Admettons que le plus important ne soit pas l’image, mais la musique. Beaucoup de groupes nous ont déjà fait le coup du concept de l’anonymat soi-disant pour recentrer les débats sur l’essentiel. Entre SLIKPNOT et leurs numéros, leurs masques, ou GHOST et leurs rôles joués à la perfection, tout le monde connaît le résultat d’avance. A l’image du KISS des années 70 qui interdisait aux paparazzis de les prendre en photo à découvert, les musiciens finissent pas instaurer une sorte de culte, et créent un concept qui finalement à l’effet inverse. Alors soyons honnête. Depuis les BEATLES dans les années 60, tout le monde sait qu’un groupe, c’est avant tout un packaging, et que l’image est aussi importante que le son, plus parfois pour certains imposteurs. Alors arrêtons de croire que le fait de porter des postiches, des surnoms, des numéros détourne l’attention du visuel pour le focaliser sur la musique ; les yeux sont aussi essentiels que les oreilles, surtout depuis l’avènement du vidéo-clip moderne et d’MTV. Que serait Michael Jackson sans ses zombies ? Que seraient devenus les a-HA sans leur bande dessinée ? Madonna et Mylène Farmer seraient-elles devenues des icônes sans leur décorum erotico-romantique ? Personne n’a la réponse à cette question, et je serais tenté de dire qu’elle est inutile. Et dans le cas des londoniens de SLEEP TOKEN, le débat n’a même pas lieu d’être. En renfort des GHOST et de leur évêque/ leurs prêtres, de ZEAL & ARDOR et ses negro-spirituals accommodés, de SLIPKNOT et sa violence intelligemment mise en forme, de BABYMETAL et ses fausses écolières adeptes du Headbanging du renard, SLEEP TOKEN n’est pas qu’une astuce commerciale fine et travaillée. C’est surtout une musique aussi étrange que son habillage peut l’être, et aussi mystérieuse que sa fausse religion l’inspire. Pour les néophytes, SLEEP TOKEN est un collectif anglais adepte de la planque visuelle et des costumes taillés sur mesure, qui préfère se voir comme une assemblée de disciples vénérant la divinité Sleep. Mené par l’énigmatique Vessel, le groupe/congrégation nous a déjà gratifiés de deux EP, sobrement intitulé One et Two, et qui exposaient les théories religieuses et musicales. Aujourd’hui, le collectif ose franchir une étape supplémentaire et lâche sa première bombe longue durée, sous la forme de ce Sundowning, qui de son titre cache un autre concept, beaucoup plus prosaïque.
« Le syndrome du coucher du soleil, est un phénomène neurologique associé à une confusion et à une agitation accrues chez les patients atteints de délirium ou d'une forme de démence. Le terme «coucher du soleil» a été inventé en raison de la confusion qui règne chez le patient. Pour les patients atteints du syndrome du coucher du soleil, une multitude de problèmes de comportement commencent à survenir le soir ou au coucher du soleil… »
Alors, admettons ça aussi. Puisque après tout chaque artiste a le droit le plus total de choisir ses thématiques, mettons-les en relation avec la musique, puisque telle est notre mission. Sous cet aspect-là, le groupe n’a pas changé ses habitudes, et respecte le cahier des charges de ses deux premiers EPs. Restant l’entité inclassable que nous avons connue, SLEEP TOKEN échappe à toute contrainte et obligation de style, et emprunte, recycle, mélange, métisse, harmonise, et nous offre un mélange de Post Rock, de Post Hardcore, de Pop, de Rock, de Psychédélisme, de Néoclassique, de Chamber, et ainsi de suite, jusqu’à l’overdose des sens. En écoutant les morceaux de Sundowning, on pense aux DEFTONES, à THE OCEAN, à VATTNET VISKAR, Devin TOWNSEND, COLDPLAY, ZEAL & ARDOR, Tim BUCKLEY, à ces artistes capables d’une envie à l’autre de passer de la contemplation pure à l’action la plus dure. En mélangeant les couches de sons, en empilant les strates d’arrangements, les londoniens évoquent tout autant la scène progressive moderne des VOYAGER que le versant le plus arty de la mouvance Post Metal des TOOL, dont l’actualité convient bien à cet album hors du temps et des modes. Mais comme la tendance générique depuis quelques années est au brouillage des pistes, le culte proposé par les anglais reste finalement ancré dans son époque, d’une pureté absolue, mais d’une violence larvée, comme si les barrières cloisonnant les styles se devaient de tomber d’une façon ou d’une autre. Sinon, comment expliquer que le groupe parvienne d’une minute à l’autre à évoquer les paysages éthérés et paisibles de MARILLION et les champs de ruine hurlés par les DEFTONES ? Comment expliquer le fossé énorme qui sépare une nuit étoilée belle comme « Give » d’une prévision d’apocalypse de la puissance étouffante de « Gods », sans paraître incongru, hors contexte ou trop disparate ? Car quelle que soit l’approche privilégiée, le collectif se montre convaincant, performant, pertinent, et surtout, terriblement humain et précieux dans son comportement artistique.
Alors en effet, pour tout miser sur l’image, il faut parfois détourner l’attention de l’aspect musical. Sauf que dans le cas des SLEEP TOKEN le deux versants sont aussi fascinants.
Des guitares bien sûr, qui le plus souvent tissent des toiles de sons, ou polissent des miroirs de cristal. Des arrangements électroniques ou pas dispensés avec générosité, pour épaissir le son façon Phil Spector gnostique, des Gospel joués façon progressif anglais qui évoquent les croyances de Wilson et de Morse, des empilements de chœurs traités, pour l’une des entrées en matière les plus ambitieuses de l’histoire de la musique moderne. A ce titre, « The Night does not Belong to God » est le plus beau blasphème rendant aux humains la grâce divine, joignant les mains de PORCUPINE TREE et ZEAL & ARDOR, pour une prière vraiment sincère. On pense aussi aux DEFTONES les plus souples, ce que confirme l’emphatique et cryptique « The Offering » de son énorme riff brisé en plein élan par un chant apaisé et lumineux. Du piano aussi, dans sa forme la plus simple, avec « Levitate » qui suggère un rapprochement spirituel vraiment poignant. Et dans le fond, une liberté de ton qui justifie l’emploi de tactiques Pop et Electro, complètement en marge d’un Rock si important, mais devenu secondaire ici. Comment expliquer sinon « Dark Signs », que peu de fans de décibels sauront excuser, spécialement lorsqu’un pattern breakbeat vient en casser la linéarité. Et ce piano qu’on retrouve encore sur le lointain « Drag me Under ». Et cette comptine/berceuse électronique qui transforme la nuit en terrain de jeu onirique sur « Sugar ». Et ceci, et cela, et tout le reste, important ou pas. Mais qu’est ce qui est important au final ? Une seule chose, et toujours la même.
Le plaisir qu’une musique peut offrir. Et celle présente sur les morceaux de Sundowning est extraordinaire.
De l’introspection, de la contemplation. Des rêveries, des envies. Un ailleurs, un autre espace-temps, et d’autres Dieux, plus à l’écoute de leurs suiveurs. SLEEP TOKEN, Vessel et son maître Sleep ont créé un culte de l’exigence. De nouveaux standards à respecter. Et des tubes magnifiques. L’église est ouverte, en plein ciel, en plein champ. Ouvrez ses portes qui n’existent pas.
Titres de l’album :
01. The Night does not Belong to God
02. The Offering
03. Levitate
04. Dark Signs
05. Higher
06. Take Aim
07. Give
08. Gods
09. Sugar
10. Say that you Will
11. Drag me Under
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