Certains noms évoquent, c’est comme ça. Et quel nom plus évocateur que celui de VENOM pour tous les amoureux de l’extrême, qui à l’orée des années 80 attendaient que la nouvelle génération anglaise pousse encore plus loin le bordel instauré par MOTORHEAD ? A l’époque, le trio anglais incarnait le mal à l’état pur, l’abandon de toute aspiration technique au profit d’une course contre la montre et la bienséance, et surtout, des concerts brouillés de fumigènes, perturbés d’explosions, de hurlements diaboliques et de soli de basse exécutés comme à la parade sur une seule corde. Mais reconnaissons-le, le diptyque Welcome To Hell/Black Metal a posé des jalons, creusé des fondations, établi une norme transgressive que les groupes underground de toutes nations ont pillé, spécialement du côté de Los Angeles, San Franciso, Berlin, Essen, Stockholm et Oslo. On peut toujours gloser sur l’inspiration primaire, digresser sur le manque d’ambition, il n’en reste pas moins que ces deux premiers albums font aujourd’hui partie du patrimoine Thrash n’Black au même titre que Morbid Tales, Deathcrush ou In The Sign Of The Black Mark. Sauf que le soufflé est retombé aussi vite qu’il n’est monté, et alors que les eighties fêtaient leur cinquième anniversaire et s’apprêtaient à glisser vers leur seconde moitié, nos trois amis de Newcastle ont connu eux aussi une lente descente aux enfers, empilant les disques purement anecdotiques recyclant leur pseudo savoir-faire dans des arrangements cacophoniques dissimulant avec peine une pauvreté d’inspiration flagrante. Je l’avoue, j’aime toujours à l’occasion jeter une oreille sur le grotesque At War With Satan, et je confie de temps à autres mon paganisme de surface au bon vouloir de Possessed, histoire de passer le temps et de rester lové aux creux de ténèbres rassurantes. Mais autant dire que VENOM, depuis 1984 n’est plus que l’ombre de lui-même, et une sorte de grande famille qui se querelle et se déchire pour un oui pour un mi, et qui ne parvient plus à retrouver l’essence originelle si ce n’est par à-coups, et en misant sur une nostalgie que les oldies incarnent avec brio en concert, quelle que soit l’incarnation.
Cronos, Mantas et Abaddon, c’est cette relation amour-haine qui depuis trente ans pollue des disques de plus en plus anecdotiques, eux qui n’ont plus joué ensemble depuis Cast In Stone qui célébrait en grandes pompes leur comeback. Mais nous avons plus volontiers eu droit à deux entités séparées se partageant le nom avec force batailles légales, à tel point que parfois, deux œuvres consécutives se reposaient sur deux line-up différents. Calm Before The Storm fêtait le départ de Mantas en solo, alors que Prime Evil, le dernier bon truc publié sous la bannière d’origine accordait à Mantas et Abaddon un crédit supplémentaire, dégagé des obligations contractuelles envers leur tempétueux leader. Depuis ? Pas grand-chose, et surtout, un non-sens absolu depuis l’année dernière et la création du sidekick VENOM INC, cautionné par Nuclear Blast, en parallèle du VENOM officiel, mené depuis dix ans par Cronos, John « Rage » Stuart Dixon et Daniel « Danté » Jon Needham depuis le moyennement indispensable Fallen Angel. Deux VENOM pour le prix d’un ? Pourquoi pas, je ne suis pas contre un bargain après tout, mais une fois encore, et malgré la multiplicité, 1+1 n’égale pas 2 chez les anglais, puisqu’après la déconvenue de Avé, publié l’année dernière par Mantas et Abaddon, Storm The Gates vient fausser l’équation de ses maladresses et de ses redites, tout en se plaçant largement au-dessus de son homologue de traîtrise. Et de fait, cette question pas si futile que ça finit par se poser d’elle-même. Le nom de VENOM a-t-il une quelconque importance en 2018 ? Qu’il soit décliné d’un côté comme une marque déposée et de l’autre comme une garantie historique, il n’en demeure pas moins qu’en chaque occurrence, il nous délivre le même message, mais puisqu’il faut bien choisir un camp pour ne pas cautionner le mauvais, mon cœur balance clairement du côté de Cronos, celui qui depuis les débuts porte encore les germes de la discorde et sait nous haranguer de sa voix de moins en moins harmonieuse et digne d’enfers qui chauffent encore plus que sa rancœur envers ses anciens comparses. Et au vu des atrocités musicales proférées par VENOM INC en 2017, ce Storm The Gates n’en est que plus jouissif, quoique largement perfectible dans tous les secteurs de jeu, y compris celui de la création, un peu feignante sur les bords et se satisfaisant parfaitement d’un classicisme que Cronos a toujours prôné.
En substance, ce quinzième album studio et troisième du line-up déjà évoqué est loin d’être mauvais. Il succède trois ans plus tard au plutôt joyeux From the Very Depths, légèrement enthousiasmant mais moyen, et semble redresser un cap qu’on sentait erratique, se concentrant sur ce que le VENOM de Cronos sait faire de mieux, un genre de Proto-Thrash pas forcément adapté à son époque, mais pas si passéiste qu’on aurait pu le craindre. Certes, et encore une fois selon la tradition, la moitié des morceaux est à jeter aux oubliettes de l’extrême, et le pilotage automatique se fait sentir en plus d’une occasion, mais avouons quand même que le trio a fait preuve de suffisamment d’efficacité pour convaincre les plus récalcitrants, ceux-là même qui ont abandonné la fanbase depuis le milieu des années 90. Et après une trajectoire digne d’une telenovela au rabais, des échanges fumeux, des déclarations à l’emporte-pièce et des œuvres bâclées pour marcher sur les platebandes de l’autre, autant dire que la solidité est au rendez-vous, et que trente minutes sur les cinquante-trois proposées tiennent largement la route, au moins aussi bien que n’importe quel combo vintage pillant justement les coffres mal fermés par les anglais lorsqu’ils ont mis la clef sous la porte après Possessed. Sans vraiment se départir de ses instincts les plus primaires, Conrad a plus ou moins bouché les trous, et nous offre même parfois des morceaux à la douce empreinte mystique, à l’image de ce très réussi et ésotérique « Over My Dead Body », un peu souffreteux sur les bords mais disposant de quelques éclairs mélodiques bien sentis, immédiatement tamisés par des accélérations purement Thrash. Et en parlant de Thrash justement, « I Dark Lord » fait admirablement bien le job de remise en mémoire, histoire de rappeler à la jeune génération que ce vilain chevelu était là avant tout le monde. C’est lourd, tendu, teigneux, et beaucoup plus crédible que bien des tentatives d’antan, même si la linéarité du tout condamne le projet à un statisme que les plus exigeants (mais en reste-t-il encore ?) ne pardonneront pas.
Il y a donc de bonnes choses sur ce nouvel album, des moins bonnes, des pas bonnes du tout, respectant le faux équilibre instauré par le trio à la fin des années 2000. Si « Bring Out Your Dead » respecte à la lettre le cahier des charges du VENOM de l’orée des années 80, avec son contretemps étudié et son riff régurgité, si « 100 Miles to Hell » est assez poisseux pour se faire une place dans l’histoire, si « Dark Night (of the Soul) » retrouve l’esprit tongue in cheek de Cronos et ses hymnes à la débauche Rock n’Roll, d’autres sont plus crétins, et purement exutoires, comme « We the Loud » qui sonne comme un hymne arrivant un peu tard pour redorer le blason, tout comme le final « Storm the Gates » qui aurait pu égayer quelque peu Welcome To Hell il y a presque quarante ans. Seulement, il y a quelque chose que le VENOM officiel a, et que le succédané VENOM INC n’aura jamais. Cette voix passée au papier de verre, chantant ses horreurs d’une tonalité paraissant dégagée mais toujours juvénile, cette voix qui nous a chopé aux burnes à l’entame d’eighties qui allaient se révéler excessives dans tous les domaines. Et cette voix un peu voilée est toujours en forme en 2018, transformant le détail d’un quinzième album en histoire d’amour impérissable. Peu importe qu’une heure de VENOM soit beaucoup trop, pour peu qu’elle nous permette de nous enivrer de ce timbre au papier de verre émanant d’un gosier plus si vert. Alors oui, VENOM en 2018 veut toujours dire quelque chose. Il veut dire que le venin coule toujours dans nos veines alors que nous buvons le vomi d’un prêtre.
Titres de l’album :
01. Bring Out Your Dead
02. Notorious
03. I Dark Lord
04. 100 Miles to Hell
05. Dark Night (of the Soul)
06. Beaten to a Pulp
07. Destroyer
08. The Mighty Have Fallen
09. Over My Dead Body
10. Suffering Dictates
11. We the Loud
12. Immortal
13. Storm the Gates
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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