Chroniquer le nouveau MORTUARY ?
Une question tout à fait inutile, puisque le quintet français dispose d’une aura inégalable sur la scène française, et que chacun de ses albums est une invitation qu’on ne peut se permettre de décliner. D’autant que le groupe de Nancy n’a rien proposé depuis son dernier long en 2019 (The Autophagous Reign, une tuerie encore efficace), si ce n’est cet EP paru à la volée en 2020. Alors, se voir annoncer une bordée de nouveaux titres à paraître en octobre est une belle surprise, et Sublime the Decline, fringuant et clinique, une nouvelle étrape sur le long chemin en massacre global des français.
Enregistré aux Hertz studios en Pologne (BEHEMOTH, VADER, NEPHREN-KA), et flanqué d’un sublime artwork de Stan Hauuy, Sublime the Decline a déjà fière allure avant même qu’on écoute la moindre de ses notes. Cette pochette percutante à tête de mort gigantesque indique déjà que le quintet n’a pas édulcoré son propos, et qu’il s’épanouit toujours dans un Death supersonique, épais, rapide, précis et lapidaire.
Dix morceaux, quarante-quatre minutes, la livraison respecte une moyenne, mais dépasse les attentes en termes de Death sans compromission mais ouvert aux suggestions. Depuis 1989, MORTUARY s’est forgé une personnalité unique, qui lui a permis de tourner avec les plus grands, ce que cette campagne de quinze jours en compagnie de VADER et ENTOMBED AD en 2018 a confirmé avec poigne. Toujours en forme, le monstre protéiforme défie toujours les lois de la gravité, alterne dissonances et puissance, blasts et frappes de biais, pour mieux atomiser la concurrence. Et la concurrence aura une nouvelle fois fort à faire pour se dépatouiller de ce bourbier.
Sublime the Decline est extrêmement bien pensé et agencé. Démonstration de force et de folie instrumentale, il renforce l’édifice et bouche quelques trous causés par le temps, et autres brèches creusées par les années. Il se présente sous la forme d’une rénovation tranquille, entre ravalement de façade et consolidation des fondations, pour mieux s’imposer dans le paysage extrême international. Et lorsque « Somewhere to Nowhere » explose en mode MARDUK/PANTERA (oui, c’est possible), on comprend immédiatement que la retraite n’est pas pour demain.
Avec cette entrée en matière tonitruante, MORTUARY met les pendules à l’heure de 2023. Agressivité intacte, puissance compacte, nuances précises, pour un style qui se permet de synthétiser le Death suédois, le Thrash américain, et l’équarrissage européen. Toujours aussi colérique et pugnace, le quintet choisit de nous broyer les tympans en guise de reprise de contact, mais cette façon de nous malmener est une véritable déclaration d’amour.
Celle formulée par un groupe envers son public qui ne l’a jamais abandonné, et pour cause. Puisque cet amour est bilatéral, et non égoïste. Et ces dix morceaux viennent à point nous prouver que la passion que nous ressentons est toujours aussi viable et logique.
Rythmiquement imparable, musicalement incomparable, ce septième album est une épiphanie de violence, qui nous ramène aux grandes heures de MASSACRA, AGRESSOR, LOUDBLAST et autres NO RETURN, la crème de la scène française qui donnait des leçons aux anglo-saxons, et dont MORTUARY a fait partie à l’époque de ses démos.
Mais 1989 est bien loin, alors que Sublime the Decline se conjugue au présent. Inutile de ramener le groupe à sa légende que tout le monde connaît, puisque sa pertinence actuelle empêche tout rapprochement temporel inutile. Avec ce nouveau disque incandescent, les nancéens nous bousculent non-stop, accumulant les heures sup’ en blasts ininterrompus, pour mieux concasser les doutes éventuels et imposer un Death fluide, progressif, et intuitif.
« Love With Clenched Fists », immense rouste qui laisse les joues cramoisies et les yeux noircis rattrape le temps perdu pour mieux nous en coller une bonne. Si la batterie trop compressée est parfois difficilement supportable, les guitares se déchirent dans un ballet de riffs barbelés, et le chant oscille entre vocifération infernale et litanie hivernale, quelque part entre la souffrance terminale et le suicide assisté.
Sec, net, Sublime the Decline est un os énorme que l’on ronge pendant des semaines. L’alternance entre sauvagerie et finesse est si parfaite qu’on extériorise sans complexe, et sans donner l’impression d’avaler sans mâcher. Le travail accompli est une fois encore monumental, et un hit de la trempe de « Sublime the Decline » justifie à lui seul tout l’intérêt que vous pourrez porter à l’œuvre en question.
Galerie des glaces d’un extrême français toujours aussi remonté, Sublime the Decline est un anoblissement dans les grandes largeurs. Les ambiances y sont moites, lourdes, putrides (« Oxygene »), totalement hystériques (« Specimen Zero » malgré son intro en mode double grosse caisse 8-bits), étouffantes et oppressantes (« Reverse The Playmode », et ses syncopes très bien placées), ou plus généralement, violentes, mais non dénuées d’empathie.
MORTUARY évite depuis des décennies le moindre faux pas. Et Sublime the Decline n’a aucune peine à sublimer le déclin, celui d’une civilisation qui mérite une bande-son à la hauteur de son inconscience. Un monde à l’agonie, écrasé par la canicule, les tremblements de terre, ouragans, typhons, tempêtes, inondations, famine, pollution et autres conséquences d’un égoïsme qui va nous engloutir.
MORTUARY sonne les trompettes de Jéricho. Vous aviez pourtant été prévenus.
Titres de l’album:
01. Somewhere to Nowhere
02. Love With Clenched Fists
03. Sublime the Decline
04. Some Meat to Eat
05. Screens and Mirrors
06. Spit The Light On This World - Postponed Miracles
07. Oxygene
08. Specimen Zero
09. Reverse The Playmode
10. A Morning In Mourning
Merci pour cette fantastique chronique. Tout est si bien relaté et résumé, cela fait plaisir et nous pousse encore vers demain et après....
Ouch ! J'attends vraiment avec impatience la release party du 18 novembre...
Le son du précédent ne m'avait totalement séduit, une production trop propre pour mes goûts à la maison mais en live, c'est toujours une véritable boucherie ce groupe et ils forcent le respect les gaillards ! Vraiment un des groupes de l'underground français qui méritent tellement plus que leur statut actuel, tellement tellement plus, ils devraient, selon moi, avoir une stature au moins européenne. J'espère que cet album leur offrira cette étape.
Merci encore pensées pendant l'écoute impnaz.
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30