Petit séjour en Allemagne pour une dose de tendresse extrême, nos amis d’outre-Rhin ayant une propension naturelle en matière de Hardcore boueux et nauséeux, et une nouvelle preuve nous en est donnée via le premier EP d’un nouveau groupe qui risque fort de faire parler de lui dans un futur proche. Dignes représentants de cette nouvelle école de l’extrême qui refuse les barrières, les LIFETAKER nous proposent donc un Crossover assez féroce mélangeant la vitesse et la précipitation du Grind, la pesanteur glauque du Sludge, les tonalités macabres d’un Darkcore vraiment poisseux, le tout aménagé à une sauce personnelle relativement peu portée sur l’empathie. Nous en venant de Hamm, ces quatre malades du nœud coulant (Konstantin - chant, Alex & Tobias - guitares et Nico - batterie) ont donc clairement choisi leur camp, et refusent l’amour pour prôner la mort, dans cet éternel combat entre l’Eros et le Thanatos, qu’ils ont privilégié pour ce premier EP aussi Heavy que rapide, et aussi grincheux et tortueux que l’âme d’un serial killer en proie à ses démons intérieurs. Sans vraiment s’affirmer sur le terrain de la nouveauté, ces cousins germains aux nuits certainement agitées de cauchemars condensés se livrent donc à l’exercice périlleux du mélange véhément, et disposent à ces fins d’armes assez redoutables. D’abord, une production, sèche, épaisse, et qui confère aux graves une patine abyssale terrifiante, mais aussi un panel de références étendu, qui couvre un spectre allant du GODFLESH des deux derniers albums au NAILS le plus implacable. C’est donc sans surprise que ces douze minutes en leur compagnie ont ce petit quelque chose de cathartique, que les fans de Hardcore sale et ténébreux sauront apprécier sans faire la fine bouche.
Douze minutes, c’est bref, mais suffisant pour jauger du potentiel d’un quatuor promis à un avenir immonde et sans espoir. Si les critiques éparses ont cru voir en eux des cibles potentielles pour les fans d’ALL PIGS MUST DIE, BOLT THROWER, NASUM, ROTTEN SOUND, MARUTA, EATEN, BRUTAL TRUTH, ou NAPALM DEATH, les LIFETAKER n’en ont pas moins un ADN très personnel, qui leur permet toutes les déviances et autres marques de sadisme typique de l’école New Hardcore allemande. Mais il est certain qu’on retrouve sur ce Thanatos, des marques de fabrique bien connues de l’underground européen et américain, à commencer par cette versatilité dans l’abomination bien sûr, mais aussi dans cette déconstruction de l’extrême qui leur permet d’imposer des rythmiques bancales sur tapis de riffs radicaux. Ainsi, des morceaux aussi glaçants que « Revenant » ou « Rome », qui alternent les poussées de colère et les instants de spleen déprimant, apportent une plus-value incroyable à ce premier EP qui passe admirablement bien la rampe malgré sa brièveté. On aurait aimé - je ne le cache pas - que l’histoire d’horreur lucide dure un peu plus longtemps, d’autant plus que le groupe tire ses meilleures et plus létales cartouches en fin d’exercice, atteignant même une sorte d’apogée sur l’épilogue traumatique « Todesdrang ».
Aussi Grind qu’il n’est Sludgecore, aussi teinté d’Indus qu’il ne privilégie des pistes moribondes Death, Thanatos est plus qu’une simple carte de visite, il est l’aboutissement d’un apprentissage qui consiste à amalgamer des codes et us de styles fulgurants, pour en retirer la substantifique moelle et frapper fort, et constamment. La pression est telle qu’on se demande même si les cordes ne vont pas finir par casser, d’autant plus que la basse se plait à exploiter les fréquences les plus grondantes de son répertoire. La voix sourde et rauque de Konstantin agit comme un catalyseur néfaste et égrène ses litanies avec une conviction entachée de résignation, ce qui permet aux morceaux de garder cette humeur un peu morose qui les empêche de sombrer dans la facilité de plans joyeux, ou au contraire trop accentués qui font souvent sombrer ce genre de réalisation dans une routine écœurante un peu roborative. On sent même à l’occasion des velléités Post Punk, spécialement dans l’entame « Keres », qui n’hésite pas à provoquer le spectre d’OPETH pour mieux l’enchaîner au cadavre encore frais des PRIMITIVE MAN, ce qui nous donne une jolie alternance de mélodies maladives et de soudaines accélérations cathartiques, d’autant plus que le chant doublé ne fait qu’accentuer cette schizophrénie de surface. Du Grind traditionnel qui n’en est pas vraiment, et qui ne crache pas sur un groove entrainant pour nous faire chuter dans une spirale de remords, de ressenti et de haine, pour un voyage sans retour aux confins du désespoir. Glauque mais accrocheur, opaque mais suffisamment clair, versatile mais cohérent, ce premier EP des allemands de LIFETAKER ne vous fera certainement pas vous sentir mieux, mais vous ouvrira les yeux sur une situation bien concrète, et vous tiendra au fait de l’actualité underground européenne, qui refuse de voir ses plus ambitieux représentants cantonnés dans un rôle unique et si galvaudé. Et puis l’amour, c’est très surfait non ?
Titres de l'album:
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