Les musiciens n’ont pas tous pour but de révolutionner leur art ou de chambouler les idées reçues. Des groupes comme AC/DC ou MOTORHEAD ont construit une carrière sur la même approche légèrement modulée, les RAMONES n’ont jamais dévié de leur optique Surf Punk à grosses mélodies Pop, et les exemples pour étayer cette thèse ne manquent pas. Et alors ? Après tout, quand la musique est bonne, qu’elle sonne, sonne, sonne, autant ne pas jouer la déconne et accepter la donne. Le Thrash allemand historique, malgré un passage un peu trouble durant lequel les artistes référentiels se sont pris d’une ambition technique poussée (DEATHROW, HOLY MOSES) a toujours prôné des valeurs de violence et de brutalité pour se montrer à la hauteur de sa propre légende. Prenez les PROTECTOR par exemple. Deux albums et deux EP impeccables dans les années 80, une suite assez recommandable, et un malheureux split, avant de réapparaitre à l’orée des années 2000 sous la forme d’un tribute band, pour annoncer un comeback tonitruant en 2011. Depuis, quelques face partagées, mais surtout deux longue-durée, Reanimated Homunculus en 2013 et Cursed and Coronated en 2016, pour retrouver la lumière des ténèbres d’un Thrash sans concessions, toujours aussi brutal et diffus, mais clairement indispensable. PROTECTOR en substance, a toujours plus ou moins été le tonton bec de lièvre de la scène germaine, ce mec un peu fou qui sort des blagues douteuses et qui fait étalage d’un humour borderline. Musicalement, cette déviance s’articulait autour de riffs primaires, de rythmiques nucléaires, et d’un refus de céder aux sirènes de la compromission pour incarner le versant le plus incorruptible de l’extrême. Ils ne nous ont certes jamais offert de suite digne de ce nom du classique Urm The Mad (quoique Cursed and Coronated s’en rapprochait quelque peu), mais depuis huit ans, ils continuent de faire brûler la flamme sacrée, celle d’un Thrash tout sauf édulcoré, à quelques détails près. Pendant cette période, ils ont appris ce qu’était la fluidité, ce qui leur permet aujourd’hui de nous offrir un LP beaucoup plus léché, mais pas moins sauvage pour autant.
Summon the Hordes, toujours distribué par les passionnés de High Roller Records (les rois de la réédition, merci à eux) continue donc le travail de sape entrepris dans les années 80, mais montre un visage quelque peu différent des grimaces forcées d’antan. Disposant d’un son touffu mais plus précis que par le passé, ce septième album a presque des allures de rédemption et d’acceptation. L’acceptation que les limites franchies autrefois n’ont pas besoin de l’être une nouvelle fois, et que l’heure est à la médiation, sans modérer les intentions. Avec un line-up inchangé depuis 2011 (Martin Missy - chant, seul membre originel, Mathias Johansson - basse/chœurs, Carl-Gustav Karlsson - batterie et Michael Carlsson - guitare, tous trois depuis 2011 et l’époque MARTIN MISSY AND THE PROTECTORS), PROTECTOR envisage donc le présent et l’avenir serein, et nous développe des arguments très convaincants, mais assez éloignés des débordements desquels il fut coutumier. Beaucoup plus souple, ce nouvel album permettra sans doute à tous les réfractaires d’aborder un pan important de la culture Thrash allemande underground des eighties, et de découvrir un groupe plus posé, moins radical, plus maître de ses émotions mais toujours aussi fatal. L’inspiration n’est pas toujours forcément à la hauteur des attentes (certains titres reniflant le remplissage un peu facile), mais les qualités que l’on est toujours en droit d’attendre de ce quatuor infernal sont bien présentes, par intermittence, lorsque le tempo s’affole enfin pour retrouver cette impulsion à la limite du Thrashcore qui avait permis aux allemands de se démarquer de leurs concurrents (« Two Ton Behemoth »). On sent que Missy et les siens ont bien écouté le renouveau de la scène old-school nationale, et qu’ils ont adapté leurs vues à un marché de plus en plus exigeant, qui ne se contente plus de plans recyclés et d’idées chapardées. Mais même en version légèrement émoussée, PROTECTOR reste toujours ce chien fou dans un jeu de quille biaisé, et nous foudroie de ses poussées de vitesse inopinées et de ses breaks complètement allumés.
Recyclant la folie dont ils ont toujours été atteints, les quatre musiciens ne traînent pas en chemin, mais ont appris à temporiser et surtout à enchaîner, ce Summon the Hordes offrant des transitions beaucoup moins marquées, et faisant preuve d’un esprit de fusion beaucoup plus fluide. Les diablotins de la Ruhr sont même capables aujourd’hui de signer de véritables hits de l’enfer, et de nous torcher un « Summon the Hordes » aussi empreint de Néo-Death que de Thrash formel, naviguant entre les ambiances comme un bateau de pirates aux aguets. On peut donc constater un réel désir de progression, sans remiser de revers ses mauvais réflexes, à base d’excès en tous genres et autres folies vocales de dément. D’ailleurs, Missy n’a pas changé d’un iota son phrasé, la bouche toujours pleine de tabac à chiquer et le ton sardonique du mec à qui on ne la fait plus depuis longtemps, mais dès « Stillwell Avenue », la distance séparant PROTECTOR de ses homologues de KREATOR semble moins prononcée, malgré une double-grosse caisse au son complètement compressé et foiré. Mais tout est en place, les piqures de tiques qui grattent les mollets du batteur, ces riffs au son malpoli qui font passer la distorsion pour le bourdonnement d’un chauffe-eau récalcitrant, ces soli lâchés comme des coups de rasoir sur les avant-bras, et cette façon de régurgiter son repas en racontant des histoires de violence qui font toujours aussi peur aux petits-enfants. Pas de quoi se plaindre donc, même si on regrette de temps en temps l’atmosphère délétère des plus grandes œuvres, et cette production aux allures de démo qui nous laissait croire qu’on s’adonnait à des plaisirs interdits.
Mais l’écoute d’un PROTECTOR n’est plus un délit depuis longtemps, et même plus une faute de gout, puisque les exilés suédois ont appris que la séduction ne rimait pas toujours avec répulsion, réprimant parfois leurs instincts les plus barbares pour se la jouer malin, et nous surprendre de sophistication avec « Steel Caravan » et « Realm of Crime ». Nous sommes tout de même encore loin du consensus, mais le tout est diablement bien agencé, plus contrôlé, parfois proche d’un MORGOTH domestiqué (« Three Legions »), mais toujours symptomatique d’une démarche de déstabilisation programmée (« Meaningless Eradication »). Avec un final en forme de giclée sur des murs déjà souillés (« Glove of Love »), Summon the Hordes est donc un très bon nouveau chapitre à ajouter à la saga, pas le meilleur mais l’un des plus solides et cohérents. On peut vieillir sans vraiment changer, mais en acceptant de nouvelles possibilités, ce qui en soit est une preuve d’intelligence. Même pour les plus tarés.
Titres de l’album :
1. Stillwell Avenue
2. Steel Caravan
3. Realm of Crime
4. The Celtic Hammer
5. Two Ton Behemoth
6. Summon the Hordes
7. Three Legions
8. Meaningless Eradication
9. Unity, Anthems and Pandemonium
10. Glove of Love
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