Denver, Colorado, Death Metal, Profound Lore Records. Si avec ça vous croyez encore au Père Noël qui va gentiment vous apporter des cadeaux en passant par une cheminée fraichement ramonée, allez-vous faire bander les pieds comme une danseuse du Bolchoï. Désolé, mais ces indications vous en disent assez pour que vous compreniez que la demi-heure à venir va être des plus éprouvantes, les groupes de Denver n’étant pas les plus complaisants des Etats-Unis. Enfin complaisants, si, d’une certaine façon, dans la violence, chaque musicien local essayant de faire pire que son voisin d’en face, réussissant la plupart du temps à invoquer plus de démons dans sa cave. J’ai toujours accordé ma confiance à Profound Lore Records pour aller dénicher dans le caniveau le nouveau groupe de dépravés à la mode, mais autant dire qu’avec ce troisième longue-durée des marsouins d’OF FEATHER AND BONE, la maison de disques s’est surpassée. Pourtant, rien au départ ne prédisposait ce trio à faire partie des forces les plus vives de la scène Death Metal, leur style de départ évoquant plus volontiers un Punk-Hardcore poussif qu’une imitation crédible de MORBID ANGEL. Mais depuis Bestial Hymns of Perversion, la donne a changé, et le Metal de la mort de ces trois cramés a de quoi rivaliser avec les pires exactions mondiales. Inutile avant d’écouter Sulfuric Disintegration d’espérer un Death fin du colon aux déjections supportables. OF FEATHER AND BONE ne verse pas dans le goudron et les plumes sympathiques et imagées du western, mais plutôt dans l’écorchement intégral du Martyrs de Pascal Laugier. En gros, imaginez plutôt la scène de la baignoire dans Buio Omega de Joe D'Amato, et visualisez cette pauvre victime à la poitrine opulente fondre comme neige au soleil pour avoir une indication précise des sévices qui vous attendent. Et ces derniers font très mal aux oreilles.
Pour faire simple, le trio (Alvino Salcedo - basse/chant, Preston Weippert - batterie et Dave Grant - guitare/chant) synthétise en quelque sorte l’art consommé de valeurs sures comme IMMOLATION, SUFFOCATION, MORBID ANGEL et BOLT THROWER, dont ils multiplient la vitesse et la méchanceté par dix pour obtenir la méthode de massacre la plus efficace qui soit. Leur Death Metal ne pue pas, il empeste la vilénie et la violence la plus crue, celle qui jonche les trottoirs les plus encombrés des cités de violence. Rois du riff prétexte à la débauche de décibels, les américains jouent la carte de l’outrance et de la gravité sans faire semblant, et c’est ce jusque-boutisme qui les rend si indispensables à la scène. Ici, tout est gras et grave, les blasts sont supersoniques, les riffs se mordent la queue, et le chant ressemble à s’y méprendre à une régurgitation instantanée après une overdose de mauvais vin. Pour autant, inutile de vous attendre à une épiphanie de chaos gratuite, puisque le talent d’OF FEATHER AND BONE est justement de rendre audible le bruit, et palpable la douleur. Et si leurs morceaux se ressemblent ostensiblement, ils n’en gardent pas moins chacun leur propre patine, certains éléments de Doom/Death parvenant à se tailler un bout de chemin au travers du charnier.
Six morceaux, trente minutes de chaos, l’opération est parfaite et le résultat absolument terrible et traumatisant. Et c’est après une très courte intro que la bataille commence avec les cris sourds de Salcedo, avant que la mitrailleuse de Weippert ne se mette à cartonner dans toutes les directions. Petits coups de vibrato pour entretenir l’hystérie, glissando sadique pour taillader les chairs, la méthode du groupe est d’usage mais portée à son paroxysme. Aucune respiration pour vous sortir la tête hors de l’eau, et Sulfuric Disintegration ressemble à une apnée en pleine nuit dans un marécage où personne ne vous retrouvera jamais. Enregistré au Juggernaut Audio par Ben Romsdahl, produit, mixé et masterisé par Arthur Rizk, ce troisième album de la bande de Denver n’est rien de moins qu’un manuel précis à l’usage des psychopathes les moins recommandables de la planète, et la bande-son idéale pour un meurtre commis en toute immunité. Même l’artwork confus de Stewart Cole flanqué du logo indéchiffrable accentue cette impression de magma qui grouille sous nos pieds, comme des sables mouvants vous avalant progressivement. Alternant les séquences de vitesse pure et les décélérations à s’en prendre 6G dans la tronche, Sulfuric Disintegration est un modèle de bestialité, le genre de défouloir qui poussera Charles Ingalls à laisser de côté ses buches pour régler son compte à la niaise Caroline.
Et si « Regurgitated Communion » et « Entropic Self Immolation » répondent aux mêmes besoins viscéraux de violence brute et intense, le centre de l’album laisse une autre odeur passer par la fenêtre ouverte, nous laissant humer le parfum délicat d’un marigot débordant de cadavres ou d’une canalisation bouchée par de la cire humaine. On se croirait revenu à l’époque de notre regretté Ed Gein, ou même aux temps glorieux d’Albert Fish, lorsque l’horreur la plus indicible faisait la une des journaux. Toujours aussi performants quand il s’agit de mettre en relief les aspects les plus néfastes de la nature humaine, OF FEATHER AND BONE n’en reste pas moins un ensemble de redoutables techniciens qui savent encore ce que le terme « composer » veut dire. Loin de l’amalgame de plumes et de goudron, leur musique agit comme un acide qui vous ronge les nerfs auditifs, et qui vous laisse sous un déluge d’acouphènes. Et lorsque le cryptique « Noctemnania », avec ses parties lentes dignes d’un ENCOFFINATION vraiment déprimé entre en jeu, on comprend que le cas du trio est sans espoir, et la sentence sans appel. Ne reste plus à « Consecrated And Consumed » qu’à enfoncer le clou, et à « Baptized In Boiling Phlegm » de nous laisser sur une sensation de nausée qu’aucun parfum ne saurait dissiper.
Un album à réserver à la frange la plus dure et barge des fans de Death extrême, mais qui incarne une sorte d’acmé d’intensité que peut peuvent prétendre égaler. La marque des plus grands désaxés.
Titres de l’album:
01. Regurgitated Communion
02. Entropic Self Immolation
03. Noctemnania
04. Consecrated And Consumed
05. Sulfuric Sodomy (Disintegration Of Christ)
06. Baptized In Boiling Phlegm
Une des baffes de 2020. Y a pas à chier la scène Death Metal nord-américaine a su se renouveler et nous propose des trucs de plus en plus sauvages et violents tout en gardant les pieds dans la tradition. Et ça moi ça me plait !
Excellent.
100% d'accord avec la chro et Jus de cadavre !
Dans mon top 5 de l'année 2020. Du death metal qui se veut transgressif et repoussant, comme à la grande époque. Et moi, ça me mets en joie...
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15
Si je comprends bien il n'y a qu'un seul membre d'origine ? et évidemment que c'est un tribute band, comment l'appeler autrement. à ce point autant commencer un nouveau groupe avec un clin d'oeil, pour affirmer une certaine continuité. Faut assum(...)
06/05/2025, 05:51
Perso, je suis plutôt preneur ! Reste plus qu'à espérer que ce soit à la hauteur de mes attentes !(Faut bien avouer que même si je suis fan de l'album Sick, mon préféré reste Enjoy the Violence ! Quelle tuerie absol(...)
05/05/2025, 23:34
J'ai eu la chance de les voir il y quelques semaines dans une salle stéphanoise chauffée à blanc et je peux vous dire qu'on va entendre parler de ces garagnats dans le monde entier !!!! Du grand art .
05/05/2025, 18:16
Après j'ai 50 balais et je ne vais plus trop a des concerts ou festival et pourtant j'ai le sylak a 10 minutes de chez moi mais ce n'est plus ma tasse de thé et désintéressé de la scène actuelle et l'ambiance qui ne me correspond(...)
04/05/2025, 12:35
C'est très surprenant car Montpellier est bien connu pour être étudiant , dynamique et jeune . Je ne comprends pas ces difficultés car je ne maîtrise pas tout alors qu' a l'inverse dans la région Lyonnaise où je suis , c'est plut&oci(...)
04/05/2025, 12:25
Moi j'y serai !Avec les copains de Sleeping Church Records, on sera sur place !
04/05/2025, 09:55
Je l'ai essayé, alors que je n'écoute plus Benediction depuis beau temps. Ce sont des vétérans et le retour de popularité du Death vieille école leur vaut une certaine popularité, qui n'est pas volée au regard de cette long&ea(...)
03/05/2025, 22:39
T'as même pas le courage de dire que c'est un comportement typique de la population noire américaine, ce qui n'a aucun rapport ici.
03/05/2025, 21:41