S’en reposant à ses théories d’origine, le groupe propose donc une synthèse du Death suédois depuis ses origines, avec un paquet de riffs morbides, constellés de breaks lourds et oppressants, le tout saupoudré de lignes vocales en gravité totale.
C’est ainsi que j’avais résumé la dernière offrande des suédois de WOMBBATH, et c’est ainsi que je pourrais résumer aussi leur nouvel album, le second publié en 2020. En effet, quelques mois après la sortie de Choirs of the Fallen, chroniqué en ces colonnes, les originaires de Sala s’en reviennent nous conter putréfaction avec une bordée de huit morceaux, qui ressemblent en tout point à leur production antérieure. Et pour cause, puisque Tales of Madness est une sorte de point de jonction entre le passé et le présent du groupe, offrant une relecture d’anciens morceaux et des inédits plus actuels, bénéficiant d’un même traitement sonore pour garder l’homogénéité intacte. C’est donc à un voyage dans les entrailles de la bête auquel nous sommes conviés, et autant dire que malgré son parti-pris synthétique, Tales of Madness ne dévie pas d’un iota de la philosophie du groupe depuis ses débuts. Au menu, du Swedish Death donc, de pure tradition, celui qu’on retrouvait déjà maculé de sang séché sur Internal Caustic Torments, Downfall Rising, The Great Desolation et Choirs of the Fallen. Et à la manière d’un LIK qui recycle à chaque fois les mêmes astuces, le quintet nous déroule encore le tapis vert dégueulis de l’agonie à la scandinave, avec HM-2 à fond la caisse, chant cryptique et grognon, et cassures de rythme prévisibles.
Ne vous méprenez pas sur mes inclinaisons. J’aime le Death à la suédoise depuis les débuts de NIHILIST dont j’avais eu la chance de découvrir les démos, et j’écoute toujours avec beaucoup de plaisir les premiers chefs d’œuvres de la scène dominée par ENTOMBED et DISMEMBER. Mais tout comme le Thrash old-school estampillé Bay-Area commence légèrement à me taper sur le système, les démarcages plus ou moins habiles sur les sons émanant des studios Sunlight ont tendance à me fatiguer avec le temps, spécialement lorsque des musiciens semblent vouloir nous refourguer une came qu’on a déjà abondamment sniffée dans les années 90. Je le concède, avec un acte de naissance frappé de la date 1990 (et même 1988 sous le baptême tribute-band de THE SHADOWS), WOMBBATH a droit aux honneurs de crédibilité dus à son rang, mais ce nouvel album mitigé moitié hymnes passés moitié inédits présents n’apporte pas de nouvelle eau croupie au moulin abandonné, et ne fait que prolonger le sillon déjà profondément creusé depuis trente ans. A l’écoute de ces nouveaux titres, mon esprit s’est légèrement embrouillé, croyant revenir dans le temps pour réécrire l’histoire et la chronique déjà publiée de Choirs of the Fallen tant les sonorités se ressemblent à quelques mois d’intervalle. Jonny Pettersson (chant, guitare), Håkan Stuvemark (guitare et basse), Jon Rudin (batterie), Thomas von Wachenfeldt (guitare) et Matt Davidson (basse) se sont donc retrouvés pour accoucher d’un LP hautement traditionnel, qui ravira les amateurs de sonorités glaciales. Mais…
…rien de plus.
Encore une fois, tout comme leur homonyme le wombat qui sourit tout le temps, les WOMBBATH font tout le temps la gueule et se montre irascibles et intraitables. Mais leurs fans se montreront ravis de retrouver dans le tracklisting de vieux morceaux remis au gout du jour, d’autant que ces mêmes morceaux ont un caractère historique. On retrouve donc le tout premier titre que le groupe a composé après avoir changé de nom (« The Grave »), mais aussi trois extraits de la démo Brutal Mights de 1992 (« Tales from the Dark Side », « Brutal Mights », « Unholy Madness »), ainsi que « Lavatory Suicide Remains » de l’EP Lavatory de 1994. De quoi se replonger dans l’histoire du groupe avec un plaisir masochiste, d’autant que ces quelques clins d’œil à l’histoire sont agrémentés de quelques inédits donnant des pistes pour la suite 2021 des évènements. Une suite qui sera évidemment très logique et toujours aussi caractéristique des débuts du groupe, lorsque le Death suédois donnait une méchante leçon de rigor mortis à la scène américaine.
La question qui reste en suspens : avait-on besoin d’un nouvel album, même hybride, quelques mois après la sortie officielle en mars de Choirs of the Fallen ? Les fans répondront par l’affirmative, complètement aveuglés par leur passion pour le groupe et sa musique, les autres ayant certainement un avis plus mitigé sur la question. Je dois moi-même avouer être plutôt circonspect sur la pertinence de cette fausse compilation, mais je dois aussi reconnaître que les WOMBBATH ont encore une fois plié le game de leur passion indéfectible en une méchanceté nordique effective. Et les morceaux d’appuyer cette assertion avec leurs débordements de violence crue et pure, à la manière d’une congère vous énucléant un moche matin d’hiver.
En se replongeant dans le passé du groupe, on note une utilisation accrue de la bestialité et de cette double grosse caisse qui écrase tous les os du cimetière, et on frémit encore une fois en sentant le courant d’air ENTOMBED nous geler la nuque. C’est toujours aussi efficace, produit comme à l’époque, méchamment bourrin, et la seule présence du morceau « The Grave » suffit à justifier l’existence de ce nouveau long, qui d’ailleurs ne l’est pas tellement. Le reste n’est que littérature et conjectures, et autant admettre que les WOMBBATH sont toujours des maîtres dans l’exercice du recyclage forcené, et poser les armes à terre. Si l’originalité est encore aux abonnés absents, l’efficacité d’un « Tales Of Madness » permet de fermer les yeux sur cette défaite concédée au groupe qui nous met une fois encore à genoux. Certainement pas l’épiphanie d’une année bien pourrie, mais de quoi l’enterrer en tout mépris.
Titres de l’album:
01. Tales From The Dark Side
02. Brutal Mights
03. Unholy Madness
04. The Grave
05. Lavatory Suicide Remains
06. Save Your Last Breath To Scream
07. Tales Of Madness
08. The Fleshly Existence Of Man
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