Si vous êtes chroniqueur comme moi, vous connaissez le principe : le flot incessant de sorties provoque parfois un ras-le-bol face au conformisme de la musique proposée. On désespère parfois de tomber sur un groupe un peu à part, proposant un contenu artistique un peu plus ambitieux que la moyenne, mais malheureusement, le torrent de fichiers s’apparente souvent à un long fleuve un peu trop tranquille. On se demande si en naviguant sur ce fleuve, les rapides vont finir par apparaître pour rythmer le quotidien d’une façon différente de ces vagues sages qui ne provoquent que de gentils remous. On connaît les labels, leurs habitudes, leur cheptel, et leur tendance à ne chasser que sur leurs terres, alors lorsque l’un d’entre eux s’étonne lui-même de sa prise, la curiosité s’en voit aiguisée, et l’appétit férocement augmenté. C’est ainsi que le très respectable label Caligari Records se pose encore la question de la distribution du premier album de DUNWICH. Une question très légitime d’ailleurs tant le groupe ne ressemble absolument pas au reste de son écurie, et propose une approche radicalement différente et bien moins brutale. Peu d’informations filtrent à propos de ce trio que la toile peine à étiqueter. On retrouve collé sur le dos de cet album des labels différents et parfois grotesques, allant du Black Metal au Post Rock, en passant par le Doom progressif, mais la réalité est toute autre : Tail-Tied Hearts a en effet l’apparence d’un Doom très mélodique, d’un Post Rock mélancolique, ou d’un Black Metal pas totalement assumé, mais dans les faits, il n’est rien d’autre que de la musique, une musique pleine, riche, incantatoire, surprenante, hypnotique, belle et terrifiante. Pour des questions de facilité, le journaliste aime situer les artistes sur une carte, pour mieux aiguiller son lectorat. Je ne ferai rien de tel, et je me bornerai à reproduire ici les arguments du label : pour comprendre et connaître DUNWICH, il faut écouter ses chansons, nulle autre solution ne s’offre à vous.
Nous en venant de Russie, le trio est comme l’affirme Caligari, la somme de ses trois parties. Trois parties différentes mais complémentaires, avec en tête de gondole, la frontwoman Margarita Dunwich. C’est elle qui chante, qui écrit, et qui définit les grandes lignes artistiques du projet. Elevée par un père qui au-delà du rideau de fer se procurait les albums de Heavy Metal si difficiles à dénicher à l’époque, elle a compris que la passion est le moteur de toute entreprise. Et en s’associant au guitariste/organiste Anton Bronikov, elle a fait le bon choix. Le musicien, issu d’une famille de musiciens, a vite compris que la musique n’était pas une affaire de style, mais bien de ressenti et d’émotion. Tout comme le batteur Mikhail Markelov, qui s’est assis sur son tabouret après avoir quitté l’école, se portant en faux contre la croyance populaire affirmant que les bons instrumentistes commencent dès leur plus jeune âge. Avec leur expérience individuelle, les trois russes ont établi une somme commune de sensations, d’histoires, de directions, qu’ils se proposent de nous dévoiler sur l’intriguant Tail-Tied Hearts. A l’image de sa pochette, ce premier album ne dévoile pas grand-chose, et nécessite des heures d’écoute pour se révéler dans toute sa richesse, qui unit la tradition occulte des sixties et seventies, et l’efficacité mélodique du Rock des nineties. Le tour du force du groupe est d’avoir composé une musique complètement hors du temps, imperméable aux modes, tournant le dos à la nostalgie pour proposer une sorte de dimension parallèle dans laquelle la lancinance du Doom et le radicalisme du Rock peuvent cohabiter sans provoquer de big-bang destructeur. Et si on dit souvent que chaque chanson possède son identité propre, cette lénifiante évidence devient une réalité ici : chaque morceau est en effet complètement différent de son prédécesseur, sans nuire à la cohésion d’ensemble.
Je ne le cacherai pas, en tant que fan absolu de musique intrigante et fascinante, je ferai l’éloge de DUNWICH, seul album depuis des semaines à avoir suscité en moi un tremblement cathartique, et un espoir pour l’avenir de la musique en général. Je peine encore à trouver les comparaisons susceptibles de vous éclairer, mais le jeu n’en vaut pas la chandelle. Tail-Tied Hearts est unique en son genre, et merveilleux dans son absolu. Il est un passage en revue de toutes les émotions qu’un être humain peut ressentir dans sa vie, l’extase d’une beauté simple, la complexité d’un destin écrit d’avance ou pas, la nostalgie tendre d’une jeunesse perdue dans le miroir de la réalité, l’amour, d’un autre, d’une autre, d’un enfant, la peur de ne pas savoir ce qui nous attend, et une retranscription gothique d’une cinématographie musicale qui fait penser à la bande-son d’un film indie, à la croisée de l’horreur la plus viscérale et de la poésie la plus sublime. La voix de Margarita, fluette et versatile agit comme le fil conducteur de cette histoire pas comme les autres, et s’accommode de toutes les ambiances développées. Que ces ambiances soient inquiétantes et ombragées comme sur « Through The Dense Woods », strié d’effets sonores étranges et psychédéliques, ou plus confinées et intimistes comme sur le sublime de légèreté envoutante « Fall », qui rappelle les automnes d’une jeunesse morte depuis trop longtemps. La superposition du talent de conteuse de Margarita et de la facilité avec laquelle Anton change d’approche est véritablement sublime, et l’on passe par des sentiments rappelant les grandes années 4AD, mais aussi DEAD CAN DANCE, AZUSA, et beaucoup d’autres. Le groupe est étonnant, et capable d’enjamber les fossés avec une facilité incroyable, ainsi, le très énergique et dominé par un orgue ludique « Mouth Of Darkness » rentre en totale contradiction avec son titre laissant augurer de ténèbres Doom.
Ce Doom qu’on retrouve pourtant sous une forme OPETH avec le long et pesant « Sanctuary », rappelant que le style a su méchamment évoluer depuis ses débuts. Et le long final « The Sea », propose très intelligemment une extension, et non pas une simple synthèse. Dérivant au courant de quelques notes éparses renforcées de la voix enfantine de Margarita, cet épilogue est la plus belle conclusion possible à l’un des albums les plus étranges et poétiques de la production actuelle. Un genre de conte de l’est, un autre chemin, une autre réalité, et la force qu’il faut parfois pour continuer à débusquer les perles de nacre cachées dans les huitres du volume des sorties insipides. Un concurrent sérieux au titre du plus bel album de 2020, et une découverte inestimable. De quoi rendre cette journée un peu plus spéciale qu’elle n’aurait dû l’être.
Titres de l’album :
01. Glow
02. Through The Dense Woods
03. Solitude
04. Wooden Heart
05. Mouth Of Darkness
06. Fall
07. Sanctuary
08. The Sea
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