Superbia

Death Alley

23/03/2018

Century Media

S’il est un album que les fans de Stoner et de proto-Hard Rock psychédélique attendaient avec une impatience non feinte, c’est bien le second effort des hollandais de DEATH ALLEY. Pensez, avec un premier longue-durée de la trempe de Black Magick Boogieland (et encore sur un label aux proportions modestes), classique dans la forme et le fond mais se terminant sur une déclaration d’intention toute en ambition aussi ouverte que « Supernatural Predator », il y avait de quoi être alléché par le ramage pourléché. Et autant jouer cartes sur table immédiatement, Superbia, de son titre explicite dépasse toutes les attentes et comble tous les fantasmes, puisqu’il explose en termes de qualité et d’audace son encore timide prédécesseur. Il faut dire que depuis leurs débuts, les bataves ont connu pas mal de changements, et ont pris de la bouteille. D’abord, des tournées, plein, loin, longtemps. Ensuite, comme conclusion logique, une signature sur le mastodonte Century Media, toujours à l’affut. Ensuite, autre conséquence d’un turbinage intensif, un line-up qui a connu quelques ajustements. Nous retrouvons donc aujourd’hui Sander Bus, (DEVIL'S BLOOD) à la basse et l’omniprésent Uno Bruinusson à la batterie (IN SOLITUDE, PROCESSION), en sus des deux membres originels restant, Douwe Truijens (chant), et Oeds Beydals (guitare). C’est donc la moitié d’un nouveau groupe qui nous offre aujourd’hui le fruit de ses réflexions Desert Rock, en allant piocher au plus profond des influences psychédéliques de quoi alimenter sa silver machine, et force est de reconnaître que le voyage est des plus plaisants, et mérite plus que largement le détour qu’il vous obligera éventuellement à faire. Qui dit nouvelle section rythmique, et qui dit performances endiablées, dit adaptation à une nouvelle inspiration, qui sans rien renier du passé, se tourne vers un avenir beaucoup plus riche. En reprenant les choses là où la clôture de Black Magick Boogieland nous avait laissés, le quatuor ose des prises de risques les exposant un peu plus, et transforme son essai au point de signer un d’ors et déjà classique. Oui, vous avez bien lu, et laissons les mots faire leur office puisqu’ils sont en adéquation avec la musique.

Celle de Superbia l’est, évidemment, rêche ce qu’il faut, mais roublarde et séduisante. Produit par Pieter Kloos sur un appareillage aussi vintage que les accords diffusés, ce deuxième LP des originaires d’Amsterdam prouve que les deux têtes pensantes du projet ont fait les bons choix, en se laissant aller d’une part, et en accordant leur confiance aux bons alliés. Tout ici respire l’osmose entre les participants, et l’impression qui s’en dégage est celle d’une certitude qui le confine à l’orgueil (qui est aussi, sans aucun hasard, la traduction du titre…), tant le groupe en tant qu’entité impressionne, mais évite le tape à l’œil. Ici, on défriche, on réfléchit en profondeur, et on place les idées les plus pertinentes en avant, quitte à ce qu’elles durent un certain temps. C’est ainsi que l’auditeur se retrouve confronté dès l’entame de l’album au pavé « Daemon », qui en plus de neuf minutes développe de beaux arguments agencés, aussi Stoner qu’ils ne sont foncièrement Rock dans l’esprit. Une entrée en matière culottée, mais un culot qui paie, puisque ce morceau reprend peu ou prou les choses-là ou son aîné les avait laissées. Grosse intro qui monte, tension crescendo, pour une basse encore plus claquante que la queue d’un serpent à sonnettes, et une guitare qui joue la parcimonie et la finesse en évitant le gros riff plombé. C’est aussi sourd que lourd, mais paradoxalement, c’est enlevé et trépide d’un rythme agité, et nous met dans le bain immédiatement, sans prendre de gants. Le chant de Douwe Truijens est toujours aussi bien calé entre les différentes composantes de l’instrumental, pas trop mixé en arrière mais sans empiéter les plates-bandes, et les plans et segments s’enchaînent en toute logique, nous laissant déjà hébété face à tant de qualité. On pense bien sûr aux sempiternelles références, CAPTAIN BEYOND, HAWKWIND, mais aussi aux stigmates plus récents de GHOST, sans l’emphase théâtrale, mais on comprend surtout que la marge de manouvre des hollandais est encore plus grande qu’on ne le pensait, spécialement lorsque ces chœurs désincarnés se tapent l’incruste pendant un solo de toute beauté. Un morceau seulement et l’affaire est faite ? Deal conclu oui, mais pour autant, la nouvelle aventure ne fait que commencer.

Et elle continue en variant les plaisirs, soufflant le chaud et le torride, le Rock comme le Hard, mais surtout, respecte le standard de qualité élevé qu’on est en droit d’attendre de la part d’un groupe aussi doué. Capitalisant sur leur passé/passif en gardant cette attitude frondeuse et Punk, les DEATH ALLEY s’essaient aux joies du burner qui aveugle d’une grosse bouffée de sable cramé (« The Chain »), avant de céder à nouveau aux sirènes plus nuancées et balancées qui appellent « Feeding the Lions », près des côtes. Sander Bus affirme sa patte en lâchant une ligne de basse digne de Nick Oliveri, mais sans singer KYUSS, alors que qu’Oeds Beydals wah-watte dans son coin, attendant patiemment que l’ambiance explose pour enrager d’un riff retors. C’est cette approche de biais, subtilement psyché mais pas trop défoncée qui sied le mieux au quatuor, qui y voit certainement la bonne marche à suivre, un peu de guingois, mais franchement décoiffante. D’ailleurs, en enchaînant sans attendre sur l’éléphantesque « Headlights In The Dark », le combo prend la bonne direction, et nous garde en ciel dégagé, se délestant même de nappes vocales en épiphanie d’une intro qui nous colle au sol. Mixage parfait, contretemps étudiés, pour un chaloupé sensuel, mais terriblement viril. Mais si la démesure s’est trouvée amplifiée par les années, les musiciens n’ont pas pour autant perdu l’habitude de trousser des saillies plus instantanées, qu’ils équilibrent de mélodies en arpèges amers (« Shake The Coil »), où d’une énergie digne des BLUE CHEER reprenant les NEW MODEL ARMY (« Murder Your Dreams »). Ils nous glissent même entre deux huitres une petite perle d’harmonie (« Pilgrim »), qui suggère en effet que quelques fans risquent de leur emboîter le pas pour un pèlerinage sur ces nouvelles terres sacrées.

Mais DEATH ALLEY ne serait pas ce qu’il est sans une fin digne de sa réputation, et les amsterdamnés nous refont le coup de l’épique épilogue, via ce monstrueux « The Sewage » qui se permet en plus de voir plus loin qu’une synthèse de fin. Une fois encore, la nouvelle paire rythmique fait des merveilles, et module sans reculer, tandis que les deux leaders s’offrent un feu d’artifice à la hauteur de leurs moyens. Arrangements, phrasé vocal syncopé mais coulé, guitare qui fait feu de tout bois, pour un lifting vintage qui n’évite pas la nostalgie, mais ne s’en sert pas comme prétexte. Un dernier chapitre qui valide tous les arguments énoncés précédemment, et qui élève encore un peu plus Superbia au rang d’œuvre majeure de son temps.

 

« Plaire à soi est orgueil, aux autres, vanité. »

 Voilà donc un album en parfait contre-exemple à cette citation de Paul Valery.


Titres de l'album:

  1. Daemon
  2. The Chain
  3. Feeding the Lions
  4. Headlights in the Dark
  5. Shake the Coil
  6. Murder Your Dreams
  7. Pilgrim
  8. The Sewage

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par mortne2001 le 13/04/2018 à 18:15
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