Strange Days

The Struts

16/10/2020

Interscope

Surprenant de commencer un album avec un titre doux/amer comme « Strange Days », et même en invitant la légende Robbie Williams en guest. Encore plus lorsqu’on s’appelle THE STRUTS et qu’on a déjà dégainé par deux fois deux salves touchant le centre de la cible Rock. Mais plus rien ne m’étonne de la part des anglais qui n’ont jamais fait les choses comme tout le monde, mais qui les ont comprises mieux que quiconque. Je le clame depuis leurs débuts, je l’ai hurlé lors de la sortie d’Everybody Wants, je l’ai martelé lorsque la suite Young & Dangerous est venue caresser mes oreilles, mais ces quatre-là sont les seuls dignes descendants de Bowie, de Marc Bolan, de SWEET et SLADE, et ont porté le Rock british à bout de bras ces dernières années. Qui mieux qu’eux peut résumer le parcours musical seventies du Royaume-Uni, qui est capable de composer ces hymnes teen que Marc chérissait tant du temps de sa gloire, qui d’autre est capable de défier QUEEN sur son propre terrain de grandiloquence, personne, et ce troisième album qui intervient deux ans après le hit mondial Young & Dangerous vient le rappeler de la plus troublante des façons. Il eut été facile pour le groupe de renouveler tacitement le contrat passé par leur précédent pavé, et nous resservir encore chaudes d’autres versions de « Body Talks », « Primadonna Like Me » ou « Who Am I », mais à l’inverse de leurs petits camarades, ces lads-là sont des bosseurs, et détestent se répéter, car ça leur donne l’air trop stupide. Alors, évidemment, Strange Days change légèrement la donne, ce qu’on comprend dès ce fameux premier titre à l’invité prestigieux, mais ne va pas pour autant frapper sur la tombe de Jim Morisson pour trouver son inspiration. Car son inspiration reste sur les terres de la perfide Albion, et se permet même de synthétiser encore une fois quatre décennies de domination du pays sur le monde du Rock.

Encore une fois produit par Jon Levine, ce troisième LP de la bande (Luke Spiller (chant), Adam Slack (guitare), Jed Elliott (basse) et Gethin Davies (batterie)) est moins immédiat, s’apprivoise avec plus de patience, et ne mise pas forcément tout sur les hymnes adolescents auxquels le quatuor nous avait habitués. Oh bien sûr, on en retrouve une bonne poignée, mais le son se fait plus fin, plus allusif, et les invités se multiplient, mais loin de servir de caution ou de gimmicks, ils prouvent l’allégeance du combo au patrimoine Classic Rock de son pays…mais aussi d’ailleurs. C’est sans doute pour ça que l’on valide cette étrange collaboration avec Tom « RATM » Morello sur l’incendiaire « Wild Child », plus proche de DEF LEPARD que de Zach de la Rocha, et sur laquelle Tom est venu plaquer quelques riffs zeppeliniens, donnant une touche plus brute à ce troisième chapitre. Et en parlant de DEF LEPPARD, on retrouve justement deux de ses héros sur « I Hate How Much I Want You », avec Phil Collen & Joe Elliott venus s’éclater sur un tube boogie que leur héros commun T-REX aurait pu populariser sur le plateau de Top of the Pops dans les années 70. On constate donc de la variété dans l’approche, une volonté de diversité et d’ouverture, de ne plus se contenter de slogans faciles qui font vibrer les fans, et d’approfondir le background musical pour sonner non plus mature, puisque les STRUTS resteront à jamais ces indécrottables branleurs, mais pour offrir au public un peu plus d’écho, et une visite guidé des coffres forts de la musique anglaise. Et une fois encore, entre ces giclées de riffs stoniens, cette rythmique souple et polyvalente, ce sont les lignes vocales du fantasque Luke Spiller qu’on remarque le plus. Lui, le dégingandé, le frimeur, le shampouiné, le fardé et bouclé, qui s’amuse encore à singer Bolan, Bowie, Mercury, Jagger et même Tom Jones parfois, et qui en rajoute des couches, en fait des caisses, et roule les r comme un John Lydon au regard perçant.

Le groupe est donc toujours aussi détendu, mais plus performant sur la durée, et nous a concocté un album qui va prendre du temps à être digéré et disséqué. D’ailleurs, les quatre potes n’ont pas hésité au moment de se lâcher, osant des morceaux de plus de six minutes reposant sur des gimmicks de basse et du scat vocal, avec le très Keith Richards « Cool », qui tient la rampe et garde son souffle même après un effort sur le chrono. Mais même si le groupe l’est, j’ai toujours autant de mal à le qualifier de cool, puisque son attitude est trop sincère et bravache pour accepter un tel raccourci. Alors non, les STRUTS ne sont pas cool, ils sont rigoureux, soignent tous les détails, la moindre blague, pour signer l’opus le plus personnel de leur carrière, et celui qui trahit de plus en plus leur passion pour la culture anglaise depuis leurs débuts. C’est d’ailleurs sur Strange Days que le travail incroyable de Jed Elliott à la basse apparaît le plus solide et creusé, avec ces boucles typiquement seventies qu’il réactualise 2K, ce qu’on remarque sur le bluesy « Burn It Down ». Le bassiste se rapproche donc parfois de ses modèles John Deacon et John Entwistle, qui en plus du rôle de pivot, acceptaient souvent celui d’arrangeur de la musique, pour lui permettre plus de mélodies et de souplesse. Et en parlant de génération justement, les STRUTS se confrontent à la leur en ouvrant la porte à Albert Hammond Jr, leader des STROKES, mais aussi auteur d’une pelletée d’albums en solo, et venu serrer des mains sur l’irrésistible « Another Hit Of Showmanship », plus nostalgique que le reste des entrées.

Très finement pensé, Strange Days montre que les STRUTS ont bien compris qu’ils ne pouvaient plus tabler sur l’étiquette de révélation, mais qu’ils devaient maintenant assumer leur statut de groupe majeur. Après tout, après des tournées en support de FOO FIGHTERS, des ROLLING STONES, des WHO, ou de MÖTLEY CRÜE et beaucoup d’autres, il fallait bien prendre son envol en tant que tête d’affiche, ce qui n’a pas empêché les anglais de nous refaire le coup du boogie hot à la « Body Talk » avec l’imparable « Can’t Sleep », leur marque de fabrique. Et c’est ainsi que les chansons défilent, à bonne vitesse, nous révélant la richesse d’un LP qui ne ménage pas ses efforts pour sonner plus adulte, sans perdre cette indispensable énergie juvénile. En clôture, nous avons même droit au velours et à la soie, avec « Am I Talking To The Champagne (Or Talking To You) », débordant de stupre et invitant à un after qui s’annonce pour le moins chaud. Le son de l’album est lui aussi plus profond, moins direct, les basses caressent dans le sens du poil, la guitare sonne cristalline, et le chant de Spiller, sans perdre de son caractère gouailleur, accepte aussi ce vieillissement. Mais qui dit vieillissement ne dit pas accalmie, et Strange Days est encore loin du triple LP conceptuel et de Quadrophenia. Mais il est le plus digne successeur de Young & Dangerous que le quatuor de Derby pouvait nous offrir, restant jeune, toujours aussi dangereux, mais plus réfléchi et sournois.                  

  

                                                                                                                   

Titres de l’album:

01. Strange Days (feat. Robbie Williams)

02. All Dressed Up (With Nowhere To Go)

03. Do You Love Me

04. I Hate How Much I Want You (feat. Phil Collen & Joe Elliott)

05. Wild Child (feat. Tom Morello)

06. Cool

07. Burn It Down

08. Another Hit Of Showmanship (feat. Albert Hammond Jr.)

09. Can’t Sleep

10. Am I Talking To The Champagne (Or Talking To You)


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par mortne2001 le 09/11/2020 à 15:48
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