Le seul grand secret, est que depuis toujours, nos vies sont régies par les morts.
Si vous avez un minimum de culture cinématographique horrifique transalpine, vous aurez immédiatement reconnu cette phrase tirée d’Inferno de Dario Argento. Que l’on pourrait compléter du lapidaire et traumatique « Lorsqu’il n’y a plus de place en Enfer, les morts reviennent sur terre », du Dawn Of The Dead qu’il avait lui-même monté dans sa version européenne. Et qu’on le veuille ou non, la mort est partout, elle nous encercle et nous condamne à accepter sa brutale réalité des faits, en une inéluctable progression vers un néant que les croyants espèrent blasphématoire, continuant de miser sur la transcendance de l’âme vers un niveau supérieur de conscience. Mais avec un peu de lucidité agnostique, il est facile de penser qu’une fois le cerveau et le cœur hors-jeu, seules les ténèbres nous entourent. Après tout, entre les catastrophes naturelles, les épidémies, les pandémies, la famine, la violence omniprésente, et le culte hédoniste d’une existence vouée à une consommation futile, les hommes s’enferment avec un plaisir morbide dans une doctrine de fuite en avant, sans penser au lendemain, et surtout pas à un avenir qui les obligerait à accepter l’irréfutable. Nous allons tous mourir, alors autant nous accommoder de ce destin écrit d’avance, et vivre avec quelques éléments en tête pour ne pas être trop déçus d’avoir été dupés dès la naissance. Et quelle meilleure BO que le troisième album des toulousains de WITCHTHROAT SERPENT pour accompagner ce triste film d’ombres chinoises qui révèle dans la lumière les créatures hideuses et macabres qui nous confinent en permanence dans une pénombre faussement rassurante. Nous avions quitté le trio il y a deux ans avec le prophétique Sang-dragon, qui avait trouvé un écho plus que favorable dans la presse virtuelle nationale et internationale, nous les retrouvons aujourd’hui plus superbes de majesté occulte aujourd’hui via Swallow The Venom, qui effectivement, nous empoisonne les veines de son Doom Stoner de première catégorie, sorte de drogue non coupée aux vertus hallucinatoires éprouvées.
Pourtant, les trois musiciens (Fredrik Bolzann - guitare/chant, Niko Lass - batterie et Lo Klav - basse) n’ont pas changé grand-chose à leur modus operandi ni au dosage de leurs ingrédients lysergiques. Signé sur le label caution Svart Records, grand autel des adorateurs de lourdeur et de bizarreries de tout poil, les WITCHTHROAT SERPENT se sont senti plomber les ailes, et continuent leur travail de recherche sonore absolue en poussant encore plus loin les délires, en accentuant les riffs éléphantesques, et en traquant sans relâche la sonorité grave qui va vous engourdir les tympans pour vous transformer en zombie docile, prêt à endurer toutes les tortures sonores les plus grasses, comme une épaisse couche de paraffine sur un faciès figé par la rigor mortis. On connaît le parallèle fidèle dressé entre les toulousains et leurs mentors d’ELECTRIC WIZARD, gimmick qui leur a même permis de se faire remarquer à grande échelle, et on note que ces accointances n’ont pas disparu, même si l’œuvre des sudistes n’a pas encore l’épaisseur d’un Dopethrone précurseur. Mais tous les fans du WIZARD, et par extension ceux se rappelant des premières exactions de BLACK SABBATH savent que les français ont réussi à adapter des langages anciens dans un vocable personnel, ce que démontre ce troisième chapitre voué à l’occulte, à l’horreur, à la fantasmagorie et à la perte des repères sous haute perfusion de substances sonores déviantes et méchantes. En soi, Swallow The Venom ne propose rien de vraiment novateur eut égard au passé du groupe, et à celui d’un style qui semble figé depuis sa création. On y retrouve ces guitares dégoulinantes de fuzz, ce chant erratique qui semble perpétuellement chercher la bonne tonalité dans la note finale en laissant son faux vibrato se perdre dans les gammes, cette rythmique éléphantesque qui ne dévie que très rarement de son concassage métronomique, et pourtant, la magie opère puisque l’osmose est palpable, au moins autant qu’une machette plaquée sur votre gorge au fin-fond d’un coin paumé de la Nouvelle-Orléans. Vaudou le dernier WITCHTHROAT SERPENT ? Possible, mais surtout, incantatoire, processionnel et nauséeux par moments, dans ses itérations irritantes, et de sa façon de rester cambré sur un motif unique pour de longues minutes d’introspection. Alors certes, et je vous l’accorde, le style ne s’en retrouvera pas grandi aux yeux des traqueurs d’innovation et des chantres du risque à tout-va, et pourtant, même en tant qu’allergique au genre, vous aurez de quoi trouver matière à vous enthousiasmer, comme lorsque vous regardez une vidéo bizarre sur la toile, qui tient autant de la fumisterie que du génie du détournement.
Et avec une intro aussi réussie qu’envoutante de la trempe du mystique « Feu Sacré », les auspices sont de mauvaise augure, mais étrangement séduisants, telle une femme létale vous caressant de ses lèvres pour mieux vous maudire de sa bouche. Et passés ces préliminaires en forme d’incantation noire, la méthodologie reprend le dessus, et la réalité vous frappe de plein fouet. « Lucifer's Fire » est aussi diabolique que le reste de la production des toulousains, ni plus ni moins, mais le son s’est encore épaissi, et les guitares ont encore grossi. Avec une production qui privilégie le trouble enfumé des souvenirs de nuits de débauche, le trio joue sur du velours un peu moisi et mal repassé, et recycle, refonte, reformate ses approches pour les adapter à l’exigence de la nouveauté tout en étant clairement conscient de son impasse créative. Alors on use de ficelles qui ont déjà servi à pendre les illusions et on les use jusqu’à la corde, exagérant les aspects les plus lourds pour les alléger de mélodies décharnées, tâtant parfois du mid-tempo pour tromper les masses et faire espérer un réveil du cauchemar qui n’arrivera pourtant jamais (« Hunt for the Mountebank »). Le reste ? Du Doom au parfum Stoner doux-amer, des volutes qui se collent au plafond, et une dualité gravité/légèreté pour une bataille rangée entre la guitare, la basse et la batterie d’un côté, et le chant de l’autre, apôtre de fortune et oracle de désespoir dans une mer de formules magiques qu’on emploie pour faire revenir à soi l’être aimé, ce public qui vous suit depuis des années et qui ne risque pas de vous lâcher. En entrant dans le camp des professionnels rodés, les WITCHTHROAT SERPENT n’ont rien perdu de leur individualisme, et continuent d’emmerder le monde de compositions interminables focalisées sur une (voire deux dans les accès d’euphorie ludique) idée digressé jusqu’à la lie (« Red Eyed Albino », « Pauper's Grave »), pour mieux nous écraser de son emphase dramatique aux allures de traque de l’animal mythique dans une mer de houle et d’ombres inquiétantes (« No More Giant Octopuses », final un peu plus atypique que la moyenne, et surtout, accrocheur en diable).
La mort est partout vous dis-je. Elle est autour, au-dessus, derrière, à côté, ici, demain, hier. Autant l’accepter comme un fait, lâcher la vapeur d’opium et partir dans une dernière bravade l’air fier mais entendu. Et Swallow The Venom d’incarner ce dernier shoot avant le grand départ, fix aux effets immédiats, nocifs, mais venin aussi libérateur que le proverbial serpent qui nous condamna jadis au purgatoire éternel.
Titres de l’album :
1.Feu Sacré
2.Lucifer's Fire
3.Pauper's Grave
4.The Might of the Unfailing Source
5.Scorpent Serpion
6.Hunt for the Mountebank
7.Red Eyed Albino
8.No More Giant Octopuses
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