Voilà qui est diablement intéressant. Respectant son désir d’ouvrir le champ des possibilités au maximum, Klonosphère nous offre en ce mois d’avril qui ne se découvre pas d’un fil le premier album d’un groupe intrigant, aux confins de la galaxie Metal, Progressif et Post. Signature fascinante, ASH TWIN PROJECT évite l’écueil de l’ancrage trop ferme, et se promène dans les nébuleuses telle une étoile brillant de mille feux que les télescopent observent avec attention.

Eglantine Dugrand (chant), Romain Larregain & Robin Claude (guitares), Stéphane Cocuron (basse) et Thibault Claude (batterie), qui ont acquis de l’expérience au sein de collectifs comme PROPHETIC SCOURGE, TITAN, ou SILENT OPERA développent donc de beaux arguments, aussi agressifs que mélodiques, pour faire bouillir cette soupe aux goûts prononcés, et aux accents sucrés/salés. Ayant déjà une inclinaison naturelle pour les groupes progressifs à chanteuse, j’ai trouvé mon bonheur dans ce répertoire axé sur la dualité douceur/rancœur, qui est conseillé un peu maladroitement aux fans d’OPETH, OCEANSIZE, LEPROUS, ou encore TOOL.

Ces noms accrochent l’œil et intriguent l’oreille, et pourtant, Tales of a Dying Sun ne leur doit absolument rien. Inutile de tabler sur des comparaisons flatteuses lorsqu’on fait montre d’une personnalité aussi affirmée, et si le tout sent parfois l’alternatif de la fin des nineties, ou le Post-Folk de la décennie suivante, ses racines sont fermement plantées en terre Metal.

Un instrumental prolixe et versatile, une chanteuse qui maîtrise ses émotions, l’osmose crève les yeux, et le plaisir touche les cieux. « The Wilds », encore inédit à cette heure est un petit bijou d’équilibre entre révolte et sensibilité, avec ces quelques mesures de chant hurlé qui donnent une dimension plus puissante à l’album. Mais dans son ensemble, Tales of a Dying Sun se veut délicat, presque fragile, avec des guitares souvent bridées en son clair pour développer des harmonies mélangées de toute beauté.

Très loin des facilités Electro et de la démonstration Djent, ASH TWIN PROJECT est un feu de camp autour duquel chacun raconte sa propre légende. Inspiré par la nature, mais aussi par l’essence même de l’homme et de ses travers, « Cœlacanthe » est une entrée en matière dévoilée en janvier dernier qui laisse à réfléchir. Le groupe en parle d’ailleurs sans détour :

Ce morceau est un bon aperçu de ce que nous proposons sur cet album : structure progressive, illusions rythmiques, harmonies riches, passages ambiants etc. La complexité instrumentale est sublimée par le chant d’Églantine qui apporte clarté et accessibilité. Le texte, inspiré d’Outer Wilds, explore la quête de vérité et met en garde contre les vérités trompeuses, gare aux leurres…

Une synthèse qui concerne le morceau décrit, mais aussi les quatre autres l’accompagnant sur ce premier long. Des digressions séduisantes, des déviations puissantes, le voyage est bercé, bousculé, apaisé, et l’état d’esprit est changeant, comme notre caractère profond. Humain mais lucide, ce constat musical s’accompagne de nombreuses cassures, breaks, parties instrumentales développées, et met en avant de belles qualités de composition qui refusent la démonstration.

Il n’est néanmoins pas difficile de reconnaître le talent de ces musiciens qui aiment jouer avec les limites. « Isolation » le souligne avec un beau sens de l’à-propos, permettant au travail rythmique de bénéficier d’une exposition non négligeable, dont le batteur Thibault Claude profite à plein régime.

Peut-être plus évolutif que réellement progressif, selon les canons du sous-genre, Tales of a Dying Sun regarde le soleil mourir, et en tire des leçons essentielles. Cette absence de chaleur et de lumière, que l’on craint tous depuis quelques années trouve son illustration la plus crédible sur le superbe et énigmatique « Sunless City ». Cette ville sans astre est une véritable leçon de choses, avec encore une fois un travail titanesque de la paire de guitaristes qui savent faire parler leur instrument dans plusieurs langues différentes.

Subtil crescendo coupé en son milieu par une errance Ambient magnifique, « Sunless City » refuse l’excès de puissance, et privilégie la fragilité d’un chant épuré, soudainement sublimé par une distorsion très propre. Le son est d’ailleurs totalement en phase avec les ambitions artistiques, le tout restant léger comme une plume mais solide comme un roc.

ASH TWIN PROJECT apporte donc sa petite pierre à l’édifice du Metal Progressif, sans morgue ni insolence. Quelques arrangements plus modernes permettent à « Moon » d’approcher le souvenir d’un THE GATHERING un peu mutin, mais le concept dans son ensemble reste d’un intimiste touchant.

Personnel et universel à la fois, Tales of a Dying Sun se réécoute pour saisir toutes les subtilités, et reste un premier album plein de promesses. Le mixage handicape légèrement Eglantine Dugrand, qui doit parfois se battre pour s’imposer au premier plan, mais dans l’ensemble, ASH TWIN PROJECT s’en tire avec les honneurs, en louchant parfois sur la scène seventies si propice aux œuvres les plus pastorales.                        

Titres de l’album:

01. Cœlacanthe

02. The Wilds

03. Isolation

04. Sunless City

05. Moon

Facebook officiel

Bandcamp officiel