Ils m’ont eu dès la pochette. Fabuleuse, colorée, attirante et bourrée de références, entre Ghostbusters, Terminator, Star Wars, Last Action Hero, nous sommes entre gens de bonne compagnie, à la culture Pop très affirmée. Mais un superbe artwork est une chose, et une excellente musique une autre. Sinon, RISK serait devenu le plus grand groupe de Thrash de sa génération. Alors ne nous laissons pas abuser par une accroche visuelle, aussi parfaite soit-elle.
Sauf que dans le cas des EIGHT SINS, le contenu vaut largement le contenant.
Ces petits malins agitent l’underground et leur bonne vieille ville de Grenoble depuis 2006. Nous sommes donc face à des musiciens accomplis, à la démarche aguerrie, mais qui étaient étrangement restés silencieux depuis la parution d’un troisième EP en 2018. Leur second longue-durée accusait lui huit ans d’âge, il était donc temps de se rappeler au bon souvenir d’une fanbase dévouée, fanbase ayant acclamé le groupe live lors de ses prestations en compagnie de WALLS OF JERICHO, AGNOSTIC FRONT, TERROR, MUNICIPAL WASTE, MADBALL, ou SICK OF IT ALL.
Mikael (basse), Julien (batterie), Arnaud (guitare) et Loïc (chant) reviennent donc nous les bouffer en mode pitbull qui louche sur les guiboles. Straight to Namek nous propulse donc dans l’espace-temps, à la recherche du Crossover perdu, celui joué par la nouvelle génération des MUNICIPAL WASTE, GAMA BOMB et autres TOXIC HOLOCAUST. Et le voyage est pour le moins mouvementé, le groupe piochant dans les poches des actionnaires Thrash sans vergogne.
EIGHT SINS, c’est plus que du Thrash, évidemment, et même plus que du Crossover. C’est un Thrash joué avec la pugnacité du Hardcore, décochant des uppercuts comme Nadine Morano des punchlines maladroites, et nous plaquant au sol plus brutalement que deux sagouins de la BAC à l’esprit revanchard. Si les grenoblois rajoutent un pêché capital à la liste traditionnelle des sept, ils prônent eux-mêmes les vertus cardinales de tout bon thrasheur qui se respecte, et qui saccade, grogne, moshe, slamme, dunk et panier à trois points.
Cette musique est à l’image de cette pochette. Ludique, fun, agressive et cinématographique. Une saine violence qui emprunte au Thrash l’épaisseur de ses riffs pour plomber une rythmique purement Hardcore et des chœurs ne l’étant pas moins.
Produit avec maestria, Straight to Namek est une affaire sérieuse qui aime bien déconner. Les nombreux inserts de samples rigolos viennent alléger un instrumental costaud et épais, sans les faire glisser du côté de la gaudriole impardonnable dans un tel contexte. Et entre un AGNOSTIC FRONT sur le ring et un GAMA BOMB entartant Sting, EIGHT SINS n’attend pas la cloche pour nous étaler. Dès le premier coup, le pif éclate dans une gerbe de sang, et les yeux se plissent de douleur. Pourtant, on sent que les intentions sont louables et généreuses. « Acid Hole » le souligne même de sa fusion SLAYER/SICK OF IT ALL, BPM en avant et voix qui se mélangent sur un tempo virevoltant. Mixé avec précision mais sans perdre en puissance, ce troisième album vise la perfection dans son genre, et déroule le tapis rouge d’un voyage intersidéral qui n’est pas de tout repos.
Composé dans l’optique de performances live musclées, Straight to Namek est un ticket pour le straight to Thrash heaven, une promenade pas forcément de santé, mais avant tout un travail de passionnés. Les mecs sont toujours aussi doués au moment de nous les écraser, et les nombreux passages en drop et beatdown ne font qu’accentuer la pesanteur que l‘on subit par les tympans.
Comme une remontée des profondeurs sans marquer de pallier de décompression, Straight to Namek est une blague sérieuse, une galéjade profonde, mais surtout, et plus que tout, un exutoire fabuleux à cette humeur maussade ambiante qui nous plombe l’hiver plus efficacement qu’un rappel des impôts.
« Last Action Zero » et son clin d’œil fumeux, « Cops Panic », rapide et lapidaire, « Slime River », poisseux comme des nénuphars dans les cheveux, le tour d’horizon donne envie de sortir de la maison pour beugler comme un damné. D’humeur plutôt chafouine ce matin, je me suis vu gesticuler comme un pantin manipulé par un marionnettiste fan de Max Cavalera, les deux jambes par-dessus la tête et le chef coincé entre les cuisses.
Difficile de ne pas se laisser convaincre par un album aussi frais que professionnel. Quelques interludes amusants en samples bien placés ne viennent pas interrompre la bonne marche de la manifestation tout sauf pacifique, et les vingt-trois minutes de Crossover passent aussi vite qu’un concert de WEHRMACHT donné au débotté devant un fast-food quelconque.
Ramage + plumage = meilleur hôte de ces bois. Des bois bizarres, des branches qui pendent, mais des guides à qui on ne la fait plus.
Rendez-vous à Namek les mecs.
Titres de l’album:
01. Enter Namek
02. Acid Hole
03. Last Action Zero
04. Cops Panic
05. San Gueko
06. Slime River
07. Street Trash
08. Straight To Namek
09. Slice Of Doom
10. Too Old For This Shit
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