On change d’ambiance, on oublie les couleurs, on oublie la folie gentiment débridée, et on se concentre sur des notions plus…enfin moins nuancées.
Pour ce faire, direction l’Italie histoire d’y rencontrer une quasi institution locale, qui depuis 2004 agite l’underground bruitiste à grands coups de rythmique de forcené, et de riffs torturés. Laquelle ?
Celle fondée par David (batterie) et Giorgio (guitare, basse et chant) en 2004 en Sicile, histoire de suivre les pas encore très marqués des cadors de l’extrême international, genre REPULSION, AUTOPSY, NAPALM DEATH, CARCASS et autres PUNGENT STENCH.
Pari réussi ?
En plus de dix ans et trois longue durée, je serais tenté de dire que oui, et justement ce troisième né, Stream of Shadows vient entériner le postulat de façon ferme, définitive et bien barrée.
Alors non, les HAEMOPHAGUS ne font pas dans la dentelle, et se vautrent dans le Horror Death comme un goret sans sa bauge, mais le font avec un enthousiasme putride qui suscite le nôtre, et qui ne s’embarrasse pas de principes pour piocher dans le répertoire des références énoncées, histoire de mettre en place sa propre boucherie sonore. Qui tourne à plein régime, et qui tranche beaucoup plus fin qu’il n’y paraît.
Les HAEMOPHAGUS ne sont pas de vulgaires massacreurs bas du front, connaissent par cœur leurs classiques qu’ils récitent à longueur de LP, mais qui ont en plus des citations personnelles à placer. Et ça, à vrai dire, dans le créneau du Death barbare à tendance Grind, leur permettrait même de faire office de leaders tant leurs compositions sont aussi terrassantes que créatives, ce qui est relativement rare dans le domaine. Mais on sait les Italiens friands de petites trouvailles qui permettent de renouveler les genres, et nos deux amis (trois avec Gioele à la guitare) le démontrent avec aplomb sur ce Stream of Shadows violemment fascinant, et rythmiquement intrigant.
Mais venant du pays qui a vu naître les RESURRECTURIS, plus rien ne m’étonne, et surtout pas l’originalité dans la continuité.
En gros, les HAEMOPHAGUS pourraient se percevoir comme un groupe ayant réussi l’hybridation entre le radicalisme morbide d’AUTOPSY, la précision rythmique de GOJIRA, et les exactions Gore de CARCASS, le tout arrosé d’une bonne dose de fantaisie thématique héritée de l’école transalpine de l’extrême. Quelques réminiscences du REPULSION le plus chafouin qui vont bien (d’ailleurs, les Italiens ont participé à un album hommage avec une reprise de « Excruciation » sur le Tribute To Repulsion), de soudaines accélérations, des allusions à BENEDICTION, en gros, une adaptation des racines du Death le plus primal dans un contexte anormal et contemporain, avec beaucoup d’idées, de pistes suivies et assumées, et de thèmes bien catchy qui retiennent l’attention toute la journée. Nous sommes donc bien loin de l’énième effort Brutal Death/Grind du mois, puisque les Italiens ont su garder leurs distances avec la linéarité sanglante, au point de se rapprocher parfois de la démence artistique des DISHARMONIC ORCHESTRA et PUNGENT STENCH, tout en sachant parfaitement ordonner des riffs à la AUTOPSY à intervalles réguliers.
Tout commence pourtant de façon assez traditionnelle, bien qu’on sente dès « Shadowline » des prétentions plutôt hors contexte dans le cadre d’un album de Death brutal et lapidaire. Riffs acides qui virevoltent, chant grave mais légèrement décalé pas forcément typique, subtiles accélérations à la ENTOMBED des jeunes années, mais surtout, une imbrication d’idées qui s’enchaînent avec fluidité et flair, sans laisser retomber la pression.
Ajoutez à ça une propension à étaler des passages en mid tempo salement mémorisables et costauds, et vous obtenez le premier hit de l’impossible, alors même qu’il reste encore treize morceaux…pas mal pour un groupe qui à la base se voulait hommage au Grind de son enfance…
Et alors que « Tombtown » exhale des effluves nauséabonds à la CANCER/UNLEASHED, « Blastmaniacom! » ne fait aucun mystère de son titre aveu, et multiplie les numéros d’équilibriste rythmique pour se rapprocher d’une version ludique des MORBID ANGEL, sans tout le décorum satanique de pacotille. Break soudain qui écrase le tempo, multiplicité des arrangements, heurts des plans qui se télescopent contre une fausse pesanteur vraiment agitée, c’est du grand art, simplifié pour coller à l’éthique, mais qui ose les dissonances, les débordements hors cadre…Enfin tout ce qui fait que le Death peut se montrer plus pertinent qu’une simple succession de hurlements plus ou moins agencés.
D’ailleurs « Deranger » se veut plus Heavy sombre que Death d’outre-tombe, malgré des soli stridents et des riffs bavant, et « Meteor Mind » traîne des pieds le long d’une route plongée dans les ténèbres, se guidant au son de chœurs soudainement interrompus par des blasts éclair, qui finalement accélèrent la course pour vous abriter sous un réverbère.
Autant de pistes en si peu de minutes, c’est pour le moins brillant, et surtout surprenant en prenant en compte le fait que les HAEMOPHAGUS ne versent jamais dans le Techno-Death (d’ailleurs, l’odeur de foire immédiatement fracassée de blasts les éloigne d’autant plus de cette orientation…surtout avec ce final digne de l’ambiance glauque de Carnival Of Souls…)
Et si « Innergetic » tente le Crossover CARCASS/DEATH en moins de deux minutes et trente secondes, Si « Infectious Domain » se contente de reprendre les recettes de Severed Survival, si « Unrestrained » fait presque la même chose en plus court, et si « The Darkest Trip » nous en donne un bon en multipliant les sextolets acides comme les proverbiaux petits pains, tout en tissant la toile la plus gluante de l’effort intégral, c’est justement parce que les Italiens refusent de brider leurs petites mains en raccommodant des accrocs déchirés depuis trop longtemps.
Certes, il faut rester attentif, certes, il faut admettre que le Death peut s’ouvrir à des influences extérieures (et heureusement d’ailleurs), mais en définitive, n’est-ce pas ce qui rend le genre plus intéressant ? Absolument.
De façon très personnelle et intelligente, Stream of Shadows transcende les codes et montre un groupe qui en dix ans a largement eu le temps d’affiner sa vision au point de devenir unique en son genre. HAEMOPHAGUS se pose donc en nouvelle référence d’un créneau qui n’en est pas un, tout en gardant son ADN d’origine, ce qui n’est pas une mince affaire. Death lourd et groovy, expérimental qui séduit, mais Grind traditionnel qui embellit. Avec chaque entrée qui dispose d’une vraie personnalité, ce troisième album des Italiens les propulse chiens dans un jeu de crânes, manipulateurs d’humour noir sur fond de bande sonore macabre, mais drôle et envoutante.
Un Death vivant en somme, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes les concernant.
Titres de l'album:
Je rajoute une couche avec l'album d'Anialator sorti en fin d'année dernière. Je l'ai beaucoup écouté et l'écoute encore avec plaisir.
22/04/2025, 19:35
Plus fan de Massacra que de Loudblast perso, même si je possède les deux premiers albums du groupe.
22/04/2025, 19:34
De mon côté j'ai toujours eu du respect pour le groupe même si ce n'est pas ma génération, je n'étais pas né quand ils se lançaient... Donc ils ne m'ont pas marqué comme ils ont pu le faire avec leurs fans de la prem(...)
22/04/2025, 17:35
Pour moi Loudblast, ce sont des suiveurs avec un bon train de retard sur ce qui se fait à chaque époque et Clearcut fait partie de cela... Bref, je ne suis pas très client de leurs albums, on m'avait chanté les louanges de Burial Ground, je me suis ennuyé..(...)
22/04/2025, 16:04
@RBD : ton dernier paragraphe est plein de vérité. Quant au pseudo DPD je préfère le laisser croire ce qu'il veut. Vu comment il écrit, il a pas dû encore sortir de l'école. J'encourage néanmoins les thr(...)
22/04/2025, 13:35
@Tourista : tu t'es trompé, la news sur les 40 ans de Loublast, c'est plus haut
21/04/2025, 20:53
Le Metal est parfois sur le fil du rasoir de la beauferie... Voire tombe carrément dedans.
21/04/2025, 11:45
Vidéo vue, merci.De mon côté, je préfère le son de Sublime à celui de Disincarnate et c'est aussi le style de death que j'affectionne. Bien lourd, posé et mid tempo tout en étant agressif. Par exemple, c'est pour cela qu(...)
20/04/2025, 18:02
Comme je le dis dans la vidéo, leur sommet c'est Desincarnate. Puis The Burial Ground. Je suis moins fan de Sublime.
20/04/2025, 14:08
Pour moi Loudblast c'est surtout Sublime Dementia et Cross the Threshold. (Quand à la vidéo je ne manquerai pas de la regarder ce soir).
20/04/2025, 12:45
Si je comprends, cette charge allait contre cette part non négligeable du public Metal qui reste bloquée aux groupes de leur jeunesse mais ont cessé de se tenir au courant dès qu'ils ont reçu des responsabilités (premier travail, première rela(...)
19/04/2025, 14:36
J'écrit comme un enfant de 5 ans ici et je dois encore ajouter des précisions, imagine le truc, peut-être que l'Ehpad c'est metalnews au final. Combien de personnes postent depuis leur lit de mort ici ?Le metal généraliste c'est d&eacut(...)
19/04/2025, 09:13
J'ai pas tenu 30 s...J'imagine qu'ils seront sur la mainstage au HELLFEST en juin prochain non ?
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Jus de cadavre, je parle pas des captations audio dans un instant précis, je crois d'ailleurs que certaines œuvres sont intemporelles, mais ce qu'il reste de ces gens aujourd'hui, c'est extrêmement différent. Bien entendu qu'il faut écoute(...)
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