Passons immédiatement sur cette pochette vert fluo ultra moche, qui agace les yeux et ne donne pas vraiment envie de savoir ce qui se cache derrière. Dommage, car le contenu est beaucoup plus intéressant que le contenant, et d’une violence assez rare. Moi qui pensais m’être pris la claque Crossover de la semaine en chroniquant le dernier DRAIN, j’ai dû revoir ma copie et décerner aux espagnols d’ELECTRIKEEL la palme de l’effort le plus brutal du cru.
La pochette est donc très vilaine, le nom peu inspiré, mais la musique, totalement décomplexée et exubérante. Pour un premier long, ce power-trio de Pampelune a fait preuve d’une maturité intéressante, et d’un sens de l’à-propos rythmique très affuté. Fondé en 2019, et déjà auteur d’un EP la même année, ELECTRIKEEL se veut chaînon manquant entre le Crossover, le Thrash et le Death, et délivre une prestation haute en couleurs, comme en témoignent celles choisies pour illustrer cette pochette facilement oubliable.
Xabier Rekalde (basse/chant), Asier Bendoiro (guitare/chant) et Jon Laguna (batterie et dernier arrivé) sont donc des pros acquis à la cause d’une violence saine et joyeuse, quelque part entre un SODOM très joueur, un MUNICIPAL WASTE en débardeur, et un POWER TRIP en mode éboueur de la Californie des années 80. Un voyage éclair donc, dans les tréfonds de l’histoire du Thrash mâtiné de Hardcore, plus puissant que n’importe quelle planche de skate d’époque, et plus rapide que l’éclair qui frappe parfois deux fois au même endroit. Et visiblement, la tête de ces trois larrons fait un objectif multiple plus que probable.
En mode roue-libre, le trio chauffe la piste, déboule sans crier gare, et garde son intensité intacte du début à la fin. Si quelques chroniques sur le Net frisent le crime de lèse-majesté en arguant du caractère générique de ce produit, autant vous faire une opinion par vous-même. Car si en effet, certains riffs semble téléguidés et certains morceaux un peu faciles dans le dos, l’ensemble tient méchamment debout et secoue les puces d’un vieux clébard qui traîne dans les rues depuis quelques années.
Mais ne pensez pas pour autant que ces marsouins ne soient que des branleurs bruitistes incapables de sortir de leur instrument autre chose qu’une litanie connue d’avance. Car ces sagouins savent jouer, et si le cadre est formel, ce qui en dépasse est assez remarquable. Entre des soli vraiment surchauffés et des lignes de basse concentriques à la Steve Harris joyeusement atteint par des champignons maison, Straight Outta Depths balaie les hauts fonds pour en extraire les espèces les plus méchantes et menaçantes. Pour ce faire, les espagnols n’hésitent pas à taquiner le Punk et le Hardcore, citant parfois TANK et MOTORHEAD (« Cold Fire, Dark Light »), ou des choses plus contemporaines comme CRIMSON SLAUGHTER, dont ils pourraient être les petits frères hyperactifs et incontrôlables (« The Crawl Of The Deceased »)
En termes d’efficacité, rien de plus probant sur le marché. En matière de vitesse, une grosse claque sur les fesses. Les ibères sont en colère, et tiennent à ce que tout le monde le sache. Alors on agite, on trépide, on accélère et on bouscule grand-mère, parce qu’on n’a pas le temps de chercher un t-shirt propre autre que celui de VIO-LENCE qu’on arbore tous les jours.
C’est certes très linéaire, peu surprenant, mais tellement dynamité qu’on excuse le manque de culot assumé. Mais le but de l’opération n’étant pas de faire jouer les prolongations à l’originalité, il est atteint sans problème, et pourra drainer dans son sillage les amateurs de Crossover d’horreur, les accros aux BPM illimités, et autres fondus du casque de lignes vocales régurgitées comme après ingestion d’une quantité déraisonnable de bière bon marché.
Néanmoins, et puisqu’il y a un néant et un moins, l’insertion d’un segment plus progressif eut été fort apprécié. Certes, « Hate Eternal » joue plus ou moins ce rôle de son Heavy pas drôle, « The Xenomorph » nous écrase de son approche martiale et subtilement Industrielle (du moins sur ses premières mesures, avant d’emballer Paulette dans la sciure), mais on sent les mecs capables de se transcender pour proposer quelque chose de tellement ambitieux que la vague old-school n’aurait qu’à se retirer de la grève sous les huées.
Et comme en sus, le sprint se termine sur une reprise tout à fait dispensable de THE OFFSPRING (et quasiment méconnaissable), l’impression de perfection dans la déraison en prend un petit coup, mais pas assez pour donner trop de mou.
ELECTRIKEEL est donc malgré son nom et sa pochette aussi ignoble qu’un faux vignoble un sacré espoir de la scène ibérique, qui ose Thrash pour fracasser Thrashcore, et qui défonce Metal pour mieux décaler Hardcore. De quoi sustenter les malandrins les plus dévoyés, et se faire une petite cure de Juvamine frelaté.
Titres de l’album:
01. Itsasherensuge (Intro)
02. Straight Outta Depths
03. We Were War
04. Beer Fueled Machine
05. Cold Fire, Dark Light
06. The Crawl Of The Deceased
07. Lightless World
08. Kingslayers
09. Hate Eternal
10. Punks
11. The Xenomorph
12. Till We Die
13. Da Hui (THE OFFSPRING Cover)
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