Chroniquer le huitième album studio d’un groupe que l’on suit depuis ses débuts, est un pari difficile à relever. Autant accepter de parler à visage découvert d’un ami qu’on aime et qu’on respecte, mais en craignant que ses mots ne se révèlent maladroits, ou impudiques. Pourtant, dans le cas des New-yorkais d’UNSANE, l’impudeur est une vertu cardinale qu’ils ont élevée au rang de dogme, explorant la familiarité des bas-fonds de leur ville, ainsi que la cruauté de ses accents nocturnes, cris en rangs serrés qui résonnent dans les ruelles les plus mal famées…Qui connaît UNSANE connaît la douleur musicale, le cri primal, la résonnance Noisy Core telle que le groupe l’a voulue dès ses débuts…qui continuent aujourd’hui. Comme si le groupe n’avait jamais grandi, ou comme s’il était né déjà vieux, sans illusions, mais avec un but.
Porter le bruit blanc à son apogée, salir des riffs d’une guitare qui se veut rasoir rouillé mais effilé, faire vrombir une basse en tremblements de peur, et approfondir encore plus l’écho d’une batterie en pulsation cardiaque, qui ne risque ni crise, ni affaiblissement. D’ailleurs les affaiblissements, les UNSANE n’en ont pratiquement jamais connu. Même si leurs fans les plus dévoués ont toujours avoué une préférence pour l’éponyme et traumatisant début, ou cette compile de singles qui nous avait mis sur le carreau. Les autres admettent que malgré une adaptation aux standards de l’époque, Occupational Hazard reste une sorte d’acmé de la première période, tout comme l’étaient Total Destruction ou Scattered, Smothered & Covered.
Il en est même certains qui déclarent sans complexe que depuis leur reformation des années 2000, les trois musiciens n’ont jamais semblé aussi revanchards et violents.
Mais finalement, tout le monde à raison, puisque quelle que soit la saison, quel que soit le manque d’émotion, UNSANE sera toujours aussi malsain, et dangereux de déraison…
C’est en tout cas ce que prouve Sterilize, ce petit dernier qui vient ainsi rompre cinq ans de silence depuis le dernier naufrage, Wreck. Produit par Dave Curran en personne, aux Gatos Trail studios californiens, avec un cadeau mixé du pote de longue PIGS date Andrew Schneider, ce huitième effort studio ne déroge à aucune règle, que le groupe ne suit de toute façon pas, et continue le travail de sape, se plaçant même parmi les jets de bile les plus acides que le trio nous a jeté à la face. Ils sont toujours aussi compacts, aussi bousculant, aussi incorruptibles (en témoigne le concert de Saint-Ouen, qui prouve que les légendes gardent parfois prise avec la réalité du terrain), et aussi terrifiants, retournant même aux origines de leur style qui depuis a fait école auprès des amateurs de Rock Noisy viril, ne sombrant jamais dans la démonstration. La pochette même de l’œuvre assure sa pérennité, et cette tôle ondulée de sang et maculée nous prévient avant même que le laser ne touche les bits, que cette coulée rouge pourrait bien provenir de nos veines. Les UNSANE se sèvrent toujours du sang de leurs fans, nous en l’occurrence, comme des vampires urbains arpentant la ville à la recherche de sales histoires à raconter, de celles qui finissent toujours mal, et avec une, ou plusieurs victimes. Mais les seuls victimes que ce nouvel album pourra compter sont celles qui seront tombées au champ du déshonneur, croyant les New-yorkais exsangues et en manque d’inspiration…
L’inspiration est toujours là, brutale, crue, viscérale, et nous renvoie à la première partie de la carrière du groupe, qui n’est rien de plus ou de moins qu’un miroir de la seconde. A moins d’envisager leur histoire comme une globalité, et chaque chapitre comme une suite logique…La logique musicale est respectée, et la continuité aussi, celle de Wreck évidemment, qui l’était aussi de tout ce qui l’avait précédé, même si la rudesse de son et la sècheresse du ton nous en font grimper un ou deux au passage. Sterilize n’a pas vocation curative, à moins de vouloir nous débarrasser de nos dernières illusions sur la vie et ses espoirs déçus, mais approfondit encore plus le fossé qui sépare les vrais créateurs de ceux qu’ils ont inspiré, en balançant des salves de colère froide qui s’incarnent autour d’un diptyque d’ouverture assez cathartique (« Factory » / »The Grind »). La guitare de Chris Spencer refuse toujours autant la franchise, et préfère découper des motifs pour les rendre tranchants et propres à nous refiler le tétanos, tandis que son chant, de plus en plus exhorté nous pousse dans le réalisme d’une cité urbaine qui n’a cure de ses laissés pour compte, et qui compte leurs cadavres s’amassant dans les rues aux lumières blafardes.
Dave profite de son rôle de producteur pour s’octroyer le volume de basse le plus conséquent de son parcours, et catapulte la frappe de Vincent, qui n’a jamais été aussi puissant. Le trio bénéficie donc d’une des cohérences les plus flagrantes et frappantes, bien au-delà d’un Wreck qui parfois, jouait un peu plus bas pour ne pas trop provoquer le destin.
Impossible de ne retenir que l’un ou l’autre des segments de ce nouveau malaise, puisque la chose s’appréhende en globalité, même si certaines interventions glacent peut-être plus les sangs. Ainsi, le rigide « Lung » nous arrache la plèvre et incendie nos poumons de sa construction en hypnose instrumentale, alors que la voix de Chris semble exhorter ses derniers commandements avant le trépas. Le final « Avail » fait aussi partie des mises en terre les plus implacables de l’histoire du Noisy Core, avec ses assauts d’une intensité à faire pâlir un NEUROSIS pourtant rompu à l’exercice du Sludgecore le plus empêtré dans la boue. Basse qui gronde en avant, guitare qui lancine en arrière-plan, pour une longue plainte sourde engourdissant nos tympans de ses graves en leitmotiv, et de ses itérations souffreteuses qui soudain se font lacérer d’une lame en hurlement d’âme. On retombe parfois sur nos pas, et sur les leurs, lorsque « Distance » mesure celle qui sépare le UNSANE 2017 de celui des origines, et qui retrouve l’écho de ces fulgurances qui plantaient le décor, en striant de riffs gluants le Post Punk des années 80, et le Hardcore de la même époque, en maltraitant leurs thématiques de mélodies acides. Mais ne vous leurrez pas, même en vieillissant, Chris, Dave et Vincent ne changent pas. Ils ne sont pas devenus plus méchants ou plus posés, ils sont resté les mêmes, ceux que nous avons toujours connus, sur scène, ou dans la rue. Cette rue qu’ils ont hurlée comme personne, et qui continue d’effrayer tous ceux qui s’y trouvent à une heure avancée, ne sachant pas discerner des silhouettes cachées dans des recoins sans soleil et des impasses mortelles.
Quoiqu’il en soit, la lucidité, toujours la lucidité. L’orée des années Trump semble avoir tancé les musiciens au point de leur faire admettre en titre leur et notre propre situation, d’un désespéré « We’re Fucked » qui en dit long sur leurs attentes. Nous sommes baisé, nous sommes foutu, mais nous avons au moins le mérite de l’admettre au lieu de passer pour des optimistes obtus. Car là est la magie d’UNSANE, celle de nous rappeler notre condition de pauvre anecdote dans des livres d’histoire qui ne parleront jamais de nous, sauf en nous traitant comme des exclus. Sterilize montre la vie, la vraie, celle qui fait mal, et la met en bruit, en strates, en dissonances, en graves tenaces, et ne nous offusque même pas de sa franchise sans manières. Il n’est pas utile d’en faire lorsqu’on a une telle histoire derrière. Une histoire qui continue, et qui se nourrit de la détresse pour dresser un banquet en la mémoire d’hier.
Et de demain, puisque rien ne changera jamais.
Rien.
Titres de l'album:
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