « accessible », finalement, c’est peut-être vrai, mais quelle importance ? La seule chose qui importe, c’est la qualité de ces chansons, d’autant que GNÔ n’a pas été radin comme un nain de jardin au moment de dévoiler le tracklisting. Pas moins de treize entrées, toutes indispensables ou presque, allant du Rock quasi alternatif (« G.N.O » que les NADA SURF ou WEEZER auraient transformé en tube de l’été pour les campus américains) au Pop-Punk ravageur de son sourire de basse (« Animals »), en passant par des choses plus élaborées, mais plus grasses aussi (« Too Many Faces », lourd comme du Sludge joué par des amateurs de Post-Rock).
Bon alors, le vice caché, il est où en fait ? Pas dans la production, pas dans l’instrumentation, pas dans l’inspiration non plus…Alors, si le vice caché était justement l’absence de vice caché ? Si le GNÔ de 2020 avait trouvé la plénitude dans la simplicité et la diversité ? Oh, j’entends déjà les « manque de gros riffs », « pas assez agressif », « trop normal pour les masses et moi je suis pas les masses, déjà que je ne suis pas des masses… », mais j’opposerai à ces critiques purement gratuites l’efficacité diabolique de « Counting Spiders », entraînant en diable, et qu’on peut lever sans un diable. J’avancerai les arguments exposés sur le sensuel et jeu de mots « Heroshima », et plus généralement, le niveau de professionnalisme sain et instinctif atteint par cet album, qui sans renvoyer le passé vers l’amateurisme, démontre quand même que le trio malin est proche d’une perfection tangible.
Si vous écoutez Arno Strobl, il est capable de vous parler de « l’album de l’année », de « sauveur de 2020 », et pour une fois, le crooner de fêtes de patronage aura raison. Stereofish est le genre de poisson en stéréo qu’on n’a pas besoin d’agrémenter d’amandes comme une truite pas chère. Un disque serein, birth of cool, et surtout, qui donne le sourire même lorsqu’on a envie de relire un vieux calendrier des postes de 1976, avec ses bébés chiens loup et ses petits moutons blancs et mous.
Titres de l’album:
1.Calvary Way
2.Never Give up
3.Stereofish
4.Let it All Go
5.Into the Void
6.Gnô's New Orbit
7.Animals
8.Slumdog
9.Too many Faces
10.Counting Spiders
11.Heroshima
12.Smile
13.Our Worlds Collide
Superbe album, ce groupe que je suis depuis le début n’a pas cessé d’étonner, chaque album est différent en gardant la même couleur. Vraiment puissant ce dernier album, des titres ultra efficaces, une production juste énorme. À confirmer sur scène maintenant!!!!
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