Oui, inutile de le nier, Amanda Somerville est belle. Très belle même, et bien que née aux Etats-Unis et résidant aux Pays-Bas, elle à ce charme trouble des splendeurs nordiques qui de la neige de leurs cheveux aux horizons infinis de leurs yeux vous clouent sur place. Mais Amanda est encore plus belle lorsqu’elle chante, et là, pas besoin d’image pour rêver…Car la vocaliste est certainement l’une des voix les plus demandées de la scène Metal, et son CV est là pour en témoigner. Depuis son implication dans le projet multicartes AVANTASIA, jusqu’à ses collaborations en duo avec Michael Kiske, en passant par ses featurings dans des références aussi assises qu’EPICA, KAMELOT ou AFTER FOREVER, sans oublier ses activités annexes au sein du all-women-band EXIT EDEN, son nom et ses cordes vocales semblent omniprésentes, et à juste titre. L’exilée américaine est en effet l’une des vocalistes les plus talentueuses et attachantes de la scène Metal européenne, et pas étonnant dès lors que des combos acclamés fassent régulièrement appel à ses talents. Mais le sien, propre, mérite aussi d’être exploité dans un contexte plus personnel, et c’est ainsi que depuis 2011, Amanda laisse libre court à son individualité au sein du concept tangible TRILLIUM, épaulée dans sa tâche par son mari Sander Gommans, qui après nous avoir offert il y a sept ans le très bon Alloy, remet le couvert pour ce Tectonic, aussi teutonique que méchamment glissant au niveau des plaques, eut égard à la puissance dont il fait preuve. Si musicalement, nous restons en terrain connu, mais surtout, et heureusement serais-je tenté de dire, en dehors des balises trop restrictives du Metal symphonique, la voix d’Amanda et les arrangements de Sander flirtent encore avec l’emphase la plus dramatique servant d’écrin parfait au timbre de cette chanteuse dont la puissance et la nuance sont en quantités égales.
Si Alloy à l’époque se montrait plutôt sombre et introspectif, Tectonic module un peu le tableau tout en gardant ses composantes principales. On y retrouve toujours ces envolées lyriques impeccables et passionnées, cette approche du Metal sans concession, mais aussi cette dualité entre douceur et âpreté, ADN d’un projet qui finalement, s’articule autour de la passion musicale liant l’interprète et son pygmalion. Entouré de pointures, le couple s’en est donc donné à cœur joie, et a pu profiter de l’expérience de cogneur de premier plan d’André Borgman, d’AFTER FOREVER, venu prêter ses baguettes au duo. De son côté, outre la composition, Sander a bien évidemment pris en charge la guitare et la basse, laissant quelques miettes à Mark Burnash, Paul Owsinski, ou Erik van Ittersum. Et sans révolutionner un genre qui n’en est pas vraiment un, TRILLIUM parvient avec ce second album à s’imposer sur une scène capricieuse, et pas vraiment complaisante envers les produits les plus approximatifs. De fait, tous les détails semblent avoir été examinés avec une attention particulière, de la composition à la production, et cette suite un peu tardive vise donc une perfection qu’elle atteint en plusieurs occasions. Et si les morceaux en eux-mêmes possèdent un charme indéniable, c’est évidemment la voix d’Amanda qui captive l’attention, elle qui bénéficie au sein de ce projet personnel d’une latitude totale. En évoluant aux confins de plusieurs mondes, tâtant du Heavy progressif tout autant que du Hard Rock symphonique (et bien que je haïsse ce terme), Amanda permet à sa voix d’exploiter toutes ses possibilités, aussi nombreuses qu’immédiatement reconnaissables, de l’émotion à fleur de peau et presque enfantine de l’intro de « Fatal Mistake », en passant par la furie opératique de « Time To Shine », qui ouvre cet album avec une emphase relativement peu humble. Mais Amanda mérite une telle débauche de moyens, et c’est encore avec brio qu’elle démontre qu’elle reste l’une des chanteuses les plus admirables de son époque, bien loin de ces Castafiores de Prisunic qui confondent souvent aria stérile en promo et incarnation puissante de tête de gondole.
Evidemment, et c’est bien sûr ce que l’on pourra reprocher à Tectonic sans craindre de se faire vilipender, la production dantesque et millimétrée pourra gêner les plus spontanés. De même, le calibrage au biseau des morceaux laissant relativement peu de place à l’improvisation, inutile de traquer une quelconque faille dans cet édifice entièrement érigé à la gloire de son interprète. Et des soli peaufinés à la rythmique maîtrisée, en passant par ces breaks tombant toujours pile, tout est fait pour procurer un confort d’écoute maximal à l’auditeur, et donner aux fans d’Amanda exactement ce qu’ils veulent. Pour autant, et si ce second LP ne passera en aucun cas pour un effort de groupe, il n’en est pas pour autant une simple vitrine destinée à propulser Somerville dans la stratosphère. Les chansons n’en sont pas que de nom, et ne sont pas qu’une vulgaire accumulation de contextes autorisant toutes les prouesses vocales, les plus risquées ayant bien sûr le droit de cité le plus prononcé. Nous ne sommes pas aux jeux olympiques vocaux, même si les capacités de la belle sont pleinement exploitées, au détriment d’une émotion qui a de temps à autres du mal à percer (« Stand Up », c’est évidemment bluffant de puissance, mais légèrement handicapé en substance), et heureusement pour nous, certains espaces permettent à la chanteuse de s’exprimer plus personnellement, en distillant des ambiances plus ambivalentes (« Cliché Freak Show », qui évoque une version outcast des LACUNA COIL). L’accent mis sur la violence est aussi assez fascinant, spécialement au travers d’une bourrasque Power de la trempe de « Full Speed Ahead », qui semble s’évertuer à dépeindre les turpitudes d’une Pat Benatar perdue dans un univers à la Lewis Carroll/Tim Burton.
Inutile de nier que certains enchaînements et certaines structures se répètent d’un moment à l’autre, mais entre des attrape-cœur catchy et addictifs comme le presque Pop « Hit Me » (doté d’une envolée vocale épidermique qui laisse pantois), et des archétypes polis à l’extrême qui ondulent et sinuent comme le proverbial serpent du jardin d’Eden (« Nocturna », une nuit avec la voix d’Amanda, pour un songe qui n’en finit pas), le bilan est largement positif, même s’il pourra être considéré comme trop formaté pour vraiment donner la chair de poule. Mais ce qui fait se dresser les poils sur les bras, c’est bien cette voix, si unique dans le domaine du Heavy Metal féminin…A l’instar d’un Anneke, et à des années lumières de la horde de suiveuses aussi à leur place à leurs côtés qu’une robe H&M dans une vitrine des Champs-Elysées, Amanda, même en version légèrement standardisée laisse toujours la concurrence loin derrière elle…Et c’est principalement ce qu’il faut retenir de ce second album de son projet TRILLIUM, qui sans bousculer l’ordre établi, permet à l’américano-hollandaise de prouver une fois encore, quelle extraordinaire artiste elle est. Et sera toujours, à n’en point douter.
Titres de l'album:
01. Time To Shine
02. Stand Up
03. Full Speed Ahead
04. Hit Me
05. Fighting Fate
06. Nocturna
07. Fatal Mistake
08. Shards
09. Cliché Freak Show
10. Eternal Spring
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